A MONSIEUR ******

LETTRE XVIII.
Réponse à un Imprimé, qui a pour TiltreTitre,
De duobus Circulis. Version.

MONSIEUR,
Il me semble qu’il est plus difficile de reconnoistre en quoy consiste la difficulté de cette question, que non pas de la déméler aprés l’avoir connuë. Car qui voudra considerer qu’il y a dans une Rouë deux mouvemens tout à fait differens, l’un qui est droit, et l’autre Circulaire ; L’un desquels, à sçavoir le droit, ne contribuë en façon quelconque à sa Circonvolution, mais qui seul la fait avancer toute entiere en mesme temps suivant une ligne droite, sur le Plan ou elle est appuyée, faisant mouvoir ou avancer chacune de ses parties également vistes ; Et dont l’autre, à sçavoir le Circulaire, ne contribuë rien du tout à la faire ainsi avancer sur son Plan ; mais qui seul fait mouvoir chacune de ses parties à l’entour de son Axe ; non pas toutesfois d’une égale vitesse, mais les plus éloignées de l’Axe plus viste, et celles qui en sont plus proches plus lentement, en sorte que ces dernieres employent autant de temps à achever leur petit circuit, que les autres à faire leur plus grand : Certainement il n’aura Clerselier II, 146 pas sujet de s’estonner, si toutes les parties d’une rouë décrivent chacune sur leur Plan une Ligne également longue, encore qu’elles ne se meuvent pas toutes également viste en rond ; car il voit bien que ces deux mouvemens sont tout à fait differens, et que l’un ne dépend point de l’autre. Et mesme il voit bien qu’il faut necessairement que cela se fasse ainsi ; en sorte que ce seroit un miracle s’il arrivoit autrement. Car le mouvement droit estant égal dans toutes les parties de la rouë, et le Circulaire estant inégal dans les parties qui sont inégalément éloignées de l’Axe, il est necessaire que tandis que toutes se meuvent en mesme temps également viste d’un mouvement droit, elles se meuvent aussi toutes inégalement d’un mouvement Circulaire. D’où peut donc venir cette difficulté ? C’est peut-estre de ce que ces deux mouvemens differens sont considerez comme un seul et mesme mouvement, et qu’on croit ordinairement que les rouës des chariots décrivent tousiours sur leur Plan une Ligne égale à leur Circonference : ce qui toutesfois ne peut iamais estre exactement vray, si ce n’est par hazard. Car ce qui fait que ces rouës se meuvent suivant une Ligne droite, c’est la force des chevaux qui traisnent le Chariot, ou quelqu’autre semblable ; et ce qui fait qu’elles tournent en rond, c’est que ces rouës par leur propre poids pressent le Plan sur lequel elles sont appuyées, lequel estant inégal et mal poly, elles s’y attachent en quelque façon ; Et ces deux causes étant tout à fait differentes, il est difficile qu’elles puissent iamais produire des effets entierement égaux. Et ie m’étonne qu’il y en ait qui se servent de l’exemple de la Raréfaction, pour expliquer cette difficulté, qui à mon avis n’est qu’Imaginaire : Car on conçoit bien plus aisement deux mouvemens differens, dont l’un est plus viste que l’autre (qui est tout ce qu’il y a icy à considerer) que cette Raréfaction conceuë à la façon ordinaire de l’Escole, laquelle ie confesse ne pouvoir du tout comprendre.

Dans cét Imprimé page 6. il est dit que chaque partie du plus petit Cercle touche seulement une partie du Plan qui Clerselier II, 147 est au dessous, ce qui est faux. Car si ce Cercle décrit sur ce Plan une ligne deux fois plus grande que sa Circonference, chaque partie de cette Circonference touche deux parties de ce Plan qui luy sont égales : Si elle en décrit une trois fois plus grande, elle en touche trois, etc. Et il ne faut pas trouver étrange si une mesme ligne devient successivement le Segment commun de deux Lignes, pource qu’elle s’applique premierement à l’une, et en suite à l’autre : Comme, lors que ie me promene dans une place, mon Cors devient le commun Segment de toutes les Lignes qu’on peut mener du Centre de la Terre à toutes les parties de cette Place.

Sur ces paroles de la page huitiéme, Car selon quelle proportion laisseroit-il un plus grand, ou un moindre Espace ? Réponse. Selon que la force qui cause le mouvement droit est plus grande, ou plus petite, que celle qui porte et qui determine au mouvement Circulaire. Et ie nie que la Ligne droite convienne parfaitement avec la Circulaire : car pour convenir parfaitement ensemble, toutes les parties de l’une devroient convenir en mesme temps à toutes les parties de l’autre, et non pas successivement ; Et l’exemple de la piece de Drap, de la page 9. n’est pas pareil, car l’application de chaque Aulne se fait tout en mesme temps, et non pas icy celle de chaque partie.

Page II. Cette proposition, Personne ne laisse ce qu’il n’a pas, est un Sophysme : Car une Plume n’a point les lignes qu’elle laisse sur le papier, lors qu’elle les trace par son mouvement ; Et ce qui suit n’est pas veritable.

Page 16. et 17. La distinction qui est mise entre la Raréfaction successive et la Permanente, et entre le Mouvement Naturel, et celuy qui se fait par Accident, est Chymerique, et n’a aucun fondement dans les choses ; Par où tout ce qui reste peut facilement estre enversé.
En Février 1646.