MON REVEREND PERE,
Il y a huit jours que i’avois écrit les encloses pour vous estre adressées par M. Zuytlichem, avec ma Metaphysique, mais il passa par icy il y a deux iours pour aller à Groningue avec Monsieur le Pr. et me les rapporta, comme ne pouvant écrire en France de quelques semaines. I’ay fait prix avec le Messager, qui ne doit avoir que trois livres de port ; ie vous en ay desia laissé payer beaucoup d’autres pour mes Lettres, et ie voudrois bien avoir occasion de vous les pouvoir rendre, cela sera quand il vous plaira me la donner. Ie suis bien obligé à M. des Argues, de ce qu’il luy a plû deffendre ma cause contre le P. B. et ie suis tres-aise de ce que vous l’avez fait témoin de AT III, 244 nostre procedé ; Ie ne puis croire qu’il desapprouve que vous fassiez voir ma dernière Lettre Latine à ceux de sa Compagnie : Car encore que le P. B. ne vous ait point prié de m’envoyer sa Lettre Françoise ; toutesfois ne vous ayant point aussi prié de ne me la pas envoyer, comme il n’a eu aucune occasion de le faire, vû qu’il vous l’a envoyée pour vous faire voir ce qu’il avoit eu l’intention de m’écrire, et vous en ayant donné une autre pour moy, ie ne voy pas qu’il puisse en aucune façon trouver mauvais que vous me l’ayez envoyée, comme pour me témoigner la mesme chose qu’il avait voulu vous témoigner par cette Lettre, à sçavoir, qu’il avoit pris la peine il y a long-temps, de me répondre ; Et ainsi vous pourrez dire, que ç’a esté pour le gratifier que vous me l’avez envoyée. Au reste tout bien consideré, ie croy que ie n’ay rien mis de trop en ma Réponse ; car quelque amitié et douceur qu’ils fassent paroistre, ie suis Clerselier II, 270 assuré qu’ils m’observeront soigneusement, et qu’ils auront d’autant moins d’occasion de me nuire, qu’ils verront que ie leur répons plus vertement, et que si i’use ailleurs de douceur, c’est par Moderation, et non par Crainte ny par Foiblesse. Outre que ce qu’a écrit le P. B. ne merite rien de moins que ce que ie luy mande. I’ay receu l’imprimé de M. des Argues, mais ie n’en ay pû lire que l’Exorde et la Conclusion, à cause que ie n’en ay pas encore les figures, et ie crains de ne les avoir de long-temps, puis qu’elles viennent par M. Zuytlichem qui est en voyage.
Ie vous remercie des passages de saint Thomas pour AT III, 245 les Vœux, bien que ie n’en aye iamais esté en peine, car la chose est trop claire, et ceux qui objectent de telles choses, comme aussi le fiat Lux , dont vous m’écrivez, monstrent qu’ils ont de la mauvaise volonté sans science. Et ie croy que vous avez plus de raison de vous moquer d’eux, de ce qu’ils veulent refuter des choses qu’ils n’entendent pas, par d’autres qu’ils entendent encore moins, qu’ils n’en peuvent avoir de vous brocarder. La Réponse que vous leur avez donnée, à sçavoir, que lors que Dieu a dit, fiat Lux, il a fait mouvoir les parties de la Matiere, et leur a donné inclination à continuer ce mouvement en Lignes droites est bonne, car cela mesme est la Lumiere. Mais ie croy que vous ferez mieux de laisser telles gens sans autre Réponse, sinon que s’ils ont quelque chose à m’objecter, ils me le doivent envoyer, quand ce ne seroit qu’un seul mot, et que ie le recevray en bonne part ; Mais que ie me mocque de tous ceux qui parlent de ce que i’ay écrit sans m’en avertir, et que ie publie par tout que ie les tiens pour médisans.
Il est certain que le poids C, ne pese sur le plan AD, que la difference qui est entre la force qu’il faut à le soûtenir sur ce Plan, et celle qu’il faut pour le soûtenir en l’Air ; Comme s’il pese cent livres, et qu’il n’en faille Clerselier II, 271 que quarante pour le soûtenir sur AD, ce Plan AD en porte soixante seulement. Et mesme la force d’un coup de Canon ou de Mousquet se peut mesurer ainsi, AT III, 246 comme vous pouvez voir en ma Dioptrique page 19. où l’Eau se trouve assez forte pour resister à un coup de Canon tiré obliquement ; Mais neantmoins il y a diverses choses à considerer en cecy, ausquelles ie ne puis penser à present ; car ie n’ay le temps que de vous dire que ie vous suis,
M. R. P.