AU R. P. MERSENNE.
LETTRE XLVII.
MON REVEREND PERE,
Ie vous envoye enfin mon écrit de Metaphysique, AT III, 239 auquel ie n’ay point mis de titre, afin de vous en faire le parain, et vous laisser la puissance de le baptiser. Ie croy qu’on le pourra nommer, ainsi que ie vous ay écrit par ma precedente, Meditationes de prima Philosophia ; car ie n’y traite pas seulement de Dieu et de l’Ame, mais en general de toutes les premieres choses qu’on peut connoistre en philosophant par ordre ; Et mon nom est connu de tant de gens, que si ie ne le voulois pas mettre icy, on croiroit que i’y entendrois quelque finesse, et que ie le ferois plutost par vanité que par modestie.
Pour la Lettre à Messieurs de Sorbonne, si i’ay manqué au Titre, ou qu’il y faille quelque Souscription, ou autre ceremonie, ie vous prie d’y vouloir suppléer, et ie croy qu’elle sera aussi bonne estant écrite de la main d’un autre, que de la mienne. Ie vous l’envoye separée du Traitté, à cause que Clerselier II, 268 si toutes choses vont comme elles doivent, il me semble que le meilleur seroit, aprés que le tout aura esté vû par le P. G. et s’il vous plaist par un ou deux autres de vos Amis, qu’on imprimast le Traitté sans la Lettre, à cause que la Copie en est trop mal écrite pour estre leuë de plusieurs, et qu’on le presentast ainsi imprimé au Cors de la Sorbonne, avec la Lettre écrite à la main ; en suite dequoy il me semble que le droict du jeu sera, qu’ils commettent quelques-uns d’entr’eux pour l’examiner ; et il leur faudra donner autant AT III, 240 d’Exemplaires pour cela qu’ils en auront besoin, ou plutost autant qu’ils sont de Docteurs, et s’ils trouvent quelque chose à objecter, qu’ils me l’envoyent, afin que i’y réponde ; ce qu’on pourra faire imprimer à la fin du Livre ; Et apres cela il me semble qu’ils ne pourront refuser de donner leur jugement, lequel pourra estre imprimé au commencement du Livre avec la Lettre que ie leur écrits. Mais les choses iront peut-estre tout autrement que ie ne pense ; c’est pourquoy ie m’en remets entierement à vous, et au P. G. que ie prie par ma Lettre de vous vouloir aider à ménager cette affaire : car la Velitation que vous sçavez m’a fait connoistre que, quelque bon droict qu’on puisse avoir, on ne laisse pas d’avoir toûsiours besoin d’Amis pour le deffendre. L’importance est en cecy, que puis que ie soustiens la cause de Dieu, on ne sçauroit rejetter mes raisons, si ce n’est qu’on y monstre du Paralogisme, ce que ie croy estre impossible, ny les mépriser, si ce n’est qu’on en donne de meilleures, à quoy ie pense qu’on aura assez de peine. Ie suis,
M. R. P.
Vostre tres-humble, et tres-acquis
serviteur, DESCARTES.