Clerselier III, 332 (béquet) AT II, 170

A MONSIEUR HARDY.

LETTRE LXI.

Monsieur,
Au reste ie vous suis tres obligé, de ce que vous avez soûtenu mon party, touchant la regle De Maximis de Monsieur Clerselier III, 333 de Fermat, et ie ne m’estonne point de ce que vous n’en iugez pas plus advantageusement que ie n’ay fait ; Car de la façon qu’elle est proposée, tout ce que vous en dites est veritable.

Mais pour ce que i’ay mis dés mon premier Escrit, qu’on la pouvoit rendre bonne en la corrigeant, et que i’ay tousiours depuis soûtenu la mesme chose, ie m’assure que vous ne serez pas marry que ie vous en die icy le fondement ; aussi bien ie me persuade que ces Messieurs, qui l’estiment tant, ne l’entendent pas, ny peut-estre mesme celuy qui en est l’Autheur.

Soit donc la ligne courbe donnée ABD, et que le point B de cette ligne soit aussi donné, à sçavoir, ie fais l’ordonnée BC||b, et le Diametre AC||c, et qu’on demande un point en ce diametre, comme E, qui soit tel, que la ligne droite qui en sera menée vers B, couppe cette courbe en B, et encore en un autre point, comme D, en sorte que l’ordonnée DF soit à l’ordonnée BC, en raison donnée, par exemple, comme g à h. Vous sçavez bien que pour trouver ce point E, on peut poser EC||Aa, et CF||Ee, et dire premierement, à cause des triangles semblables ECB, et EFD, AT II, 171 comme CE||a est à BC||b, ainsi EF||a+e, est à DF, qui par consequent est . Puis, à cause que DF est l’une des ordonnées en la ligne courbe, on la trouve aussi en d’autres termes, qui seront divers, selon les diverses proprietez de cette courbe. Par exemple, si c’est la premiere des lignes que Monsieur de Fermat a imaginées, à l’imitation de la parabole, Clerselier III, 334 c’est à dire, celle en laquelle les segmens du diametre ont entr’eux mesme proportion que les cubes des ordonnées, on dira, comme AC||c, est à FA||c+e, ainsi le cube de BC qui est b3 est au cube de DF, qui par les termes trouvez cy-dessus, est . Car cecy est le cube de . Puis multipliant les moyennes, et les extremes de ces quatre proportionnelles, c|c+e|b3| et on a, cb3+eb3||. Et divisant le tout par b3, a3, il vient a3c+a3e||ca3+3caae +3caee+ce3, et ostant de part et d’autre ca3, il reste a3e||3caae+3cace+ce3. Et enfin pour ce que le tout se peut diviser par e, il vient a3||3caa+3cae+ce3. Mais pour ce qu’il y a icy deux quantitez inconnuës, à sçavoir a, et e, et qu’on n’en peut trouver qu’une par une seule équation, il en faut chercher encore une autre, et il est aisé AT II, 172 par la proportion des lignes BC et DF, qui est donnée, à sçavoir, comme g est à h, ainsi BC||b est à DF||, et par consequent bh|| ou bien ha||ga+ge ; Et par le moyen de cette équation on trouve aisément l’une des deux quantitez a ou e ; au lieu de laquelle il faut par apres substituer en l’autre équation les termes qui luy sont égaux, afin de chercher en suitte l’autre quantité inconnuë. Et c’est icy le chemin ordinaire de l’Analyse pour trouver le point E, ou bien la ligne CE, lors que la raison qui est entre les lignes Clerselier III, 335 BC, et DF est donnée. Maintenant pour appliquer tout cecy à l’invention de la tangente (ou ce qui est le mesme de la plus grande) il faut seulement considerer, que lors que EB est la tangente, la ligne DF n’est qu’une avec BC, et toutefois qu’elle doit estre cherchée par le mesme calcul que ie viens de mettre, en supposant seulement la proportion d’égalité, au lieu de celle que i’ay nommée de g à h ; A cause que DF est renduë égale à BC par EB, entant qu’elle est la tangente (au moins lors qu’elle l’est) en mesme façon qu’elle est renduë double, ou triple, etc. de BC, par la mesme EB, entant qu’elle couppe la courbe en tel ou tel point, lors qu’elle l’y couppe. Si bien qu’en la seconde équation, au lieu de ha||ga+ge, pour ce que h est égale à g, on a seulement a||a+e, c’est à dire, e égal à rien. D’où il est AT II, 173 évident que pour trouver la valeur de la quantité a, il ne faut que substituer un zero, en la place de tous les termes multipliez par e, qui sont en la premiere équation, laquelle est a3||3caa+3cae+cee, c’est à dire, qu’il ne faut que les effacer. Car une quantité réelle estant multipliée par une autre quantité imaginaire, qui est nulle, produit tousiours rien. Et cecy est l’elision des Homogenes de Monsieur de Fermat, laquelle ne se fait nullement gratis en ce sens-là. Or cette elision estant faite, il ne reste icy en nostre équation que a3||3caa, ou bien a||3c ; D’où l’on apprend, que lors que EB est la tangente de la ligne courbe proposée, la lig. EC est necessairement triple de la ligne AC.

Voila donc le fondement de la regle, en laquelle il y a virtuellement deux équations, bien qu’il ne soit besoin d’y faire mention expresse que d’une, à cause que l’autre sert seulement à faire effacer ces Homogenes. Mais il est fort vray-semblable que Monsieur de Fermat ne l’a point ainsi entenduë, et qu’il ne l’a trouvée qu’à tâtons, veu qu’il y a obmis la principale condition, à sçavoir, celle qui presuppose ce fondement, ainsi que vous pourrez voir, s’il vous plaist, par ce que i’ay mandé cy-devant devoir y estre corrigé, dans une Lettre addressée au R. Pere Mersenne.
Ie suis,