La seiche est le plus étudié des céphalopodes. Et pour cause, ses capacités cognitives sont à la fois étonnantes et complexes. Avec sa thèse1, Alice Goerger, doctorante de l’équipe Neuro-éthologie cognitive des céphalopodes (NECC) de l’unité Ethos, cherche à comprendre les effets de la turbidité de l’eau sur le comportement de cet animal plein de ressources.
Dans quel contexte réalisez-vous votre thèse ?
La seiche commune constitue l’une des espèces les plus pêchées, notamment en Normandie. Depuis des années, le long de nos côtes, la population globale de seiches connaît de fortes fluctuations. La seiche ne vit qu’un ou deux ans et elle se développe et se reproduit près des côtes où la turbidité de l’eau varie pendant la journée. Elle s’est donc adaptée à vivre sans visibilité ou presque. Néanmoins, l’urbanisation récente du littoral peut conduire à des apports terrigènes supplémentaires augmentant la turbidité de l’eau de façon incontrôlée. Est-ce que la turbidité de l’eau modifie les comportements dépendant de la vision des seiches juvéniles ? Est-ce que l’élevage dans une eau proche du milieu naturel ne permet pas d’optimiser leur bien-être et leur développement ? Autant de questions auxquelles je tente de répondre avec ma thèse.
Que cherchez-vous à démontrer ?
Mon projet doit évaluer l’impact potentiel de l’augmentation de la turbidité de l’eau en milieu naturel sur les comportements de la seiche (camouflage, ensablement et prédation) afin de voir si son augmentation peut expliquer la chute de la population de seiches sur nos côtes. Ensuite, il s’agira de déterminer si les juvéniles élevés en milieu turbide vont développer des compétences visuelles pour compenser la faible visibilité dans ce milieu. L’idée est de voir si la seiche est réellement adaptée à une vie en eau turbide. En d’autres termes, est-ce qu’un élevage en eau claire est adapté pour le bien-être et le développement de la seiche commune ?
Quels sont les enjeux et les retombées possibles de vos travaux ?
L’enjeu majeur est d’étudier si la seiche a un développement optimisé en eau turbide et si elle peut s’adapter à ce paramètre présent dans son environnement naturel. Mes conclusions pourraient avoir un intérêt sur la pertinence ou non de la mise en conformité règlementaire des conditions d’élevage des seiches dans le respect de la directive 2010/63/ UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Selon mes conclusions, la turbidité de l’eau pourrait être prise en compte dans les politiques de conservation de l’espèce. À plus long terme, des applications pourraient être envisagées pour le développement de matériaux permettant la vision en eau turbide.
1Écologie visuelle de la seiche : effets de la turbidité sur la survie, le développement et la reproduction. Équipe NECC – Neuro-éthologie cognitive des céphalopodes ETHOS UMR 6552.