AT II, 670

A MONSIEUR ***

LETTRE CI.

MONSIEUR,
Ie n’ay iamais l’honneur de recevoir de vos Lettres, que ie n’y trouve occasion de commencer ma réponse par des remercimens ; mais i’ay peur de vous ennuyer de ce stile ; Et pour ce que toutes les Muses de France auront part à la faveur que vous m’avez faite, d’interceder pour elles envers celles de Leyde, touchant les Livres Arabes que M. Hardy desire voir ; ie leur veux laisser le soin des paroles pour vous en rendre graces, et me contenter de ressentir en effet que c’est moy qui vous en ay l’obligation. Ie trouverois étrange que M. de Balzac ne vous eust point écrit sur la perte qui vous arriva l’année passée, s’il avoit sceu qu’elle vous touchast au point qu’elle faisoit ; mais estant comme il est si amateur de la liberté, que mesme ses jartieres et ses aiguillettes luy pesent, il n’aura pû sans doute se persuader, qu’il y ait des liens au monde qui soient si doux, qu’on ne sçauroit en estre délivré sans les regretter. Et ie puis d’ailleurs répondre qu’il est des plus constans en ses amitiez, bien qu’il ne soit pas tousiours des plus diligens à le témoigner par AT II, 671 ses Lettres. Ie ne sçaurois vous répondre de ce que i’ay fait tout cét Esté, à cause que ie n’ay presque rien fait, qui merite d’estre mis en conte. Il y a eu certaines gens qui se piquent extremement de Geometrie, lesquels ne pouvant entendre la mienne, et ayant ie croy peur que ceux qui l’entendront Clerselier II, 461 ne leur osteostent l’avantage que ce qu’ils sçavent de l’Analise de Viete leur donne sur le commun, ont cherché toutes sortes de moyens pour la decrediter Per fas et nefas. En sorte qu’on m’a rendu le moins de iustice, en ce où ie pensois qu’il fust le moins possible de me la nier ; Mais pour ce qu’ils n’ont rien sceu trouver en particulier à y reprendre, et que si-tost qu’ils l’ont entrepris, i’ay pû par un mot de réponse faire voir qu’ils n’entendoient rien en ce qu’ils disoient, ils ont trouvé une autre invention pour m’attaquer, à sçavoir, en me proposant des questions touchant les matieres où ils ont crû que ie me serois le moins exercé, et bien qu’ils n’ayent pas eu dequoy me fort travailler, cela n’a pas laissé de me divertir, en mesme façon que deux ou trois mouches qui volent autour du visage d’un homme qui s’est couché à l’ombre dans un bois pour s’y reposer, sont quelquesfois capables de l’en empescher. Mais i’espere qu’ils y mettront bien-tost fin, ou s’ils y manquent, ie l’y mettray : car ie croy les avoir desia tant de fois desarmez, que ie ne seray pas mal fondé à leur refuser le combat.

Pour la Philosophie de M. Vander Scotten ie la trouve fort rare, et ne nene la iuge pas neantmoins impossible.

Les eaux fortes communes dissolvent les metaux, bien que la cire leur AT II, 672 resiste ; Mesme elles dissolvent plus aisément le fer ou l’acier, que le plomb ; et le vif argent resoud l’or, l’étain, et le plomb, bien qu’il ne se puisse presque pas attacher aux autres metaux, et encore moins aux Cors qui ne sont point Metalliques. Dequoy les raisons sont assez faciles à imaginer, pour ceux qui sçavent que tous les Cors sont composez de petites parties diversement iointes, et de diverses grosseurs et figures. Car tout de mesme que frappant à coups de baston sur un tas de verres, ou de pots de terre, on les peut briser en mille pieces, au lieu que frappant du mesme baston sur un tas de foin, ou de laine, on n’y fera aucun changement ; et au contraire avec des ciseaux ou des couteaux, qui ne sçauroient mordre sur le verre, ny sur cette terre, Clerselier II, 462 on peut aisement coupper cette laine : il n’est pas difficile d’imaginer quelque Cors, dont les parties soient telles, et tellement muës, qu’elles puissent agir contre celles de l’or, plutost que contre celle des autres Cors. Mais ie trouve étrange qu’une mesme matiere serve à dissoudre de l’or et des diamans ; Et puis qu’il vous en offre l’épreuve, ie croy que sans faire la dépense d’un fin diamant, s’il peut seulement dissoudre une piece de gros verre de vitre, ce sera beaucoup ; Ie dis de gros verre, à cause qu’il y a quelquesfois tant de salicos dans le cristalin, que la seule humidité de l’air le peut fondre. Et quoy que s’en soit, s’il est vray comme ie n’en doute point, puis que vous l’assurez, qu’il a coupé en un quart-d’heure une barre de fin acier assez grosse, le secret qu’il a pour cela est fort rare, et vaut bien la peine que vous tâchiez d’en avoir la communication. Ie suis,