C’est un virus particulièrement redouté des éleveurs de chevaux à travers le monde. Très contagieux, l’herpèsvirus équin-1, ou HVE-1, provoque des formes graves de rhinopneumonie chez les équidés. Si aucun traitement n’existe à ce jour, les travaux de thèse de Côme Thieulent apportent un espoir, grâce à l’identification de molécules antivirales efficaces.
Un virus extrêmement dangereux
En mars 2021, un foyer de rhinopneumonie à Valence (Espagne) a défrayé la chronique dans le monde équestre. Un rassemblement de plus de 800 chevaux venant de 15 pays différents est à l’origine d’une épidémie qui a touché l’Europe entière suite au retour des chevaux dans leur pays d’origine. Les compétitions ont été suspendues pendant plusieurs semaines. Une autre épidémie avait déjà lourdement impacté la filière équine en 2018 : selon l’Institut français du cheval & de l’équitation, 108 foyers de rhinopneumonie équine se sont déclarés en France cette année-là, entraînant l’annulation de 600 concours équestres. Avec un impact économique total estimé à cinq millions d’euros pour la filière équine. En cause : l’herpèsvirus équin-1, responsable de problèmes respiratoires, de troubles neurologiques, d’avortements et de morts néonatales chez le cheval. Ce virus, très répandu, a la faculté de rester en veille dans l’organisme et d’être réactivé dans des situations de stress intense – on parle de phase de latence. « Il existe bien des vaccins, mais la couverture vaccinale est, aujourd’hui, encore insuffisante » précise Côme Thieulent, docteur en biologie. « Et leur efficacité est limitée : ils réduisent les manifestations respiratoires, et donc la dissémination du virus, mais ils ne préviennent pas les formes graves. » Quant aux traitements antiviraux actuellement sur le marché, aucun ne s’est révélé, à ce jour, efficace contre l’ensemble des formes de la maladie.
Développer un traitement en complément de la vaccination
C’est sur cette dernière approche, complémentaire à la vaccination, que Côme Thieulent s’est concentré. « Après un master 2 spécialité microbiologie à l’université de Caen Normandie, j’ai été recruté par le laboratoire LABÉO en tant qu’ingénieur d’études sur la plateforme Normandie Équine Vallée, à Saint-Contest (14). » En 2017, il débute une thèse financée par la Région Normandie, le Fonds Éperon et l’Institut français du cheval et de l’équitation, sous la direction de Stéphane Pronost, avec pour objectifs d’identifier et de développer des molécules antivirales efficaces contre l’HVE-1. « Nous avons testé 2 891 molécules de synthèse, pour la plupart actuellement utilisées en santé humaine, et vérifié leurs effets sur des cellules infectées par le virus. Ce travail aurait pu m’occuper durant mes trois années de thèse… mais nous l’avons réalisé en seulement quatre mois ! C’est grâce à la technologie xCELLigence ® proposée par la plateforme ImpedanCELL que nous avons pu réaliser ce criblage en un temps record. L’analyse qui concerne les virus est réalisée dans des locaux de niveau de sécurité P2 sur la Plateforme Normandie Équine Vallée à Saint-Contest » Les données brutes de ce criblage sont aujourd’hui à la disposition de la communauté scientifique, pour faire avancer la recherche contre d’autres virus.
Des résultats encourageants
Parmi ces 2 891 molécules, 21 ont fait preuve de leur efficacité contre l’HVE-1 in vitro. Leur activité a été confirmée sur d’autres modèles cellulaires en présence de différentes souches de virus, pour ne retenir finalement que celles présentant les meilleurs effets. « Nous avons étudié des combinaisons de molécules, toujours en utilisant la technologie xCELLigence®. Deux molécules ont démontré un effet synergique intéressant. Parmi elles, le valganciclovir, bien connue en santé humaine : c’est la première fois que l’action de cette molécule a pu être décrite contre un herpèsvirus équin. » Début 2020, un traitement au valganciclovir a été testé sur des poneys infectés par l’HVE-1, dans le cadre d’une collaboration avec les équipes de la plateforme d’infectiologie expérimentale de l’INRAE de Nouzilly, qui ont conduit à des premiers résultats concluants. L’ensemble de ces travaux ont fait l’objet de 4 publications scientifiques dans des journaux internationaux, soulignant à la fois l’efficacité de la technologie utilisée et les résultats obtenus. Le chemin est encore long avant la mise sur le marché d’un traitement, mais nul doute que ces travaux auront contribué à ouvrir la voie ! Ils ont été réalisés dans le cadre du consortium SAVE regroupant des chercheurs du Centre d’études & de recherche sur le médicament de Normandie, de l’Anses (site de Normandie & Maisons-Alfort), de l’Institut Pasteur de Paris et du Centre international de recherche en infectiologie à Lyon. Prochaine étape pour Côme Thieulent : un post-doctorat avec le professeur Udeni Balasuriya au sein du Louisiana Animal Disease Diagnostic Laboratory de la Louisiana State University (États-Unis), à compter d’août 2021.