Virus, bactéries, champignons… Les microorganismes seraient-ils les grands gagnants du réchauffement climatique ? Les chercheurs du laboratoire CBSA (UR 4312) proposent un atelier dans le cadre de la Fête de la science pour mieux comprendre ces petits êtres vivants, invisibles à l’œil nu. Rencontre avec Eliette Riboulet-Bisson, maître de conférences en microbiologie.
Les microorganismes : amis ou ennemis ?
Les microorganismes peuplent l’ensemble de nos écosystèmes et participent à leur équilibre. Dans le corps humain, certaines bactéries ont un rôle bénéfique — pour faciliter la digestion, par exemple. Dans l’alimentation, les levures entrent dans la fabrication du pain, quand les bactéries lactiques transforment le lait en yaourt. Dans les sols, les microorganismes recyclent la matière et favorisent la croissance des plantes. Dans le milieu marin, ils captent le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère et délivrent la moitié de l’oxygène que nous respirons chaque jour. Mais il existe, aussi, en effet, des microorganismes néfastes comme les bactéries Listeria, Escherichia coli, ou encore Salmonella, responsables d’intoxications et de maladies graves.
Quels sont les effets du changement climatique sur les microorganismes ?
D’une manière générale, le changement climatique perturbe les grands équilibres écologiques. L’augmentation de la température incite les espèces à se déplacer et à s’adapter pour survivre… ce qui entraîne la disparition et la prolifération de certaines d’entre elles. Ces déplacements ne sont pas sans conséquence sur la transmission de maladies. Depuis une cinquantaine d’années, les populations de tiques augmentent en Europe — une augmentation vraisemblablement due aux conditions climatiques plus favorables à cette espèce. Cette prolifération s’accompagne d’une propagation plus importante de la maladie de Lyme, causée par la bactérie Borrelia burgdorferi. Même chose avec le moustique-tigre, présent désormais en France, qui véhicule des virus comme ceux du chikugunya, de la dengue et du zika. Dans le milieu marin, l’augmentation de la température de l’eau favorise la prolifération de microorganismes qui attaquent les coraux. La fonte des glaces pourrait également entraîner la libération de microorganismes piégés en sous-sol, dans le permafrost — des bactéries et des virus qu’on ne connait pas ou qu’on pensait disparus. Avec le risque d’activer des maladies contre lesquels l’Homme n’a aucune immunité.
Que pourra-t-on découvrir sur le Village des sciences de Caen ?
Les enseignants-chercheurs, doctorants et ingénieurs de recherche de notre laboratoire se mobilisent pour animer deux ateliers. Le premier se tiendra dans une véritable salle de travaux pratiques : les visiteurs découvriront les outils et équipements utilisés pour la recherche en microbiologie. Le second atelier proposera différents jeux illustrant les déséquilibres induits par la prolifération ou la disparition des microorganismes. Ces animations ludiques favoriseront les échanges et les discussions sur l’impact du changement climatique sur les écosystèmes… et sur notre santé.
Quels sont les liens avec vos activités de recherche ?
L’unité de recherche Communication bactérienne et stratégies anti-infectieuses (CBSA · UR 4312) s’intéresse à l’antibiorésistance, qui s’accélère depuis une vingtaine d’années : au fil des années, des bactéries sont devenues résistantes à des traitements qui étaient pourtant, jusqu’à présent, efficaces. Les bactéries s’adaptent et développent de véritables mécanismes de défense. Les déséquilibres induits par le changement climatique laissent craindre une aggravation de ce phénomène. Les bactéries sont en effet capables d’échanger leurs gènes avec d’autres espèces bactériennes : l’apparition de nouvelles bactéries pourraient ainsi créer de nouvelles combinaisons encore plus résistantes. La Fête de la science sera l’occasion de sensibiliser les publics aux conséquences d’une utilisation excessive d’antibiotiques. Mais aussi de faire découvrir nos travaux sur la mise au point de nouvelles solutions thérapeutiques pour contrer l’antibiorésistance — un phénomène devenu aujourd’hui un véritable problème de santé publique à l’échelle mondiale.