MON REVEREND PERE,
Ie souhaitterois avec passion de pouvoir contribuer quelque chose au loüable dessein qu’a Monsieur de Cavendische, pour faire reüssir les Lunettes ; mais ie pense vous avoir desia écrit cy-devant tout ce que i’en sçay. A sçavoir, qu’il y a de la difference entre la Theorie et la Pratique, en ce que celle-cy ne pouvant atteindre à la perfection de celle-là, on doit se contenter d’en approcher le plus qu’on pourra, et que du reste, il faut principalement avoir soin que les verres soient bien nets, c’est à dire, sans ondes ou nuages au dedans, et bien polis, tant du costé qu’on laisse plat, que de l’autre. On a reüssy quelquefois à faire d’assez bonnes Lunettes, en taschant seulement AT III, 586
de faire les verres spheriques, à cause que la figure de tels verres estant petite, n’estoit pas sensiblement differente de l’hyperbolique ; Mais estant plus grands la difference y est fort sensible, comme vous voyez que le cercle AbC et l’hyperbole 
(589, quarter) dbe, se touchent presque, en un assez long espace vers b, mais que vers Ad et Ce ils s’éloignent beaucoup. Or toute l’importance est de faire des verres convexes assez grands, et bien polis, qui ayent à peu prés la figure de l’hyperbole ; Et pour les petits verres, bien que selon la Theorie il n’en faille qu’un seul à chaque homme, qui luy peut servir pour joindre à tous les verres convexes ; Selon la Pratique il en faut plusieurs de diverses concavitez, à cause que la figure du convexe Clerselier III, 590
n’estant pas exacte, il faut que celle du concave supplée à ce défaut. Et dautant que plus le petit verre est concave il reçoit les rayons d’une plus grande partie du convexe, comme on peut voir dans la page 85 de ma Dioptrique, et qu’il arrive souvent qu’une petite partie du convexe approche plus de la vraye figure qu’une grande ; de là vient que presque tousiours les petits verres les moins concaves reüssissent mieux pour rendre la vision plus distincte, mais ils n’agrandissent pas tant les objets.
Ie suis,
