La photographe Olivia Gay, accueillie en résidence à l’université, a réalisé les portraits de 19 femmes scientifiques travaillant dans des secteurs peu féminisés. L’exposition Équations, fruit de son travail, s’installe en plein air sur le campus 1 jusqu’au 7 novembre. Rencontre avec l’artiste, dont l’œuvre interroge l’image des femmes dans l’espace social.
Comment ce projet est-il né ?
J’exerce le métier de photographe depuis 25 ans et me suis toujours intéressée à la place des femmes dans l’espace social — notamment dans des milieux marginalisés, défavorisés ou peu considérés. Mon travail s’inscrit dans une démarche documentaire : la photographie est, pour moi, un moyen de questionner l’époque que je traverse. C’est un regard sur le temps. Cette réflexion est aujourd’hui au cœur d’une thèse de doctorat Recherche & Création artistiques (RADIAN) : c’est dans ce cadre que j’ai mené un projet photographique centré sur la visibilité des femmes dans le monde de la recherche scientifique.
Qui sont les femmes représentées dans l’exposition ?
Un appel à participation a été lancé auprès des unités de recherche autour d’un projet « Culture, Art, Égalité femmes/hommes ». Dix-neuf chercheuses ont finalement participé — dix-neuf chercheuses en informatique, électronique, sciences de la Terre, sciences des matériaux, astrophysique, neurosciences, microbiologie, épidémiologie, chimie, physique, agronomie ou encore mathématiques. Je me suis entretenue avec chacune d’entre elles pour m’imprégner de leurs univers et pour recueillir leurs mots. Quel regard portent-elles sur elles-mêmes ? Quel regard portent-elles sur leur métier ? J’ai proposé à chacune d’elles de suggérer un lieu, une situation ou un geste qui représenterait le mieux leur métier ou leur quotidien. Ces portraits, construits en dialogue avec elles, représentent des vies ordinaires de chercheuses, en somme.
L’exposition, présentée en mai 2022 à la Bibliothèque Madeleine-Brès, s’installe pour la première fois en plein air. Une façon de redonner toute la visibilité à ces chercheuses ?
La visibilité des femmes travaillant dans des secteurs peu féminisés était en effet au cœur du projet. L’important, pour elles, était d’inspirer de futures étudiantes, pour élargir le champ des possibles. Pour autant, toutes ne se sentent pas concernées, à titre personnel, par ces questions d’inégalité ou d’invisibilité. Certaines se sont toujours senties respectées et n’ont jamais ressenti le fait d’être une femme comme un obstacle… quand d’autres ont vécu des situations difficiles et ont parfois souffert d’un manque de considération. Ces questions ont suscité des échanges entre les chercheuses. Mais pas seulement ! Elles avaient également envie d’échanger sur leurs domaines de recherche respectifs. C’était là, aussi, l’objectif de ce projet : créer un point de rencontre entre des chercheuses de toute discipline, aux parcours et aux profils divers. Le titre de l’exposition, Équations, fait écho à cette rencontre pleine de promesses, entre art et science.
À propos d’Olivia Gay
Oliva Gay · Thèse de Doctorat RADIAN “Women at work. Images et économie : pour une photographie compréhensive », sous la direction de Anca Cristofovici (ERIBIA· université de Caen Normandie) et de Tania Vladova (École supérieure d’art et design Le Havre-Rouen)
Valentine Bouet, maitre de conférences en neurobiologie (COMETE) J’aime bien la photographie — mon père était photographe. En découvrant le travail d’Olivia Gay, je me suis dit que cette proposition était une expérience unique, que je ne pouvais pas manquer ! Sa démarche ne consiste pas à mitrailler, mais à véritablement penser une photographie élaborée… Et cela prend du temps ! Olivia a besoin de connaître les personnes pour faire la photo qui les mettra en valeur. Je lui ai fait visiter les locaux de l’unité de recherche, puis elle est revenue une fois, deux fois, trois fois… dix fois ! On a mangé ensemble au laboratoire, puis un sandwich à l’extérieur… Nous avons beaucoup parlé, de tout et de rien — du travail scientifique, de la vie personnelle, de la combinaison des deux. J’ai essayé, au début, de lui montrer des tas de choses… Du matériel, des technologies… Nous avons fait plusieurs prises, mais il manquait toujours un truc…. Et puis finalement, c’est une photographie prise tout simplement sur le toit du laboratoire que nous avons retenue ensemble. Cette expérience m’a aidée à prendre du recul sur mon travail, elle m’a beaucoup apporté.