Au cours des dernières campagnes présidentielles, les primaires ont nourri l’espoir d’une démocratie plus participative… sans pour autant s’imposer dans le paysage politique français. Antoinette Baujard (université Jean Monnet), Herrade Igersheim (CNRS), Isabelle Lebon (UNICAEN), mènent des recherches sur les modes de scrutin et l’expression des citoyens au sein du consortium “Voter autrement”. Elles posent un regard sur la récente Primaire populaire.
L’engouement des Français pour les primaires ne se dément pas. Depuis la présidentielle de 2012, des partis politiques ont opté pour des primaires ouvertes à tous les citoyens de leur camp et non réservées à leurs seuls militants pour choisir leur candidat, et ces consultations ont déplacé des millions de votants : 4,4 millions pour la primaire de la droite et du centre en 2016, plus de 2 millions pour la primaire citoyenne de la gauche en 2011 comme en 2017. C’est l’échec des deux candidats ainsi désignés pour la présidentielle de 2017, François Fillon et Benoît Hamon, qui a conduit les partis à y renoncer pour 2022 et non un manque de mobilisation des électeurs.
Cette mobilisation s’est récemment traduite par la participation spontanée de près de 400 000 personnes à la primaire populaire, bien que cette consultation d’initiative citoyenne n’ait été organisée par aucun parti et qu’elle ait même été dénoncée par plusieurs des candidats qu’elle était censée départager. Ces votants savaient pertinemment que les perdants – ou au moins certains d’entre eux – maintiendraient leur candidature, mais ils ont quand même tenu à se prononcer. Pourquoi ? Parce que les primaires comblent un besoin d’expression qui est mal satisfait par le scrutin officiel. Il y a principalement deux raisons à cela. Lors du vote officiel, (1) l’offre politique est réduite aux candidats qui ont réussi à se présenter, (2) la pression du vote utile pèse sur des électeurs obligés de ne choisir qu’un seul candidat sans pouvoir s’exprimer sur les autres. En ce sens, l’utilisation d’une règle de vote permettant aux participants de donner une appréciation à chaque candidat avait de quoi satisfaire davantage les participants. On peut être en désaccord avec le choix du mode de désignation du vainqueur par le jugement majoritaire pour cette primaire, mais convenons que l’élargissement des possibilités d’expression est une innovation bienvenue pour la démocratie. C’est dans l’objectif de mieux appréhender les propriétés des modes de scrutin alternatifs et leur utilisation par les électeurs que les chercheurs du consortium « Voter Autrement » poursuivent leurs travaux à l’occasion de la présidentielle de 2022.