Clerselier II, 356 AT I, 382

A UN REVEREND PERE IESUITE.

LETTRE LXXVIII.

MON REVEREND PERE,
Ie iuge bien que vous n’aurez pas retenu les noms de tous les disciples que vous aviez il y a vingt-trois ou vingt-quatre ans, lors que vous enseigniez la Philosophie à La Fleche, et que ie suis du nombre de ceux qui sont effacez de vostre memoire ; Mais ie n’ay pas crû pour cela devoir effacer de la mienne les obligations que ie vous ay, ny n’ay pas perdu le desir de les reconnoistre, bien que ie n’aye aucune autre occasion de vous en rendre témoignage, sinon qu’ayant fait imprimer ces iours passés le Volume que vous recevrez en cette Lettre, ie suis bien aise de vous l’offrir, comme un fruit qui vous appartient, et duquel vous avez ietté les premieres semences en mon esprit, comme ie dois aussi à ceux de vostre Ordre, tout le peu de connoissance que i’ay des bonnes Lettres. Que si vous prenez la peine de lire ce Livre, ou que vous le fassiez lire par ceux des vostres qui en auront le plus de loisir, et qu’y ayant remarqué les fautes, qui sans doute s’y trouveront en tres grand nombre, vous me veüillez faire la faveur de m’en advertir, et ainsi de continuer encore à m’enseigner, ie vous en auray une tres-grande obligation, et feray tout le mieux qui me sera possible pour les corriger suivant vos bonnes AT I, 384 instructions. Cependant ie prie Dieu qu’il vous conserve, et ie seray toute ma vie,

MON R. P.
Vostre tres-humble, et tres-acquis
serviteur, DESCARTES.