A MONSIEUR CHANUT.
LETTRE XLV.
MONSIEUR,
La Philosophie que i’étudie ne m’enseigne point à rejetter l’usage des passions, et i’en ay d’aussi violentes pour souhaitter le calme et la dissipation des orages de France, qu’en sçauroit avoir aucun de ceux qui y sont le plus engagez ; d’où vous iugerez, s’il vous plaist, combien est grande l’obligation que ie vous ay d’avoir pris la peine de me faire part des bonnes nouvelles que vous avez euës de S. Germain. Ma joye auroit esté parfaite, si ie n’avois point lû dans les dernieres Gazettes, que l’Archiduc s’avance vers Paris, et qu’on l’a laissé passer comme amy iusques à Soissons. C’est porter les choses à une grande extremité, que d’attendre du secours de ceux dont on sçait que le principal interest est de faire que nostre mal dure. Ie prie Clerselier I, 141 Dieu que la fortune de la France surmonte les efforts de tous ceux qui ont dessein de luy nuire. Pour la promenade à laquelle on m’a fait l’honneur de m’inviter, si elle estoit aussi courte que celle de vostre logis iusques au bois de la Haye, i’y serois bien-tost resolu ; la longueur du chemin merite bien qu’on prenne quelque temps pour deliberer avant que de l’entreprendre ; Ainsi encore qu’il soit mal-aisé que ie resiste à un commandement qui vient de si bon lieu, ie ne croy pas neantmoins que ie parte d’icy de plus de trois mois. Et ie vous supplie de croire qu’en quelque AT V, 333 lieu du monde que i’aille, ie seray tousiours avec un mesme zele, etc.