AT I, 83

AU R. P. MERSENNE.

LETTRE CV.

MON REVEREND PERE,
Vous m’étonnez de dire que vous avez vû tant de fois une couronne autour de la chandelle, et il semble, à voir comme vous la décrivez, que vous ayez moyen de la voir quand il vous plaist ; Ie me suis frotté et tourné les yeux en toutes façons pour tâcher d’appercevoir quelque chose de semblable, mais il m’a esté impossible. Ie suis toutesfois bien d’accord avec vous, que la cause de cela doit estre raportée aux humeurs de l’œil ; Et pour cette raison ie serois bien aise de sçavoir si c’est ou vous levant la nuit, et lors que vostre veuë est encore chargée des vapeurs du sommeil, ou bien apres avoir beaucoup lû, ou veillé, ou ieusné, que vous les voyez. Et la chose supposée ie pense en pouvoir assez distinctement rendre la raison. Ie croy aussi qu’elle peut encore paroistre autrement par le moyen des vapeurs de l’air, mesme autour de la chandelle ; mais c’est chose toute differente de ce qui paroist autour du Soleil, et vous mesme le témoignez, en ce que vous me mandez AT I, 84 qu’ils ont differens ordres de couleurs. Ie ne veux pas contredire à l’authorité de M. Gas. et veux bien croire qu’il ait observé la Couronne de quarante-cinq degrez de Diametre : Mais ie conjecture Clerselier II, 481 qu’il y en a de plusieurs grandeurs, et que lors qu’elle paroist seulement, comme un Cercle blanc, ou rougeastre, qu’elle est plus petite. Mais lors qu’elle se diversifie de couleurs, ie veux bien croire qu’elle arrive iusques à cette grandeur, et que l’ordre de ces couleurs est ainsi que vous me le mandez : Que si l’experience ne répond à ce que i’en dis, et que les moins parfaites soient aussi de quarante-cinq degrez, i’avouë que ie n’en sçaurois rendre raison. Ie vous prie de me mander quel est l’autheur qui rapporte que Hollandi in Navigatione etc. Car la chose est belle et reguliere, ayant la mesme cause que le Phainomene de Rome. Ie vous remercie des autres remarques que vous m’écrivez touchant les Couronnes, et vous m’obligerez de continuer à m’écrire ce que vous iugerez de plus remarquable touchant quoy que ce soit de la Nature ; AT I, 85 mais principalement des remarques universelles, et que tout le monde peut experimenter, qui sont celles dont i’ay entrepris de traitter ; Car pour les experiences particulieres, qui dépendent de la foy de quelques-uns, ie n’en parleray en façon du monde. Ie vous remercie aussi de la peine que vous voulez prendre, pour faire imprimer ce que ie fais ; et encore que i’aye honte de vous tant importuner, toutesfois, puis qu’il vous plaist, si Dieu me fait la grace de l’achever, ie vous l’envoyeray, non pas pour le faire imprimer de long-temps aprés ; car encore que ie sois resolu de n’y point mettre mon nom, ie ne desire pas toutesfois qu’il échappe sans estre vû et diligemment examiné de vous, (de qui le iugement me suffiroit, si ie n’avois peur que vostre affection me le rendist trop favorable) et de tous les plus habiles hommes que nous pourrons choisir, qui en voudront prendre la peine ; Principalement à cause de la Theologie, laquelle on a tellement assuiettie à l’Aristote, qu’il est impossible d’expliquer une autre Philosophie qu’il ne AT I, 86 semble d’abord qu’elle soit contre la foy. Et à propos de cecy, ie vous prie de me mander, s’il n’y a rien de déterminé en la Foy, touchant l’étenduë du Monde ; sçavoir s’il est finy ou plutost infiny, et si tout ce qu’on appelle Espaces imaginaires soient Clerselier II, 482 des Cors créez et veritables : car encore que ie n’eusse pas envie de mouvoir cette question, ie croy toutesfois qu’il faudra malgré moy que ie la prouve.

Maintenant pour répondre à vos questions, ie reprendray celles qui sont en la Lettre que i’ay receuë il y a trois semaines, où premierement vous me demandez, pourquoy ie dis que le sault de la Quinte en la Basse, n’est pas plus que celuy de la Tierce au dessus ; et à cela i’ay desia répondu, et mesme ce qui reste à répondre viendra mieux en répondant à vostre derniere ; Dans laquelle vous demandez premierement, pourquoy ie dis que la force de la vitesse s’imprime comme un au premier moment par la pesanteur, et comme deux au second, etc. Mais permettez-moy de vous répondre que ie ne l’ay pas ainsi entendu ; mais bien ay-ie dit, que la force de la vitesse s’imprime comme un au premier moment par la pesanteur, et derechef comme un au second moment, et ainsi de suite comme un au troisiesme, etc. mais l’un du premier moment, et l’un du second, sont deux momens, et c’est ainsi que croist la proportion Arithmetique. Et ie crois avoir suffisamment prouvé cecy, de ce que la pesanteur ne quitte iamais le Cors dans lequel elle est : car la pesanteur ne peut iamais se rencontrer dans un Cors, qu’elle ne le chasse continuellement en bas. Ainsi par exemple, si nous supposons qu’une masse de plomb par la force de sa pesanteur tombe en bas, et que si-tost qu’au premier moment elle a commencé à descendre, Dieu luy oste toute sa pesanteur, en sorte que cette masse de plomb ne soit pas plus pesante que l’air, ou qu’une plume. Cette masse ne laissera pas pour cela de continuer à descendre dans le vuide, puis qu’elle a une fois commencé à se mouvoir, et qu’on ne sçauroit donner de raison pourquoy elle dust cesser ; (car il faut se ressouvenir que ie suppose que ce qui a une fois commencé à se mouvoir dans le vuide, continuë tousiours à se mouvoir, et i’espere le demonstrer en Physique) mais sa vitesse ne sera point augmentée : Et si quelque temps après, Dieu vient à rendre pour un moment à cette masse de plomb, Clerselier II, 483 toute la pesanteur qu’elle avoit auparavant, et qu’un moment apres il la luy oste derechef, ne voit-on pas qu’en ce second moment la force de la pesanteur doit pousser autant cette masse de plomb, qu’elle avoit fait au premier moment ; et par consequent son mouvement sera augmenté de moitié, et le mesme arrivera aux troisiesme, quatriesme et cinquiesme momens, etc. AT I, 90 D’où il suit certainement, que si vous laissiez tomber une boule dans un espace tout à fait vuide de cinquante pieds de haut, que de quelque matiere qu’elle puisse estre, elle employeroit tousiours iustement trois fois autant de temps à descendre les vingt-cinq premiers pieds, que les vingt-cinq derniers ; mais dans l’air c’est toute autre chose. Et pour revenir au sieur N. encore que ce qu’il vous a mandé soit faux, à sçavoir qu’il y ait un lieu auquel une pierre qui descend estant parvenuë, elle descendra par aprés d’égale vitesse. Toutesfois il est vray que cette augmentation de vitesse est si petite apres certain espace, qu’elle peut estre estimée insensible, et ie m’en vais vous expliquer ce qu’il faut dire, car nous en avons autresfois parlé ensemble, et ie vous diray après en quoy il se méprend.

Il suppose comme moy, que ce qui a une fois commencé à se mouvoir, continuë à se mouvoir de soy-mesme, sans estre poussé de nouveau, iusques à ce qu’il en soit empesché par quelque cause exterieure, et par consequent qu’un Cors se mouvroit eternellement dans le vuide ; Mais dans l’air il n’en est pas de mesme, à cause que la resistance que luy fait l’air diminuë peu à peu son mouvement. Il suppose outre cela que la pesanteur d’un Cors le pousse de nouveau à tous momens vers le bas ; et partant que dans le vuide la vitesse du mouvement est continuellement augmentée, selon la proportion que i’ay marquée cy-dessus, et que ie luy ay expliquée il y a plus de dix ans : car i’en trouve la remarque dés ce temps-là dans mes Recueils. Mais il adjouste du sien ce qui suit, sçavoir est, Que la resistance de l’air est d’autant plus grande, que les Cors descendent plus viste ; ce que de vray i’avois ignoré iusques alors ; mais que i’ay trouvé Clerselier II, 484 depuis estre veritable, apres y avoir mieux pensé. Et de là il tire cette consequence ; Puis que la vitesse s’augmente toûjours également, par exemple d’une unité à chaque moment ; et que la resistance de l’air augmente tousiours inégalement, par exemple au premier moment peut-estre d’un centiéme, au second un peu plus, et au troisiéme encore un peu davantage ; Il arrivera, dit-il, necessairement, que la resistance que fera l’air, sera égale à la force que la pesanteur adjoûte à la vitesse en un moment ; et en ce moment là la vitesse n’augmentera ny ne diminuëra plus ; à cause que la force de la pesanteur l’augmente iustement d’autant, que la resistance de l’air la diminuë. Mais dans les momens suivans, la vitesse n’augmentera plus, ny ne diminuëra aussi ; à cause que la resistance de l’air est alors égale à celle qui estoit immediatement auparavant, et que la force de la pesanteur est aussi toûjours égale, et pousse d’une égale force le grave ; ce qui fait que pour lors il descendra d’une égale vitesse.

AT I, 92 Il y a grande apparence en cette raison, et il la pourroit persuader à ceux qui ne sçauroient pas l’Arithmetique, mais il ne faut que sçavoir compter pour trouver qu’elle est fausse : car si la resistance de l’air s’accroist, à mesure que la force de la vitesse s’accroist, ce ne peut donc estre tout au plus qu’en proportion Geometrique ; c’est à dire si au commencement du mouvement la vitesse est un, l’air n’empeschant point ; et qu’elle soit seulement un demy, à cause que l’air empesche, on dira que la résistance de l’air est la moitié dautant que la vitesse ; Et au second moment que la vitesse accroist d’une unité, et par consequent seroit de sans le second empeschement de l’air, lequel on peut bien supposer AT I, 93 n’estre pas si grand à proportion que le premier, mais non pas estre plus que la moitié de la vitesse, et lequel sera maintenant . Si on dit qu’il soit moindre, il arrivera dautant moins à ce qu’on cherche. D’estre plus grand que la moitié de la vitesse, il est impossible d’en imaginer de raison. Posons donc qu’il soit égal, c’est à dire de au second moment, au troisiesme par consequent il sera de , et au quatriesme de , etc. et ainsi Clerselier II, 485 à l’infiny. Vous voyez que ces nombres croissent tousiours et toutesfois sont tousiours moindres que l’unité. Et partant iamais la resistance de l’air ne diminuëra d’autant la vitesse, AT I, 94 qu’elle reçoit d’accroissement par la pesanteur, qui l’augmente à chaque moment d’une unité. Il en arrivera la mesme chose en toute autre proportion, à sçavoir, que iamais la resistance de l’air ne diminuëra la vitesse d’une unité ; Car quoy que l’on puisse supposer, qu’au premier moment la resistance de l’air diminuë les ou ou de la vitesse, et ainsi tousiours également de suite ; toutesfois on ne peut pas dire qu’au premier moment elle la diminuë d’une unité, car si cela estoit le Cors grave ne descendroit point. Et mesme il n’y a personne qui ne sçache qu’une quantité peut estre accruë à l’infiny sans qu’elle puisse iamais devenir égale à une autre, qui toutesfois ne s’augmentera point. Par exemple si vous adjoustez à l’unité un demy, et puis , et puis , et ainsi tousiours la moitié de ce que vous y aviez adjoûté la derniere fois, vous pourrez augmenter cette unité à l’infiny, sans toutesfois qu’elle soit iamais égale au nombre de deux. Or il faut necessairement qu’il avouë que c’est en cette proportion que l’air resiste, à sçavoir en proportion Geometrique, avec la vitesse du mouvement. Car si c’est cette vitesse qui est cause de cette augmentation de resistance de l’air, il faut necessairement qu’à proportion que la vitesse croistra, la resistance de l’air croisse aussi, et non pas ny plus ny moins. Posons donc qu’une boule descende dans l’air, et que la force de la pesanteur la pousse au premier moment comme un, la vitesse seroit aussi alors comme un dans le vuide ; mais posons que la resistance de l’air oste tousiours, comme ie viens de dire, la moitié de la vitesse, il s’ensuit que la vitesse de la descente ne sera que comme un demy au premier moment ; mais au second moment la pesanteur pousse derechef le Corps grave comme un, et partant au second moment la vitesse seroit comme ou si l’air n’aportoit point de resistance ; Mais pource que la resistance qu’il apporte en oste encore la moitié, la vitesse ne sera que de Clesrelier II, p. 486 au second moment, et au troisiesme, de au quatriesme de , et ainsi à l’infiny ; Et partant la vitesse sera tousiours augmentée ; et iamais comme i’ay dit, la resistance de l’air ne diminuëra d’autant la vitesse, qu’elle reçoit d’accroissement par la pesanteur ; à cause que ce qui est ainsi osté, n’égalera iamais l’unité que la pesanteur luy donne à tous les momens ; Ce qui fait voir que ce qu’avoit avancé le sieur N. est faux en bonne Mathematique. Et si vous luy écrivez, ie ne seray pas marry que vous luy mandiez cela, afin qu’il apprenne à ne se glorifier pas mal à propos des plumes d’autruy.

I’ay retiré l’Original du petit Traitté de Musique que i’avois donné à M. N. estant à Breda ; Mais pour revenir au poids qui descend, on peut voir par ce calcul de la resistance de l’air, que l’inégalité de la vitesse est tres-grande au commencement du mouvement, mais qu’elle est presque insensible par apres, et de plus qu’elle est moins sensible en un poids de matiere legere, qu’elle n’est en un poids de matiere pesante, ce qui peut faire trouver vos deux experiences veritables ad Sensum. Car par ce calcul, il se peut faire qu’une boule qui descend de cinquante pieds de haut, va presque aussi viste au second AT I, 95 pouce qu’elle descend, qu’elle faisoit au premier, et toutesfois qu’au troisiesme pied elle ne descendra pas sensiblement plus viste qu’au second, et ainsi des autres ; en sorte qu’elle ne mettra pas plus de temps aux ving-cinq premiers pieds, qu’aux vingt-cinq derniers, que de ce qu’il en faut pour descendre cinq ou six pouces, ce qui est insensible. Or cela arrive principalement si ce qui descend est leger ; mais si c’est du fer, ou du plomb, l’inégalité sera plus grande, mais on ne le pourra gueres mieux appercevoir, pour ce qu’il descendra plus viste.

Or il n’en est pas de mesme du poids A suspendu en B, lequel va en C : Car sa descente ne se doit compter que depuis D iusques à C, qui n’est qu’un pouce ou deux ; et vous supposez un poids de matiere pesante, auquel par consequent l’air empesche moins ; Et sans faire d’experience à la Tour de Strasbourg, où ie n’ay point de connoissance, i’ose assurer qu’un Clerselier II, 487 poids de matiere pesante descendra plus viste, qu’un de plus AT I, 96 legere ; Que de deux poids de mesme matiere et figure, le plus gros descendra plus viste : Bref, que de deux poids de mesme matiere et grosseur, mais de differentes figures, celuy duquel la figure approchera le plus du Cercle descendra plus viste.

Vous demandez apres pourquoy une corde de luth tirée hors de sa ligne diminuë ses retours en proportion Geometrique. Pour l’expliquer il faudroit dire ce que c’est que la Reflexion, ce qui est trop long pour une Lettre ; mais seulement puis-ie dire que cette force qui fait retourner la corde vers sa ligne, est dautant plus grande que la corde est plus tirée hors de sa ligne ; et que cette force se diminuant à mesure que la corde approche de sa ligne fait necessairement la proportion Geometrique aux mouvemens ; au lieu que les retours de la corde AB, qui est muë par le poids B, ne vont pas en mesme proportion : car la la force de la pesanteur demeure tousiours égale dans le poids B, et ne diminuë pas comme la force de la Reflexion d’une corde de luth. De sorte que vous ne devez pas trouver étrange, si les retours de la corde de luth sont ισοχρονοι, et non pas les autres.

AT I, 97 Pour vos experiences, le fer est certainement plus pesant que le cuivre, mais c’est de si peu, qu’il ne se peut estimer : et pource que i’y ai trouvé un peu de roüille dessus, de peur que ce ne soit cela qui l’ait appesanty, ie le laisse roüiller encore davantage, pour voir s’il deviendra encore plus pesant, mais ie croy que non. Pour celles des balances au Soleil, ou à la chandelle, ie croy bien qu’elles n’auront pas reüssi, et il n’est pas besoin d’y penser davantage.

Clerselier II, 488 I’ouvre maintenant une troisiesme de vos Lettres, que ie receus hier, où ie trouve derechef le soin que vous prenez des experiences dont ie vous avois écrit, et vous en remercie : Mais il n’est pas besoin de vous en mettre en peine. Encore que la chambre fust percée tout au travers, le rayon ne laisseroit pas d’en illuminer les costez.

Ce que vous dites avoir oüy dire des Couronnes, que le milieu en soit verd, ou bleu, et l’une des extremitez rouge, et l’autre iaune, est sans fondement, et certainement faux : Et ie croy bien mieux l’experience de M. Gassendy ; car ie sçay par épreuve et par raison, qu’en tous les Cercles ou Iris qui peuvent estre, il n’y AT I, 98 a point d’autre ordre pour les couleurs que cettuy-cy. La premiere est rouge-pourprin, et l’autre incarnat, le troisiesme orangé, la quatriesme iaune, la cinquiesme verte, la sixiesme bleuë, la septiesme gris de lin. Or il paroist plus ou moins de ces couleurs selon que l’Iris est plus ou moins parfait : Et en certains Iris le rouge est au Cercle Convexe, et le bleu ou gris de lin au Concave, et aux autres c’est tout le contraire. Ce qui l’a sans doute trompé ce sont vos Couronnes de la chandelle, ausquelles il aura veu ainsi que vous, un Cercle verd entre deux autres, l’un rouge, l’autre iaune ou orangé ; Mais cecy arrive infailliblement, pource que ce qui paroist autour de la chandelle n’est pas une Couronne seule, mais deux differentes, chacune desquels est rouge en son Convexe, et l’exterieure est verte en son Concave ; mais l’interieure se terminant à la chandelle, ne peut degenerer en aucune couleur moins teinte que la flamme mesme, comme seroient le verd, le bleu, ou gris de lin, c’est pourquoy elle demeure iaune iusques à la chandelle. Ie m’emancipe beaucoup, de parler d’une chose que ie n’ay point veuë, devant ceux qui l’ont veuë plusieurs fois ; mais vous AT I, 99 m’obligerez de me mander, si ie me trompe ; et vous pourrez iuger si ce sont deux Couronnes differentes, en vous éloignant Clerselier II, 489 un peu de la chandelle ; car à mesure qu’elles s’accroistront, ie croy qu’elles se separeront l’une de l’autre. Vous le pourrez aussi reconnoistre en couvrant tout contre, du doigt, la moitié de la flamme de la chandelle : Car si ie dis vray, vous verrez en mesme temps que les deux Cercles rouges, ou l’un rouge, et l’autre que vous nommez jaune orangé s’obscurciront d’un mesme costé, le reste demeurant en son entier ; Et au contraire de l’autre, que le verd et le jaune en couleur de flammes s’obscurciront, sans que les rouges se changent ; Mais peut-estre que cela ne se pourra distinguer. Et si vous faites cette experience, ie vous prie d’observer, si couvrant la moitié de la chandelle du costé droit, ce sera les rouges du mesme costé qui s’obscurciront, ou bien ceux de l’autre costé, qui est ce que ie iuge par mes raisons.

Aux empeschemens de l’air, il ne faut point considerer celuy qui suit, et celuy qui precede, mais seulement l’un des deux, et pour le quantum AT I, 100 ie l’ignore ; et encore qu’il se pust faire mille experiences pour le trouver à peu prés ; toutefois pour ce qu’elles ne se peuvent justifier par raison, au moins que ie puisse encore atteindre, ie ne croy pas qu’on doive prendre la peine de les faire.

Il est certain que les retours de deux cordes qui sont l’une à l’autre, comme un à trois, et qui par consequent font la 12. se rencontrent ensemble deux fois aussi souvent que celles qui sont comme 2. à 3. et qui font la quinte. Et c’est pour cela mesme que ie prouvois autrefois que la douziéme estoit plus parfaite que la quinte ; et la 19. majeur, que la 10. majeur, et celle-cy que la tierce majeur, dans un petit Traitté duquel vous avez veu l’extrait, et duquel i’ay retiré l’original depuis un mois d’entre les mains du S. N. où il estoit depuis onze ans, et ainsi le pouvoit-il appeler sien, au moins si dix ans suffisent pour la prescription. Or cela se prouve ainsi. Soient les cordes A. et B. à la douziéme, et A. et C. à la quinte, c’est-à-dire que si pendant un moment A. fait un retour, B. en fait trois, AT I, 101 Clerselier II, 490 et C. en fait un et demy. Que donc A. et B. commencent ensemble à se mouvoir, pendant que A parachevera son tour, B. achevera ces trois tours ; à sçavoir chacun en un tiers de moment : Et ainsi au second moment, lors que A commencera son second retour, B commencera son quatriéme ; Et au troisiéme retour d’A, B fera son septiéme. Et ainsi au commencement de tous les momens, ils commenceront ensemble à se mouvoir. Au lieu que si A. et C. commencent ensemble à se mouvoir, lors qu’A aura achevé son premier retour, C sera à la moitié de son second, et ainsi il ne sera pas prest de recommencer avec luy au second moment, mais seulement au troisiéme, pource que pendant que A aura fait deux retours, C en aura fait trois ; Ainsi donc ils ne recommenceront ensemble à se mouvoir que deux momens en deux momens, au lieu que tous les autres recommencent ensemble à tous les momens, ce qui fait que les sons se meslent plus doucement ensemble.

Pour la Musique des Anciens, ie croy qu’elle a eu quelque chose de plus puissant que la nostre, non pas pource qu’ils estoient plus sçavans ; mais au contraire, pource qu’ils estoient plus ignorans : ce qui estoit cause que ceux qui avoient AT I, 102 grande inclination naturelle à la Musique, n’estant pas contrains dans les regles de nostre Diatonique, se laissoient beaucoup mieux conduire à leur genie, et faisoient par la seule force de l’imagination, mieux que toute la science qu’ils ignoroient, et qui se sçait maintenant, ne peut enseigner ; Et de plus les oreilles des Auditeurs n’estant pas accoustumées à une Musique si reglee, comme les nostres, estoient beaucoup plus aisées à surprendre. Si vous vouliez prendre la peine de faire un petit recueil de tout ce que vous avez remarqué touchant la pratique d’auiourd’huy, quels Passages ils approuvent ou desaprouvent ; ie serois bien aise d’employer trois ou quatre Chapitres de mon Traitté à expliquer tout ce que i’en sçay, et n’y desavouërois pas ce que ie tiendrois de vous. Mais ie ne voudrois point que vous prissiez la peine de me l’envoyer de huit ou dix mois ; car ie Clerselier II, 491 ne sçaurois plustost en arriver là, et cependant cela me débaucheroit ; i’ay assez d’autres divertissemens. Ie m’en va commencer à estudier en Medecine, et ie n’écris presque rien.

AT I, 103 Pour les Dictions qui signifient naturellement, i’en trouve la raison bonne pour les choses qui frappent tellement nos sens, que cela nous excite à rendre quelque voix ; Comme si l’on nous frape, cela nous oblige à crier : Si on fait quelque chose de plaisant, cela nous fait rire, et les voix que l’on rend en criant ou riant sont semblables en toutes langues. Mais lors que ie voy le Ciel ou la Terre, cela ne m’oblige pas plus à les nommer Ciel ou Terre, qu’en toute autre sorte, et ie croy que ce seroit le mesme, encore que nous eussions la Iustice originelle.

Renvoyant vos Lettres, ie trouve avoir oublié de répondre à une objection touchant les sons, qui sont certainement ainsi que vous dites, un battement qui se fait à plusieurs tours et retours, sans que ce que vous objectez du son d’une bale de Mousquet empesche, ou convaiinque du contraire. Car ces retours sont seulement requis en l’air qui frappe l’oreille, et non point au Cors qui engendre le son ; Et encore qu’ils se rencontrent aux cordes, vous voyez toutefois qu’au vent avec lequel AT I, 104 on fait sonner les flustes, il n’y a non plus de retours qu’à un boulet de Canon : mais cela n’empesche pas qu’il ne fasse ondoyer l’air qui va frapper l’oreille, de mesme qu’une pierre entrant tout droit dans l’eau ne laisse pas de faire plusieurs Cercles, qui se suivent les uns les autres.

AT I, 105 Ie suis marry de vostre Eresypele, et du mal de M. M. ie vous prie de vous conserver, au moins ius AT I, 106 qu’à ce que ie sçache s’il y a moyen de trouver une Medecine qui soit fondée en demonstrations infaillibles, qui est ce que ie cherche maintenant ; Pour ce qui se voit ordinairement autour de la chandelle, cela n’a rien de commun avec les couronnes qui paroissent autour des Astres ; car il n’y a point de separation entre cela et la chandelle ; et ce n’est autre chose que lumen Clerselier II, 492 secundarium quod emergit ex radiis directis per foramen uveæ transmissis ; De mesme que le rayon du Soleil entrant par un petit trou dans une chambre en illumine aussi les costez. Mais pour voir des couleurs plus apparentes, prenez la peine de regarder de sept ou huit pas une chandelle au travers de l’aisle d’une plume à écrire, ou bien seulement au travers d’un seul cheveu, qui descende de haut en bas par le milieu de vostre œil, et mettez ce cheveu tout contre l’œil, et alors vous apercevrez une grande varieté de belles couleurs. Ie poursuis aprés cela vostre Lettre de poinct en poinct.

Premierement, en disant que le son grave est plus legitimement dit fondement de la Musique que l’aigu ; ie ne nie pas pour cela qu’en quelqu’autre sens l’aigu ne soit plus veritablement son que le grave ; et si ie ne me trompe, i’ay dit expressément que selon diverses considerations, l’un pouvoit estre estimé plus ou moins son que l’autre, c’est à dire le grave plus pour une consideration, et moins pour une autre. Pour ce que i’ay dit aussi que le grave se pouvoit entendre de plus loin, ce n’est que cæteris paribus, et en suitte de ce qu’il consiste en un plus grand Corps, toutes choses estant AT I, 107 égales : Car il est certain qu’une mesme corde plus elle sera tenduë, plus elle aura le son aigu, et toutefois sera entenduë de plus loin. Mais pour faire tout égal, prenez deux cloches de mesme figure et metal, la plus grande aura le son plus grave, et s’entendra de plus loin. Pour determiner à quelle distance chaque son se peut entendre, il est impossible, car l’un a meilleure oreille que l’autre, et le moindre mouvement de l’air change tout. Ce que vous dites que le son aigu s’étend plus viste que le grave, est vray en tout sens ; car il est plus viste porté par l’air, à cause que son mouvement est plus prompt ; et il est plus viste discerné par l’oreille, pour ce que ses retours se font aussi plus viste : Car il faut remarquer que si le son ne frappe l’oreille qu’une seule fois, il est bien entendu comme bruit, mais non pas distingué comme son, qui soit grave ou aigu ; il faut pour cela qu’il frappe l’oreille au moins deux ou trois fois, afin que par l’intervale qui est entre les deux Clerselier II, 493 battemens, on estime combien il est grave ou aigu ; ce qui paroist en ce que si vous mettez le doigt sur une corde, si-tost aprés que vous l’avez touchée, avant qu’elle ait le temps de faire plusieurs retours, on entendra bien quelque bruit, mais on ne pourra iuger s’il est grave ou aigu.

En second lieu, pour le réjaillissement des balons, il est vray qu’il est excité en partie parce que l’air, non pas celuy de dehors ; mais celuy qui est enfermé dedans, réjaillit comme un ressort, et les repousse en haut ; mais il y a encore une autre cause, qui est la continuation du mouvement.

AT I, 108 Troisiémement, si vous prenez garde au calcul que ie faisois des retours des sons pour faire des Consonances, vous trouverez que les sons qui font la quarte, recommencent ensemble, non pas duodecimo quoque ictu comme vous écrivez, mais quarto quoque ictu du son plus aigu, et tertio quoque ictu du plus grave : De mesme que pour la quinte ils reviennent ensemble, tertio quoque ictu du plus aigu, et secundo quoque ictu du plus grave ; Au lieu que pour la douziéme, ils reviennent aussi tertio quoque ictu du plus aigu, mais singulis ictibus du plus grave, ce qui fait que la douziéme est plus simple que la quinte. Ie dis plus simple, non pas plus agreable ; Car il faut remarquer que tout ce calcul sert seulement pour monstrer quelles consonances sont les plus simples, ou si vous voulez les plus douces et parfaites, mais non pas pour cela les plus agreables ; Et si vous lisez bien ma Lettre, vous ne trouverez point que i’aye dit que cela fist une consonance plus agreable que l’autre, car à ce compte l’unisson seroit le plus agreable de tous. Mais pour déterminer ce qui est plus agreable, il faut supposer la capacité de l’auditeur, laquelle change comme le goust, selon les personnes ; ainsi les uns aimeront mieux entendre une seule voix, les autres un concert, etc. De mesme que l’un aime mieux ce qui est doux, et l’autre ce qui est un peu aigre, ou amer, etc.

Pour ce que vous demandez pourquoy l’intervale de 1. à 7. n’est pas receu en la Musique, la raison en est claire ; pource qu’en suite de cetuy-là, il en faudroit recevoir une Clerselier II, 494 infinité d’autres, qui surpassent la capacité AT I, 109 de nos oreilles. Ne pensez pas pouvoir entendre la quinte sans que la corde aiguë ait au moins frappé trois fois vostre oreille, ny la quarte qu’elle ne l’ait frappée quatre fois, et ainsi des autres ; ny seulement iuger qu’un seul son soit grave ou aigu, s’il n’a au moins frappé deux fois vostre oreille, comme i’ay dit cy-dessus.

4. De dire que la mesme partie d’air, in individuo, qui sort de la bouche de celuy qui parle, va fraper toutes les oreilles, cela est ridicule.

5. La pluspart des petits corps regardez avec des Lunettes paroissent transparens, parce qu’ils le sont en effet ; Mais plusieurs de ces petits corps mis ensemble ne sont plus transparens, pour ce qu’ils ne sont pas ioints ensemble également, et le seul arrengement des parties estant inegal, suffit pour rendre opaque ce qui estoit transparent ; Comme vous voyez que du Verre, ou du Sucre Candy, estant pilez, ne sont plus transparens, encore que chaque partie d’iceux ne laisse pas de l’estre.

6. Ie vous remercie des qualitez que vous avez tirées d’Aristote, i’en avois desia fait une autre plus grande liste, partie tirée de Verulamio, partie de ma teste, et c’est une des premieres choses que ie tâcheray d’expliquer, et cela ne sera pas si difficile qu’on pourroit croire ; car les fondemens estant posés, elles suivent d’elles-mesmes.

7. Il est impossible de faire un miroir qui brûle à une lieuë loin, quoy qu’on ait écrit d’Archimede, s’il n’est d’une grandeur excessive ; la raison est que AT I, 110 les rayons du Soleil ne sont pas tous Paralleles, comme on les imagine. Et quand un Ange auroit fait un miroir pour brûler, s’il n’avoit plus de six toises de diametre, ie ne croy pas qu’il pûst avoir assez de force pour brûler à une lieuë de distance, quelque figure qu’il luy donnast.

8. On ne peut donner d’autre raison, pourquoy la Musique ne s’étend qu’aux consonances qui naissent de la premiere et seconde division de l’octave, sinon pour ce que l’oreille n’est pas assez subtile, pour distinguer les proportions qui seroient Clerselier II, 495 entre les termes qui viendroient de la troisiéme division, à sçavoir, ces tons cy, les septiéme, neufiéme, sextes et tierces imparfaites, diaises, comma, etc. Car admettant un seul de tout cela, il faut admettre le reste par necessité.

9. Pour ce que vous demandez, comment les Vertus Chrestiennes s’accordent avec les Naturelles, ie ne sçaurois dire autre chose, sinon que de mesme que pour rendre droit un baston qui est courbé, on ne le dresse pas seulement, mais on le plie de l’autre coste ; de mesme, pour ce que nostre Nature est trop portée à la vangeance, Dieu ne nous commande pas seulement de pardonner à nos ennemis, mais encore de leur faire du bien, et ainsi des autres.

10. Pour le Latin que vous me demandez en vostre seconde Lettre, s’il vient de moy, il n’est asseurément point de mon stile, et mesme ie ne l’entens pas ; Pour du reste ie m’en tais, car i’ay honte de parler de moy-mesme. Mais ie vous jure que du temps que ce Personnage se vante d’avoir écrit de si belles choses sur la Musique, il n’en sçavoit que ce qu’il avoit appris AT I, 111 dans Faber Stapulensis, et tenoit pour un grand secret de sçavoir que la quinte estoit comme de 2. à 3. et la quarte de 4. à 5. et n’avoit iamais passé plus outre ; et trouvoit cela si beau, qu’encore qu’il fust tout à fait hors de propos, il l’avoit inseré en des Theses de Medecine qu’il avoit soûtenuës peu de temps auparavant ; Ce que ie n’aurois daigné écrire, sinon afin que vous sçachiez que ce n’est pas sans raison, que ie blâme son peu de reconnoissance, laquelle i’ay découvert en beaucoup d’auttres choses, qu’en ce que vous m’avez mandé ; aussi n’ay-ie plus de commerce avec luy.

11. Ie n’entends point, Quid sit ista protuberantia in Campanis ; car il est bien vray que toute la cloche tremble estant frapée, mais c’est un mouvement qui est égal par toute la cloche, au moins entant qu’il engendre un seul son. Car s’il s’y trouve de l’inégalité, cela divise le son en plusieurs differens, et l’empesche plutost que de l’engendrer, comme on voit aux cloches qui sont feslées. Vous demandez si une grosse Clerselier II, 496 cloche, frapée seulement avec une épingle, branlera toute ; ie répons que oüy, si elle rend un son de mesme nature que celuy qu’elle rend ordinairement ; mais si elle ne branle pas toute, elle rendra seulement un petit son sourd, qui seroieseroit semblable, en un morceau de la Cloche estant cassée, qu’il est la Cloche estant entiere. De sçavoir qu’elle doit estre la figure d’une cloche, pour estre la plus parfaite, c’est à quoy ie n’ay encore iamais pensé.

12. Ie n’entens point aussi ce Latin, Pori prope extrema sunt duplices ad poros in medio Chordæ ; et il ne AT I, 112 peut signifier qu’une fausse imagination : Car il est certain qu’une Corde bandée sur un Monocorde, est également bandée en toutes ses parties ; et si vous tournez la cheville fort lentement pour monter la corde, ie croy qu’elle se rompra aussi-tost au milieu qu’aux extremitez. Mais si vous la tournez un peu viste, elle se rompra plûtost aux extremitez qu’au milieu ; pour ce que le mouvement commençant par les bouts, elle n’y a pas tant de loisir pour s’étendre, qu’elle a au milieu, et ainsi elle s’y rompt plustost : Car il faut remarquer que non extenditur in instanti ; et vous ferez aller une corde beaucoup plus haut sans la rompre, si vous la montez peu à peu, que si vous la montiez tout d’un coup.

Pour l’homme des langues ne trouvez pas estrange s’il explique du Persan, ou d’autres semblables Langues, principalement puis qu’il n’entreprend pas cela sur le champ, mais en deux ou trois iours de temps ; Car en ayant apris plusieurs, il peut bien dechiffrer quelque chose de toutes les autres qui sont en usage, au moins s’il a de l’Esprit. Mais il est ridicule de dire que les Romains ont tiré le nom de Dieu d’un mot Hebreu, et les Allemans d’un Arabe : Comme si le peuple qui a composé les Langues s’estoit voulu assujettir à suivre ses réveries ; cela est si pueril, que ie m’estonne de ce qu’on prend seulement la peine de l’écouter.

Ie vous remercie de ce que vous m’offrez de m’envoyer les observations de Monsieur Gassendy, ie ne voudrois pas vous donner tant de peine, puis qu’elles ne sont point imprimées ; Clerselier II, 497 ie serois seulement bien aise AT I, 113 de sçavoir generalement s’il a pû voir plusieurs taches au Soleil, et combien il en a vû en mesme temps ; si elles vont toutes de mesme vitesse, et si leur figure paroist tousiours ronde, ie voudrois bien aussi sçavoir s’il a observé certainement que la Refraction de l’air fist paroistre les Astres plus haut élevez, lors qu’ils sont prés de l’horison, qu’ils ne sont en effet ; et supposé qu’il l’ait observé, sçavoir si cette refraction a lieu aussi en la Lune ; comme aussi si cette refraction est plus grande ou plus petite aux Astres qui sont proches de l’horison vers le Septentrion, qu’en ceux qui sont vers le Midy. Mais ces choses là requierent des instrumens si iustes, et des supputations si exactes, que ie n’ose esperer que personne du monde ait encore pû déterminer cela assurément, et s’il y a quelqu’un qui le puisse, ie n’en connois point en qui i’aye tant d’esperance qu’en luy.

Il me semble vous avoir oüy dire autrefois que vous aviez examiné iustement la pesanteur de tous les metaux, et que vous en aviez fait une table, si cela est, et que ce ne vous soit point trop de peine de me l’envoyer, vous m’obligerez extremement.

Ie voudrois bien aussi sçavoir si vous n’avez point experimenté, si une pierre iettée avec une fronde, ou la bale d’un mousquet, ou un trait d’arbaleste, vont plus viste, et ont plus de force au milieu de leur mouvement, qu’ils n’ont dés le commencement, et s’ils font plus d’effet ; Car c’est la creance vulgaire, laquelle toutesfois mes raisons ne s’accordent pas ; Et ie trouve que les choses qui sont poussées, et qui ne AT I, 114 se meuvent pas d’elles-mesmes, doivent avoir plus de force au commencement, qu’elles n’ont incontinent aprés. Ie suis,
MON R. P.
Vostre tres-humble, et tres-obeïssant
serviteur, DESCARTES.