Les laboratoires de recherche emploient parfois de nombreux produits radioactifs pour leurs manipulations et expériences. La plateforme IMOGERE accompagne l’ensemble de la communauté scientifique de l’université de Caen Normandie (et au-delà) pour travailler en toute sécurité et en conformité avec la législation la plus récente. Tour d’horizon des missions d’IMOGERE avec son directeur, Pierre Barbey, et son directeur-adjoint, Thomas Cailly.
Quels services propose la plateforme IMOGERE ?
IMOGERE est une plateforme dédiée à la gestion des sources radioactives, au service de l’ensemble des unités de recherche de l’université de Caen Normandie. Les substances radioactives sont en effet utilisées dans les laboratoires pour les besoins de la recherche en biologie, en chimie et en médecine pour, par exemple, suivre l’action d’une molécule pharmaceutique dans l’organisme. Mais aussi en histoire et en archéologie, pour analyser, grâce à des appareils produisant des rayons X, la composition physico-chimique de poteries ou de pièces de monnaies anciennes, et ainsi déterminer leur provenance, date et techniques de fabrication. Ces pratiques sont aujourd’hui encadrées par une réglementation très stricte établie par l’Autorité de sûreté nucléaire.
C’est dans ce cadre qu’IMOGERE assure ses missions de formation, de recherche et de radioprotection – avec pour objectifs de protéger la santé et la sécurité des personnels, et de prévenir les risques environnementaux.
IMOGERE propose également des actions de formation ?
La formation de personnes compétentes en radioprotection (dites PCR) est nécessaire pour la manipulation, l’utilisation et le stockage de substances émettant des rayonnements dits « ionisants », capables de provoquer un changement de la matière qu’ils traversent. L’université de Caen Normandie propose des formations professionnelles à la radioprotection depuis 2006, devenant, en juin 2015, le tout premier organisme de formation certifié en France. L’université avait en effet une longueur d’avance, avec les compétences, les installations et les moyens réunis au sein d’un service créé dès 1998. IMOGERE proposera également une formation qualifiante PCR renforcée à compter de la rentrée prochaine, pour permettre la mise à jour des savoirs et des savoir-faire.
Dans cette même optique, IMOGERE anime et coordonne le Réseau régional Grand-Ouest des acteurs de la radioprotection : deux séminaires sont organisés chaque année pour favoriser les échanges et la diffusion des dispositions réglementaires en vigueur. Ce réseau réunit aujourd’hui plus de 500 acteurs ! Cette initiative, dont l’université de Caen Normandie a été pilote dès 2004, a été largement reprise : il existe aujourd’hui une quinzaine de réseaux similaires en France.
Quelles sont les activités de recherche menées sur la plateforme ?
IMOGERE héberge régulièrement des expériences de binding, d’autoradiographie, de post-marquage ou de radiochimie. Ces dernières années, IMOGERE a notamment accompagné le Centre d’études et de recherche sur le médicament de Normandie dans ses projets de radiochimie et de binding. Les travaux de radiochimie mis en oeuvre ont permis la découverte de nouvelles méthodes permettant d’attacher des atomes radioactifs sur des molécules pour des applications en imagerie médicale. Quant aux études de binding, elles permettent de mesurer l’affinité d’un futur médicament pour sa cible biologique. Le Donécopride, qui va prochainement entrer en essai clinique contre la maladie d’Alzheimer, a ainsi été évalué sur la plateforme.
Récemment, IMOGERE a également participé à une étude à la demande du CHU de Caen Normandie. Le service de médecine nucléaire était alors confronté à une question sans réponse : les substances radioactives contenues dans un traitement utilisé contre l’arthrose (la radiosynoviorthèse) se diffusent-elles dans le lait maternel ? Ce traitement avait en effet été prescrit à une femme présentant des douleurs articulaires chroniques, qui souhaitait poursuivre l’allaitement de son enfant. Le lait maternel a été prélevé et analysé durant les jours suivants l’injection du traitement dans son genou gauche.
Les résultats de nos dosages étaient sans appel : les substances radioactives se diffusaient en effet dans le lait maternel, avant de disparaître au bout de 26 jours. Ce qui nous a permis d’établir un seuil de vigilance clair. Les résultats de cette étude ont été publiés, en mai 2019, dans la prestigieuse revue European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging.
L’expertise d’IMOGERE est donc également tournée vers l’extérieur ?
IMOGERE met en effet son expertise au service d’entreprises ou de partenaires extérieurs à l’université de Caen Normandie. Nous avons récemment déposé une demande de labellisation IBISA « Infrastructures en biologie, santé & agronomie » pour donner une visibilité nationale à la plateforme et faire connaître plus largement notre savoir-faire. Notre dossier a d’ores et déjà été présélectionné et une visite sur site sera prochainement programmée – ce qui sera l’occasion de bénéficier des conseils d’IBISA pour améliorer toujours plus nos services. Cette démarche de labellisation sera, dans tous les cas, très structurante pour la plateforme.