Clerselier I, 512 Clerselier I, 512 (béquet) AT III, 269

A UN REVEREND PERE IESUITE.

LETTRE CXIII.

MON REVEREND PERE,
Ie sçay que vous avez tant d’occupations, qui valent mieux que de lire les lettres d’une personne qui n’est point capable de vous rendre aucun service, que je fais scrupule de vous importuner des miennes, lors que ie n’ay point d’autre sujet de vous écrire, que pour vous assurer du zele que i’ay à vous honnorer. AT III, 270 Mais pour ce qu’il y a icy quelques personnes, qui me veulent persuader que plusieurs des Peres de vostre Compagnie parlent desavantageusement de mes écrits, et que cela incite un de mes amis à écrire un traitté dans lequel il veut faire une ample comparaison de la Philosophie qui s’enseigne en vos écoles, avec celle que i’ay publiée, afin qu’en monstrant ce qu’il pense estre mauvais en l’une, il fasse d’autant mieux voir ce qu’il juge meilleur en l’autre ; i’ay crû ne devoir pas consentir à ce dessein, que ie ne vous en eusse auparavant averty, et supplié de me prescrire ce que vous jugez que ie dois faire. L’obligation que j’ay à vos Peres de toute l’institution de ma jeunesse, l’inclination tres-particuliere que i’ay tousiours euë à les honorer, et celle que i’ay aussi à preferer les voyes douces et amiables, à celles qui peuvent déplaire, seroient des raisons assez fortes pour m’obliger à prier cét amy, de vouloir exercer sa plume sur quelqu’autre sujet, où je ne fusse point meslé, si ie n’éstois comme forcé de pancher de l’autre costé, par le tort qu’on dit que cela me fait, et par la regle de prudence, qui m’aprend qu’il vaut beaucoup mieux avoir des ennemis declarez, que couverts ; principalement Clerselier I, 513 en telle occasion, où n’estant question que d’honneur, dautant que la querelle éclattera plus, dautant sera-t’elle plus avantageuse à celuy qui aura iuste cause. Mais le respect que ie vous dois et l’affection que vous m’avez tousiours fait la faveur de me témoigner, a plus de force sur moy, qu’aucune autre chose, et fait que ie desire attendre vos commandemens sur ce sujet ; et ie AT III, 271 ne souhaitte rien tant, que de vous pouvoir monstrer par effet, que ie suis, etc.