Communication orale présentée lors des 27es Rencontres autour des Recherches sur les Ruminants (3R 2024), à Paris, les 4-5 décembre 2024.
Auteurs
Antoine Levasseur, Nathalie Desmasures, Marion Dalmasso, Marina Cretenet
Résumé
La flore microbienne des laits crus est riche et diverse avec plus de 780 genres décrits. La diversité et la quantité des microorganismes sont influencées par les pratiques mises en place par les éleveurs, allant de la gestion du troupeau en passant par les pratiques de traite jusqu’à la conservation du lait. La qualité microbiologique des laits crus telle qu’évaluée aujourd’hui est étroitement liée à la qualité sanitaire et dépendante des technologies fromagères associées. Certaines initiatives ont étendu ce principe de qualité aux équilibres microbiens. En effet, des études ont démontré que les laits crus sont, directement ou par certains microorganismes qu’ils véhiculent, source de bienfaits liés à la santé tels que le renforcement du système immunitaire et la réduction des risques de maladies chroniques (asthme, allergies, dermatites, obésité, etc.). Par ailleurs, les microorganismes des laits crus contribuent aux caractéristiques des fromages tant d’un point de vue sensoriel qu’en apportant une protection contre les pathogènes (effet barrière). Ces bénéfices peuvent être vus comme des services fournis par les écosystèmes microbiens. En effet, les services écosystémiques sont des bénéfices que les sociétés humaines peuvent tirer de leur environnement (M.E.A., 2005) et, ici, de l’élevage à toutes échelles. Les microorganismes des laits crus, apportant une plus-value sensorielle et liée à la santé, apportent donc bien des services aux sociétés. Mais comment cela peut-il être mis en avant à l’échelle d’une filière ?
L’objectif de cette étude est de déterminer si les communautés microbiennes des laits crus peuvent servir d’indicateurs des services écosystémiques de support (diversité microbienne) et de production (bienfaits liés à la santé, qualité technologique et organoleptique, effet barrière…) que les laits crus fournissent. Une approche par processus a été adoptée en complément de celles par groupes microbiens, usuellement utilisée dans les études sur la qualité microbiologique des laits crus. La filière AOP fromagère de Normandie a été sélectionnée comme modèle pour cette étude.
A partir des près de 500 exploitations engagées en AOP fromagère de Normandie, 30 ont été sélectionnées comme représentatives d’une typologie à 6 classes basée sur les surfaces agricoles et leurs usages. Les processus caractérisés pour l’étude sont la coagulation-acidification, la production de composés organiques volatils, la protéolyse, les interactions antagonistes entre flores bactériennes, la pigmentation, la capacité d’immunomodulation et l’activité antioxydante sur chaque lait cru de ces 30 exploitations. Ces processus renseignent ensuite sur des services de productions tels que l’aptitude des laits crus à la transformation fromagère, leur digestibilité et leurs bénéfices liés à la santé, ainsi que sur le service support de diversité microbienne. Pour corréler ces processus et, indirectement, ces services aux communautés microbiennes, à partir des échantillons de laits crus collectés, une approche couplant méthodes culture-dépendantes, métabarcoding, analyses physicochimiques et biochimiques a été mise en œuvre.
Ces données devraient permettre de mieux appréhender l’interrelation entre les pratiques des éleveurs et la production de laits crus aux caractéristiques spécifiques. De cette manière, des pistes d’amélioration pour optimiser les services rendus par la filière pourraient être proposées. Dans le cas des laits crus, ce travail pourrait amener des données
complémentaires à celles liées à la sécurité sanitaire en enrichissant la documentation de l’analyse bénéfice risque face au risque sanitaire. Cette méthode sera également élargie aux écosystèmes microbiens des trayons.