MONSIEUR,
Pour resoudre vos difficultez, imaginez l’air comme de la laine, et l’æther qui est dans ses pores comme des tourbillons de vent, qui se meuvent çà et là dans cette laine, et pensez que ce vent qui se joüe de tous costez entre les petits fils de cette laine, empesche qu’ils ne se pressent si fort l’un contre l’autre, comme ils pourroient faire sans cela ; Car Clerselier III, 603 ils sont tous pesans, et se pressent les uns les autres autant que l’agitation de ce vent leur peut permettre ; Si bien que la laine qui est contre la terre est pressée de toute celle qui est AT I, 206 au dessus iusques au delà des nuës ; Ce qui fait une grande pesanteur ; En sorte que s’il falloit élever la partie de cette laine, qui est, par exemple, à l’endroit marqué O, avec toute celle qui est au dessus en la ligne OPq, il faudroit une force tres-considerable. Or cette pesanteur ne se sent pas communément dans l’air, lors qu’on le pousse vers le haut ; pour ce que si nous en élevons une partie, par exemple celle qui est au point E, vers F, celle qui est en F va circulairement vers GHI, et retourne en E, et ainsi sa pesanteur ne se sent point ; non plus que feroit celle d’une roüe, si on la faisoit tourner, et qu’elle fût parfaitement en balance sur son aissieu. Mais dans l’exemple que vous apportez du tuyau d r, fermé par le bout d, par où il est attaché au plancher AB, le Vif-argent que vous supposez estre dedans, ne peut commencer à descendre tout à la fois, que la laine qui est vers r, n’aille vers O, et celle qui est vers O n’aille vers P et vers q, et ainsi qu’il n’enleve toute cette laine qui est en la ligne OPq, laquelle prise toute ensemble est fort pesante ; Car le tuyau estant fermé par le haut, il n’y peut entrer de laine, ie veux dire d’air en la place du Vif-argent, lors qu’il descend. Vous direz AT I, 207 qu’il y peut bien entrer du vent, ie veux Clerselier III, 604 dire de l’æther, par les pores du tuyau, ie l’avoüe ; Mais considerez que l’æther qui y entrera ne peut venir d’ailleurs que du Ciel ; Car encore qu’il y en ait par tout dans les pores de l’air, il n’y en a pas toutesfois plus qu’il en faut pour les remplir ; Et par consequent s’il y a une nouvelle place à remplir dans le tuyau, il faudra qu’il y vienne de l’æther qui est au dessus de l’air dans le Ciel, et partant que l’air se hausse en sa place.
Et afin que vous ne vous trompiez pas, il ne faut pas croire que ce Vif-argent ne puisse estre separé du plancher par aucune force, mais seulement qu’il y faut autant de force qu’il en est besoin pour enlever tout l’air qui est depuis là iusqu’au dessus des nuës.
Maintenant quand il y a de l’air chaud dans un verre, imaginez-vous que c’est cette laine dans laquelle il y a des tourbillons de vent fort impetueux, qui la font estendre plus que de coustume, et ainsi occuper plus de place que lors que l’air se refroidit ; Or il faut que vous sçachiez que l’impetuosité de ce vent est plus forte que la pesanteur de toute la laine qui est au dessus, puis qu’elle ne laisse pas de faire que les parties de celle qui est dessous s’éloignent l’une de l’autre en se rarefiant ; Que si on renverse un verre sur une pierre, et qu’on le bouche bien tout autour, l’air qui est dedans en se refroidissant, c’est à dire, les parties de cette laine cessant d’estre meuës par le vent qui est parmy, n’auront plus besoin de tant de place, et ainsi la pesanteur de la laine qui est au dessus commencera à avoir son effet en pressant le verre tout autour, et le faisant resserrer et restrecir en AT I, 208 dedans le plus qu’il luy est possible ; Mais pour ce que vous dites qu’encore que ce verre ne cede aucunement, l’air qui est enfermé dedans ne laissera pas de se refroidir sans se condenser, ie l’accorde ; Car quoy que le vent soit beaucoup diminué, il est tousiours suffisant pour épandre çà et là dans tout le creux du verre le peu de laine qui y est renfermé. I’écris cecy en courant, afin d’envoyer ma Lettre dés ce soir, et ie vous en pourray dire Ieudy davantage.
Adieu.