Clerselier III, 590 (béquet) AT III, 549

A MONSIEUR ****.

Lettre CVI.

AT III, 550 MONSIEUR,
Les nouvelles que i’apprens de divers lieux, touchant ce qui se passe à Utrech, me donnent beaucoup de sujet d’admiration, quoy qu’elles ne m’estonnent, ny ne me faschent en aucune façon, sinon entant qu’elles touchent Monsieur le Roy : Car on ne dit rien moins à Leyde, sinon qu’il est desia demis de sa Profession ; ce que ie ne puis toutesfois croire, ny mesme m’imaginer que cela puisse iamais arriver ; et ie ne voy pas quel pretexte ses ennemis auroient pû forger pour luy nuire. Mais quoy qu’il arrive, ie vous prie de l’assurer de ma part, que ie m’employeray pour luy en tout ce que ie pourray, plus que ie ne ferois pour moy-mesme ; et qu’il ne se doit nullement fascher, pour ce que cette cause est si celebre, et si connuë de tout le monde, qu’il ne s’y peut commettre aucune injustice, qui ne tourne entierement au desavantage de ceux qui la commettroient, et à la gloire, et mesme peut-estre avec le temps au profit de ceux qui la souffriroient. Pour moy, iusques icy, en ne iugeant que des choses que ie sçay assurément, ie ne puis Clerselier III, 591 tant blasmer Messieurs d’Utrech, comme ie voy que tout le monde AT III, 551 les blasme, et il semble que ce qu’ils ont fait peut aisément tourner à bien, et faire qu’ils soient loüez de tout le monde, en cas qu’ils se veüillent défaire de leur Pedagogue pretendu, lequel, à ce qu’on me dit encore à present, se mesle de prescher contre eux, à cause qu’ils n’ont pas défendu mon Livre ; Car pour ces derniers bruits, qui sont que Monsieur le Roy est demis, ie ne les croy point. Mais on m’a assuré qu’ils ont fait une Loy en leur Academie, par laquelle ils deffendent expressément, qu’on n’y enseigne aucune autre Philosophie que celle d’Aristote ; Ie seray bien aise d’en avoir Copie, s’il est possible ; Ce que ie ne demanderois pas, si ie pensois qu’ils le trouvassent mauvais ; mais puis qu’ils l’ont publiée, ie croy qu’ils veulent bien qu’on la sçache, et qu’ils sont trop sages pour suivre les impertinentes regles d’un homme qui me nomme in aliena Republica curiosus, et qui se plaint de tous ceux qui osent écrire les fautes qu’il ose faire en public. Toutesfois ie ne voudrois pas que mes Amis m’écrivissent aucune chose, qui ne pust estre veuë de tous, comme ie n’écris rien que ie ne veüille bien que tout le monde voye ; Et sur tout ie vous prie de ne vous faire aucuns ennemis à mon occasion, ie vous suis desia trop obligé sans cela, et cela ne me serviroit point.
Ie suis,