JOURNÉE D’ÉTUDE

  • Dernière modification de la publication :4 novembre 2024
  • Post category: International

LA GLOTTOPHOBIE : ANALYSES PLURIDISCIPLINAIRES DES DISCRIMINATIONS LINGUISTIQUES

Mercredi 16 mars 2022 | 9h30 – 17h | Amphi MRSH

Depuis la parution de l’ouvrage Discriminations : combattre la glottophobie du linguiste Philippe Blanchet, les discriminations linguistiques occupent une place plus importante dans le discours médiatique en France. Cette notion, qui met l’accent sur les moqueries, les ridiculisations voire les stigmatisations que subissent certains locuteurs au quotidien, nous donne un angle d’approche d’un phénomène très souvent banalisé. Grâce à cette journée d’étude, nous souhaitons mettre l’accent sur ce phénomène par le biais de recherches pluridisciplinaires. Nous avons l’honneur de recevoir comme conférencier d’honneur Philippe Blanchet, à l’origine du concept de glottophobie et auteur de l’ouvrage Discriminations : combattre la glottophobie qui fait autorité dans le domaine.

Conférence

CONSTRUIRE UN OBJET SOCIAL ET SCIENTIFIQUE: DE LA DISCRIMINATION LINGUISTIQUE À LA GLOTTOPHOBIE
Définir la glottophobie demande de poser des critères sociolinguistiques et interdisciplinaires qui permettent de l’inclure dans le champ des discriminations, concept relevant de la philosophie politique, de la sociologie et du Droit. Il s’agit de rassembler par enquête de terrain et d’analyser un corpus significatif de pratiques sociales, d’argumenter l’identification de discriminations glottophobes, d’expliquer leur existence (massive) et leur banalisation, et enfin, dans une visée interventionniste, de proposer des pistes et des modalités d’action.

Philippe Blanchet est professeur de sciences du langage, spécialité sociolinguistique et didactique des langues, à l’université Rennes 2.  Il étudie les dynamiques de développement ou de discrimination de la pluralité linguistique dans les politiques et les pratiques linguistiques et éducatives, sur des terrains francophones plurilingues variés. Il est notamment auteur de:  Discriminations : combattre la glottophobie, Paris, Textuel, 2016, 192 p. Réédition complétée 2019 chez Lambert-Lucas et de Je n’ai plus osé ouvrir la bouche… Témoignages de glottophobie vécue et moyens de se défendre, Limoges, Lambert-Lucas, 2018, 128 p, avec S. Clerc Conan.

Communications

Situé à l’extrême nord de la Norvège, le comté de Troms og Finnmark englobe un territoire historiquement multiculturel et multilingue à la croisée des aires indo-européennes et finno-
ougriennes (Sollid 2006). Cette diversité n’était pas du goût de la jeune nation norvégienne qui, au lendemain de la signature de sa propre Constitution en 1814, s’attela à assimiler les
populations sames et kvènes du nord du pays au travers de sa « politique de norvégianisation », menée jusque dans la seconde moitié du XXe siècle (Johansen 2007). De la
conversion linguistique de ces communautés qui s’ensuivit, ont émergé des variétés de norvégien marquées par un substrat finno-ougrien, soit des ethnolectes (Bull 2006; Johansen
2010) dont l’étude fut longtemps négligée par les linguistes norvégiens (Sollid 2013). La présente communication s’attachera à interroger le transfert et la persistance d’attitudes
glottophobes à l’encontre de locuteurs d’ethnolectes norvégiens du Finnmark à notre époque, originairement dirigées vers les individus parlant le same du Nord et le kvène. Cette réflexion sera nourrie par l’analyse préliminaire de données collectées sur le terrain lors d’entretiens sociolinguistiques, menés dans le cadre d’un travail de thèse en dialectologie perceptuelle.
Sources
Bull, Tove. 2006. « Språkkontakt, etnolekt og asymmetriske maktforhold. Norsk på samisk grunn ». NORDAND Nordisk tidsskrift for andrespråksforskning 1. 37–50.
Johansen, Åse Mette. 2007. « Vinning og tap: ei kvalitativ tilnærming til språkbytte og språkbevaring i ei nordnorsk kystbygd ». Berliner Beiträge zur Skandinavistik 11.
153–172.
Johansen, Åse Mette. 2010. « Fra dobbelt stigma til dobbel stolthet: språkkontakt i Nord-Norge i en ideologisk brytningstid ». NOA Norsk som andrespråk 26. 7–29.
Sollid, Hilde. 2006. « Kvensk-norsk språkkontakt i Sápmi ». Berliner Beiträge zur Skandinavistik
9. 291–301.
Sollid, Hilde. 2013. « Ethnolects in Northern Norway: From national negligence to local linguistic pride ». Hamburg Studies on Linguistic Diversity 1. 63– 94.

Cet exposé, plus orienté traductosophie que traductologie, cherche à montrer, à travers des exemples tirés de romans norvégiens, comment conserver l’équilibre de perceptions entre une situation sociolinguistique de départ (des pays scandinaves, notamment la Norvège) et d’arrivée (la France) particulière, celle des dialectes, lors de la traduction d’un texte de fiction, et comment éviter de faire apparaître à la traduction une perception négative dans la langue et la culture cibles.

Il s’agira d’interroger les phénomènes de glottophobie à la lumière de la théorie de l’imaginaire linguistique, telle que l’a théorisée Anne-Marie Houdebine, en s’arrêtant plus précisément sur les notions de représentation, d’épilinguistique et en faisant le lien entre fantasme de pureté dans la langue et fantasme d’unité du sujet parlant. Cela nous permettra d’interroger le rôle des grammaires dans la production de jugements glottophobes.

José María Arguedas (1911-1969) a été le premier écrivain à mettre en scène le conflit qui oppose le quechua et l’espagnol dans la société péruvienne. Dans ses romans, il dépeint comment les Indiens de langue quechua sont discriminés, notamment quand ils sont obligés d’apprendre l’espagnol. Nous analyserons en particulier le roman El zorro de arriba y el zorro de abajo où les discours tenus en espagnol par les migrants quechuas sont ouvertement diglossiques : la langue indigène travaille l’espagnol, voire le dynamite, afin de dénoncer le « déchirement idiomatique » (Antonio Melis) auquel sont soumis les Indiens.

Organisation

Carré international – Office franco-norvégien d’échanges et de coopération OFNEC
Avec le soutien de la Ville de Caen et le label Caen Nordic

Contact

ofnec@unicaen.fr

Crédit illustration : www.clementbuee.fr