Résumer trois ans de recherche en trois minutes, c’est le défi qu’ont choisi de relever les finalistes du concours Ma thèse en 180 secondes. Parmi ces 12 candidates et candidats en lice, 6 représenteront l’université. Rencontre avec Raphaël, Mathilde et Michel, qui tenteront le 14 mars de remporter l’édition régionale.
Une bonne dose de colza, quelques trèfles et une pincée de silicium
Parler sur scène devant le grand public, avec un chrono qui défile : c’est l’environnement de ce concours de vulgarisation scientifique. Chaque finaliste maîtrise son sujet de recherche, mais la difficulté est d’être capable de le faire comprendre à un public de non spécialistes en seulement trois minutes. Pour Raphaël Coquerel, doctorant au laboratoire Écophysiologie végétale, agronomie et nutritions N.C.S, amener la recherche vers le grand public est important pour « montrer que la science n’est pas quelque chose de rébarbatif. Cela peut être une voie amusante à explorer, et l’applicatif de nos recherches peut avoir un impact sur la société. C’est donc un devoir pour nous d’expliquer nos travaux. »
« J’étudie le colza car il y a beaucoup d’intérêt autour de cette culture, que ce soit pour son huile, pour nourrir le bétail avec le tourteau, c’est-à-dire ce qui reste de la graine sans huile, et qui pourrait remplacer le soja importé, ou encore les bio-carburants. Le colza a besoin de fertilisant pour avoir un produit de qualité à la récolte. Mon travail, c’est d’utiliser le trèfle comme support au colza, car il a la capacité de fixer l’azote atmosphérique et de le redistribuer, tout en utilisant du silicium qui lui permet d’augmenter la capacité d’absorption d’azote. En combinant les deux, nous pourrons diminuer l’apport en engrais azoté et donc réduire l’impact sur l’environnement. »
Raphaël Coquerel, doctorant et finaliste du concours Ma thèse en 180 secondes
Les haies, des « couteaux suisses de l’environnement »
Également en lice pour cette finale normande, Mathilde Guillemois, doctorante au laboratoire Identité et différenciation de l’espace, de l’environnement et des sociétés, tâchera pour sa part de sensibiliser le public à l’importance des haies dans les bocages. La jeune chercheuse étudie « l’évolution des usages agricoles depuis 1830, avec le basculement d’un usage massif des sols en prairies pour l’élevage vers de grandes cultures, ce qui a un impact sur les sols et la qualité des cours d’eau. » Et pour Mathilde, les haies, c’est du sérieux !
« Les haies sont des couteaux suisses de l’environnement, avec un rôle de brise-vent. Elles protègent et nourrissent les animaux. La haie est aussi un rempart qui stocke l’eau en amont et limite l’érosion hydrique. Quand il pleut, avec les champs en pente, l’eau va circuler, gagner en énergie et arracher les particules de terre qui peuvent se retrouver dans une rivière. Toute cette eau chargée en sédiments et potentiellement en pesticides et nitrates se retrouvent dans le cours d’eau, qui devient turbide, ce qui nuit à l’écosystème. J’essaie donc de suivre le cheminement de l’eau pour identifier les zones à risque et contribuer à un meilleur aménagement du territoire, plus respectueux de l’environnement. »
Mathilde Guillemois, doctorante et finaliste du concours Ma thèse en 180 secondes
Silicium ou fer ?
Dans le domaine de la physique théorique, Michel du Chalard, doctorant au Centre de recherche sur les ions, les matériaux et la photonique, a un rôle de détective. Comment distinguer le silicium+ du fer 2+ avec un microscope atomique ? Pour cela, Michel cherche les indices en « plaçant une feuille de carbone sur la trajectoire de l’ion. L’ion va arracher des électrons sur la feuille de carbone. En fonction du nombre d’électrons arrachés, on va pouvoir discerner s’il s’agit d’un silicium ou d’un fer » explique Michel. Pour obtenir ses résultats, Michel a dû « développer tout un code » informatique et faire face aux imprévus : « à chaque fois que l’on va enlever un électron à la feuille, sa surface va se charger. Il faut donc prendre en compte cette différence de charge de surface pour l’électron suivant, car plus une feuille est chargée plus l’électron suivant aura du mal à partir. »
« Cette méthode peut permettre de faire avancer les technologies de recherche. Si le détecteur est plus efficace, alors cela pourra aider tous les chercheurs amenés à l’utiliser dans leur propre recherche. Le code que j’ai développé pourra aussi être réutilisable. »
Michel du Chalard, doctorant et finaliste du concours Ma thèse en 180 secondes
La médiation scientifique, un enjeu pour chaque chercheuse et chercheur
Pour Raphaël, Mathilde et Michel, la médiation scientifique est cruciale et le concours Ma thèse en 180 secondes est une belle opportunité de montrer le fruit de leur travail. « Le plus important, c’est de donner envie aux jeunes de faire de la physique et des sciences, explique Michel. Peu de gens se souviendront de mes feuilles de carbone, mais ils pourront se dire que la recherche en physique est tout de même intéressante. » La vulgarisation est aussi un moyen de « rendre la recherche accessible à tout le monde, en apportant de la connaissance et en permettant à chacun d’être égal en termes de savoirs » abonde Mathilde.
Avec trois minutes devant plusieurs centaines de personnes, le défi est de taille pour les finalistes. Mais cela permet aussi de « sortir de notre cocon et de rencontrer d’autres profils de doctorantes et doctorants » précise Mathilde. Si le doctorat représente une grosse charge de travail, « ce n’est pas un sprint mais un marathon » rappelle la géographe. Que ce soit pour participer à ce type de concours ou pour se lancer dans l’aventure d’une thèse, l’essentiel, au final, c’est « d’être en adéquation avec son sujet de recherche, y trouver du sens et de la motivation » conclut Raphaël.
Pour savoir qui remportera la finale régionale et aura l’occasion de représenter la Normandie à l’échelon national, rendez-vous le 14 mars à 14h à l’Amphithéâtre Pierre Daure sur le campus 1. Entrée libre !
Les finalistes UNICAEN
- Raphaël Coquerel, laboratoire EVA – Écophysiologie végétale, agronomie et nutritions N.C.S.
- Mathilde Guillemois, laboratoire IDEES – Identité et différenciation de l’espace, de l’environnement et des sociétés
- Michel du Chalard, CIMAP – Centre de recherche sur les ions, les matériaux et la photonique
- Corentin Hingrand, laboratoire VERTEX – Vertige extrême
- Lucas Begue-Guillou, GANIL – Grand accélérateur national d’ions lourds
- Marius Le Joubioux, GANIL – Grand accélérateur national d’ions lourds