Grâce à un travail collaboratif européen de longue haleine, le GANIL dispose d’un nouveau multidétecteur capable d’étudier les propriétés du « fluide » nucléaire, sa composition chimique, sa thermodynamique et la dynamique des noyaux en collisions. Baptisé FAZIA, il remplacera à terme une partie de l’ancien détecteur INDRA, pour les recherches plus pointues du laboratoire LPC.
Au début des années 2000, les études sur les réactions, la dynamique et la thermodynamique nucléaire étaient limitées techniquement pour détecter des particules. Des équipes européennes se sont alors regroupées au sein du projet FAZIA1. Elles voulaient améliorer les capacités d’identification et de résolution des détecteurs employés jusqu’alors en physique nucléaire grâce aux accélérateurs de particules, comme le Ganil, pouvant bombarder des noyaux d’atomes à des vitesses de 100 000 km par seconde (le tiers de la vitesse de la lumière). « Le multidétecteur FAZIA corrige la myopie d’INDRA, résume Nicolas Le Neindre du Laboratoire de physique corpusculaire (LPC) qui co-dirige le groupe. Utilisé depuis 1993, INDRA était l’outil de référence au GANIL. Mais ce détecteur ne nous permettait pas d’identifier tous les isotopes formés lors d’un impact. » En couplant FAZIA à INDRA, dès 2019, les chercheurs ont chaussé de nouvelles lunettes. Désormais, ils caractérisent la composition complète des noyaux (protons + neutrons) allant de l’hydrogène jusqu’aux isotopes du calcium, voire du manganèse dans des conditions extrêmes.
Connaître l’infiniment petit pour comprendre l’infiniment grand
« Cette performance est unique en son genre, assure le chercheur. Elle ne peut être dépassée qu’en utilisant un spectromètre magnétique, au prix de réglages souvent complexes ». Associés, INDRA et FAZIA constituent l’appareillage de détection le plus performant au monde. Les chercheurs peuvent intercepter et identifier tous les fragments produits lors des collisions entre un faisceau et une cible en couvrant tout l’espace autour du point d’impact. « Nous étudions la répartition des protons et des neutrons (isospin) qui composent des noyaux, dans des conditions extrêmes de température et de densité, afin de voir comment cela influe sur les propriétés de la matière nucléaire dite chaude (son équation d’état et les transitions de phase qui en découlent). » L’expérience E818 (sur l’état de la matière fragmentée à basse densité) programmée début 2022 devrait accroître la connaissance sur l’équation d’état de la matière nucléaire. En savoir plus est crucial pour la description d’objets stellaires compacts comme les étoiles à neutrons. La mise en évidence récente des ondes gravitationnelles survenant après la collision de ces objets astrophysiques nous incite à mieux connaître l’infiniment petit pour comprendre l’infiniment grand.
1La collaboration FAZIA réunit des chercheurs de laboratoires français (Grand accélérateur national d’ions lourds, Laboratoire de physique corpusculaire de Caen, Institut de physique nucléaire d’Orsay, Subatech Nantes, L2IT de Toulouse), italiens (INFN Firenze, Catania, Napoli, Padova, Bologna), polonais (université Jagellonne de Cracovie, université de Varsovie), espagnol (université de Huelva) et sud-coréens (Département de physique de l’université de Corée, université de Inha, CeNum, EWHA Women University).