Aujourd’hui, en France, 24 chiens d’assistance judiciaire accompagnent les victimes d’infractions pour leur offrir un environnement apaisant et rassurant tout au long de la procédure. Le dispositif, que le gouvernement souhaiterait étendre à tous les départements, semble prometteur. Mais quels sont les effets réels sur les victimes, sur les intervenants et sur les chiens eux-mêmes ? Camille Cagnot, doctorante en éthologie, évalue le dispositif dans le cadre d’une convention de formation par la recherche en administration (COFRA), signée avec la Gendarmerie nationale.
Vous débutez une thèse aux côtés de la Gendarmerie nationale. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai suivi la licence Biologie des organismes et écologie à l’université Paris-Saclay avant de m’orienter vers le master de Neurosciences, parcours Sciences des comportements de l’université de Caen Normandie. Je me suis toujours intéressée au bien-être animal et me suis progressivement concentrée sur la question des interactions, dans la médiation animale : ce master, tourné à la fois vers l’humain et vers l’animal, répondait donc parfaitement à mon projet professionnel. Dans le cadre de mon stage de master 1, j’ai rencontré l’association Handi’Chiens, qui éduque les chiens d’assistance. Avec ma responsable, Anne-Sophie Darmaillacq, et Emilie Morançais, psychologue, nous avons monté un projet autour de Ravel, le chien d’assistance judiciaire de l’unité médico-judiciaire de Saint-Lô. Cette étude était très préliminaire et l’envie de creuser cette question s’est vite imposée à moi. Je suis allée aux États-Unis en 2023, à la rencontre de la Courthouse Dogs® Foundation, l’association qui a créé ce profil de chien et ai petit à petit affiné mon projet.
Quelles sont les attentes vis-à-vis du chien d’assistance judiciaire ?
LOL est le tout premier chien d’assistance judiciaire en France : il a été affecté, après deux ans de formation, au tribunal judiciaire de Cahors en 2019. Depuis, l’association Handi’Chiens a formé 24 chiens d’assistance judiciaire, déployés de manière inégale sur le territoire national. Le ministère de la Justice a signé, en 2023, une convention avec l’association Handi’Chiens, la Société protectrice des animaux (SPA) et la Fédération France Victimes pour déployer un chien dans chaque département d’ici 2027. La présence d’un chien d’assistance judiciaire est proposée pour accompagner les personnes – en priorité les personnes mineures – qui se déclarent victimes d’une infraction. Le chien d’assistance judiciaire a une personnalité plutôt calme et avenante. Son rôle est d’offrir, tout au long de la procédure, un environnement paisible pour l’enfant ou l’adolescent, qui pourra, s’il le souhaite, lui parler, le caresser, ou encore s’allonger à côté de lui.
Quels sont les enjeux de votre thèse ?
En 2024, mon projet de thèse a été retenu par la Gendarmerie nationale dans le cadre d’une convention de formation par la recherche en administration (COFRA). Ma thèse est la seule thèse COFRA accueillie par la Gendarmerie nationale en province, hors Île-de-France : c’est donc une première pour l’université de Caen Normandie, mais aussi pour la Région de Gendarmerie de Normandie ! D’ailleurs, la médiation animale est, elle-même, un champ de recherche assez nouveau. S’il y a de plus en plus de publications sur ce sujet, il y a encore peu d’études sur les deux acteurs de l’interaction humain-animal, et encore moins sur le chien d’assistance judiciaire plus spécifiquement. Mon projet de thèse consiste à regarder les effets du dispositif sur le chien, sur la personne mineure et sur l’intervenant – les trois à la fois, individuellement et en interaction. Ma thèse, encadrée par Anne-Sophie Darmaillacq et Astrid Hirschelmann, s’inscrit dans les champs de l’éthologie et de la psychologie.
Comment vont se dérouler vos recherches ?
Les recherches vont se concentrer sur Ravel, rattaché à l’unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger (UAPED) de Saint-Lô depuis trois ans, et sur Tonka, rattaché à l’UAPED d’Alençon depuis cet été. Nous allons effectuer des observations pour analyser le comportement des chiens et évaluer les effets du dispositif sur leur bien-être. À terme, il s’agira d’apporter des pistes d’amélioration du dispositif pour, par exemple, ajuster le rythme et l’environnement de travail du chien. Pour la Gendarmerie nationale, les interrogations sont nombreuses : qu’est-ce que le chien apporte concrètement à la procédure judiciaire ? Est-ce qu’il y a un impact sur la libération de la parole ? Est-ce qu’il y a un effet accélérateur sur la procédure en cours ? Est-ce que le chien modifie la façon de travailler des gendarmes ? Il est nécessaire d’apporter des éléments concrets de l’efficacité du dispositif pour soutenir son déploiement à plus large échelle.
Appel à participation : étude auprès de chiens de compagnie pure race Golden ou Labrador Retriever
Le laboratoire EthoS recherche des chiens de compagnie Golden ou Labrador Retriever, dans le cadre de la thèse de Camille Cagnot. Ces chiens permettront la formation d’un groupe de contrôle qui servira de point de comparaison pour des tests comportementaux. Les tests se dérouleront au campus 1 de l’université de Caen Normandie : les premières passations devraient avoir lieu dès mars 2025. Sur un créneau d’1h, votre chien et vous participerez à deux tests comportementaux respectueux du bien-être de votre animal. Les consignes vous seront communiquées le jour même et l’objectif précis de l’étude vous sera révélé à la fin des tests afin de limiter les biais expérimentaux.