Trois contributions consacrées à l’œuvre de l’artiste caennais Orelsan sont publiées sur l’Atlas social de Caen. Outil d’illustration des réalités sociales passées et en cours de notre ville, le regard éclairant de l’atlas, lauréat du cristal collectif 2023 du CNRS, est en recherche permanente d’innovation pour définir les rapports des populations à leur espace social localisé. Rencontre avec Stéphane Valognes, maître de conférences en géographie, auteur de Orelsan et Aurélien Cotentin, artiste et entrepreneur : empreintes, ancrages, appropriations géographiques.
Trois nouvelles planches consacrées à Orelsan sont publiées dans l’Atlas social de Caen. Dans quelle dynamique de travail s’inscrivent-elles ?
Ce projet est né d’une discussion entre collègues, avec Jean-Marc Fournier, professeur de géographie, à la photocopieuse. Pour un cours, je me suis servi, à titre illustratif, de certains morceaux de rap pour illustrer les rapports entre la circulation des œuvres culturelles et la mondialisation. En discutant de cela, Jean-Marc Fournier m’a dit que cela serait intéressant de faire quelque chose sur Orelsan pour montrer la pertinence des outils de la géographie et plus spécifiquement de la géographie sociale. Mais aussi, dans l’idée d’intéresser le public étudiant, en travaillant sur une œuvre grand public, appréciée par beaucoup, pour montrer la pertinence possible de l’approche dans le cadre de l’Atlas social de Caen. Ce projet, qui a été ensuite rejoint par Ugo Legentil, ingénieur d’études, propose une lecture plurielle du territoire avec des regards économiques et géographiques notamment. L’objectif est de montrer que la géographie, de manière plus large les sciences sociales et l’université, peuvent être des lieux qui nouent un dialogue avec la société.
Pourquoi s’intéresser à l’œuvre d’Orelsan ?
L’examen de l’œuvre plurielle d’Orelsan, qui provoque parfois des discussions au sein même des différents publics, avec des outils de sciences sociales et de géographie, peut mettre à jour certains rapports entre les espaces, les territoires et les groupes sociaux. Une démarche entreprise par Orelsan avec ses mots à lui. Entre le Orelsan de 2009 et celui plus contemporain, il y a des choses qui ont évolué dans ce qu’il dit sur sa ville d’enfance, celle à laquelle il semble être le plus attaché. Donc, cela nous semblait être quelque chose de très intéressant, à travers les textes, les paroles et les clips qui sont très riches, de tester un certain nombre d’outils et d’approches de façon collective.
Vous êtes co-auteur de la première planche : Orelsan et Aurélien Cotentin, artiste et entrepreneur : empreintes, ancrages, appropriations géographiques. Pouvez-vous la présenter ?
On souhaite présenter le fait qu’il est à la fois Orelsan et Aurélien Cotentin. D’un côté un artiste et de l’autre un entrepreneur qui a des activités dans le monde de la musique ainsi que dans celui du streetwear. Son image et ses activités sont reprises et vont au-delà de l’univers du rap, pour aller dans d’autres directions comme la mode ou le sport à l’image du soutien qu’il a apporté à plusieurs reprises au Stade Malherbe Caen. On veut également reconstituer une sorte d’écosystème autour d’Orelsan en partageant le fait que son œuvre a été reprise par d’autres artistes. Accompagné par des collaborateurs et des collaboratrices, il y a beaucoup de gens qui travaillent avec lui. Notre volonté c’est aussi de restituer cela, sous un angle qui mêle Caen et Orelsan, à travers les empreintes laissées par son œuvre, ses ancrages et les appropriations dont son travail fait l’objet.
D’après vos travaux, que peut-on dire du rapport qui lie Orelsan à la ville de Caen ?
Les rapports semblent pluriels, parfois contradictoires. Mais c’est clair qu’il y a une forte nostalgie chez lui à travers des lieux qu’il continue à marquer de son empreinte comme la presqu’île. Dans les textes, beaucoup de lieux comme la prairie, l’hippodrome, le port, la presqu’île, le CHU, semblent avoir marqué son œuvre et être affectés, en retour, par la diffusion de ses textes. On a une sorte d’interaction entre l’œuvre et l’empreinte, ou les représentations, qu’elle contribue à modifier et peut-être à créer une forme de tourisme qui offre une certaine visibilité à la ville grâce à l’approche d’un artiste.
À propos des auteurs
Stéphane Valognes est maître de conférences en géographie à l’université de Caen Normandie, membre du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO · UMR CNRS 6590).
Ugo Legentil est ingénieur d’étude en géographie et membre du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO · UMR CNRS 6590).
Jean-Marc Fournier est professeur de géographie à l’université de Caen Normandie, membre du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO · UMR CNRS 6590). Il coordonne, avec Patrice Caro, le projet de l’Atlas social de Caen.