AT I, 188

A UN REVEREND PERE
de l’Oratoire.

LETTRE LXIII.

MONSIEUR, ET REVEREND PERE,
Ie suis marry que vous ne m’avez mandé quelque chose de plus difficile que de vouloir du bien à Monsieur N. afin qu’en vous obeïssant, ie vous puisse témoigner combien ie vous honore ; Mais pour ce qui touche Monsieur N. ie vous assure que ie ne luy ay iamais voulu de mal, et que ie me tiendray bien-heureux si ie puis seulement m’exempter de ses plaintes. On ne sçauroit sans cruauté vouloir du mal à une personne si affligée ; Et pour ses plaintes, ie les excuse tout de mesme que s’il avoit la goutte, ou que son Cors fust tout couvert de blessures : On ne sçauroit toucher si peu à ceux qui sont en tel estat, qu’ils ne s’écrient, et ils disent souvent des injures aux meilleurs de Clerselier II, 320 leurs amis, et à ceux qui s’efforcent le plus de remedier à leurs maux. I’eusse esté bien aise d’apporter quelque soulagement aux siens ; Mais pource que ie ne m’en iuge point capable, il m’obligeroit fort de me laisser en repos, et de ne m’accuser point des maux qu’il se fait à soy-mesme. Toutesfois ie luy ay AT I, 189 obligation de ce qu’il s’est particulierement addressé à vous pour se plaindre, et ie me tiens heureux, de ce que vous daignez prendre connoissance du different qu’il pretend avoir avec moy. Ie ne veux point vous ennuyer en plaidant ma cause ; Ie vous diray seulement en un mot, qu’il n’est fâché que de ce que i’ay vû plus clair qu’il ne desiroit ; et il sçait fort bien en son ame, que ie n’ay rien appris, qui le touchast, que de luy-mesme. Que s’il dit qu’on m’ait dit de luy quelques faux rapports, ce n’est que pour avoir plus de pretexte de se plaindre, et de s’excuser soy mesme ; il s’est trompé en cela, qu’il a crû me desobliger grandement, en une chose qui m’estoit indifferente. I’ay prié le R. P. M. qui sçait parfaitement toute cette affaire, de vous en vouloir instruire : Que si vous trouvez que i’aye failly, vous m’obligerez extrémement de ne me point flater, et ie ne manqueray pas d’obéïr exactement à tout ce que vous ordonnerez. Ie suis,
MONSIEUR, ET R. P.