MONSIEUR,
Ie vous remercie des Livres et de tous les autres biens qu’il vous a plû m’envoyer ; Ie n’avois iamais esté si bien fourny de plumes que ie suis maintenant, et pourveu que ie ne les perde point, i’en ay plus qu’il ne m’en faut pour écrire cent ans durant, cela me donnera sujet de penser à vous toutes les fois que i’auray la plume en main, et il m’a esté beaucoup plus aisé de faire la division de 12 par , que vous m’avez demandée, qu’il ne m’eust esté si ie n’eusse point eu de si bonnes plumes ; Car le calcul en est plus long que l’invention n’en est difficile. Il vient pour le quotient . Comme vous pourrez aisément verifier en multipliant ces neuf termes par . Car le produit sera 12.
AT V, 337 Les deux questions que vous nommez paradoxes sont bien resoluës ; et encore qu’il ne soit pas ordinaire, qu’un homme qui a quelque bien se mette en compagnie avec un autre qui a moins que rien, il peut toutesfois arriver des cas ausquels cela se pratique. Par exemple, deux Marchands d’Amsterdam ont chacun leur Commis en Alep, et pour ce qu’ils ne se fient pas trop en ces deux Commis, et qu’il sçavent qu’ils sont ennemis l’un de l’autre, ils leur écrivent que du iour qu’ils auront receu leurs Lettres, ils se rendent compte l’un à l’autre de tout ce qu’ils ont entre leurs mains du bien de leur Maistre ; et que s’il se trouve que l’un d’eux doive plus qu’il n’a, que cela soit payé de l’argent de l’autre, et Clerselier III, 617 que le surplus soit mis en commun, pour estre employé en marchandise, sans que l’un des Commis puisse rien vendre ny acheter sans le sçeu de l’autre ; Et ils s’accordent entr’eux qu’ils partageront ensemble le gain ou la perte, à raison de l’argent que leurs Commis auront eu entre leurs mains, lors qu’ils recevront leurs Lettres. En suitte dequoy, s’il arrive qu’un de ces Commis ait cinq mil livres ; et que l’autre doive deux mil livres, ayant payé ces deux mil livres de l’argent du premier, il restera trois mil livres qu’ils employeront en marchandise ; Et si de ces trois mil livres ils gaignent douze mil livres, c’est le quadruple de leur argent : C’est pourquoy celuy qui avoit au commencement cinq mil livres en doit gagner vingt mil, et par consequent l’autre qui estoit reliquataire de deux mil livres en doit perdre huit mil. Au contraire, s’il y a douze mil livres de perte, celuy qui AT V, 338 avoit cinq mil livres en doit perdre vingt mil, et l’autre par consequent en gagner huit mil, pour ce qu’ayant payé ses deux mil livres de l’argent du premier, il l’a empesché de les employer en la marchandise où il y avoit le quadruple à perdre. Pour le pourtrait en taille douce, vous m’obligez plus que ie ne merite d’avoir pris la peine de le graver, et ie le trouve fort bien-fait, mais la barbe et les habits ne ressemblent aucunement ; Les Vers sont aussi fort bons et fort obligeans, mais puis qu’ils ne satisfont pas assez leur Autheur, i’approuve extremement le dessein que vous m’avez dit que vous aviez de ne vous point servir du tout de ce pourtrait, et de ne le point mettre au devant de vostre Livre. Mais en cas que vous l’y voulussiez mettre, ie vous prierois d’en oster ces mots, Perronij toparcha, natus die ultimo Matij 1596. Les premiers, pour ce que i’ay aversion pour toutes sortes de titres ; et les derniers, pour ce que i’ay aussi de l’aversion pour les faiseurs d’horoscope, à l’erreur desquels on semble contribuer, quand on publie le iour de la naissance de quelqu’un. Ie ne vous renvoye pas encore vos Livres, pour ce que ie n’ay pas eu le temps de les lire ; Mais i’en ay assez veu pour remarquer un paralogisme dans Clerselier III, 618 la quadrature du cercle pretenduë ; et ie n’ay encore rien rencontré dans tout ce gros Livre, sinon des propositions si simples et si faciles, que l’Autheur me semble avoir merité plus de blasme d’avoir employé son temps à les écrire, que de gloire de les avoir inventées. AT V, 339 Pour trouver son paralogisme, i’ay commencé par la 1134. page, où il dit : Nota autem est proportio fragmenti LMNK ad segmentum EGHF. Ce qui est faux ; Et pour chercher la preuve, i’ay examiné les propositions qui precedent iusques à la trente-neufiéme du mesme Livre page 1121. où i’ay veu que sa faute consiste en ce qu’il veut appliquer à plusieurs quantitez conjointes ce qu’il a prouvé en la proposition trente septiéme des mesmes quantitez estant divisées, où sa consequence est tres-fausse : Car ayant, par exemple, les quantitez 2, 4, 8, etc. bien qu’il soit vray que 8 est à 32, en raison doublée de 4 à 8, et 18 à 50, aussi en raison doublée de 6 à 10 ; Ce n’est pas à dire que 8+18, c’est à dire 26, soit à 32+50, c’est à dire 82, en raison doublée de celle qui est entre 4+6, B 2680 c’est à dire 10, et 8+10, c’est à dire 18. Tout ce qu’il décrit de proportionalitatibus, et de ductibus ne me semble aussi d’aucun usage, et ne luy a servy que pour s’embroüiller, et se tromper soy-mesme plus aisément.
Ie suis,