MONSIEUR,
Encore que les propositions du Reverend Pere Iesuite que vous aviez pris la peine de m’envoyer soient tres-vrayes, ie n’espere pas pour cela qu’il en puisse déduire la quadrature du cercle, comme il me semble que vous m’aviez mandé qu’il pretend : De façon que s’il en publie quelque Livre, il est croyable que le sieur W. y pourra trouver à reprendre ; Mais il seroit assez plaisant s’il s’amusoit à y reprendre ce qui n’est pas faux, et qu’il obmist ce qui l’est. Ie ne vous ay rien mandé touchant ce qu’il a écrit de ma Réponse à ses questions, que tout simplement ce que i’en pensois, et comme l’écrivant à vous seul ; AT IV, 228 car ie ne sçavois point qu’on vous eust donné son Escrit pour me le faire voir ; mais ie ne croy pas pour cela vous avoir rien écrit que ie me soucie qu’il sçache, et ie laisse entierement à vostre discretion de luy faire voir ma Lettre, ou un extrait d’icelle, ou rien du tout. Ie ne puis en aucune façon satisfaire à ce que vous desirez de la part de Monsieur Friquet ; Car ie ne suis point assez habile pour porter iugement d’un Livre, sans en rien voir que le titre des chapitres. Tout ce que i’en puis dire, est, que Viete a esté sans doute un tres-excellent Mathematicien, mais que les écrits qu’on a de luy ne sont que des pieces détachées, qui ne composent point un corps parfait, et dans lesquelles il ne s’est pas estudié à se rendre intelligible à tout le monde ; C’est pourquoy si toute sa doctrine est mise par ordre par quelque sçavant Homme, qui prenne la Clerselier III, 459 peine de l’expliquer fort clairement, l’ouvrage en sera fort beau et fort utile. Neantmoins si on n’y met rien de plus que ce qui est contenu dans les écrits de Viete qui ont desia veu le iour, il me semble qu’on ne portera pas si avant l’Algebre que d’autres ont fait. Pour des questions, celle des quatre globes que vous me mandez avoir envoyée est fort bonne, afin d’éprouver si on sçait bien le calcul ; mais pour remarquer aussi l’industrie de bien demesler les équations, ie n’en sçache point de plus propre que celle des trois bâtons, dont la solutions n’a peut-estre point encore passé iusqu’en Bourgogne. Tres baculi erecti AT IV, 229 sunt ad perpendiculum, in horisontali plano, ex punctis A, B, C. Et baculus A est 6. pedum, B 18. pedum, C 8. pedum. Et linea AB est 33. pedum ; Et unâ atque eadem die extremitas umbræ solaris, quam facit baculus A, transit per puncta B et C, extremitas umbræ baculi B, per A et C. Et ex consequenti etiam baculi C, per A et B. Quæritur in quanam poli altitudine, et qua die anni id contingat ; Et supponimus illas umbras describere accurate conicas sectiones, ut quæstio sit Geometrica, non Mechanica. Et pour faire preuve des divers usages de l’Algebre on pourroit proposer touchant les nombres : Invenire numerum cuius partes aliquotæ faciant triplum, en voicy deux 32760, dont les parties aliquotes font 98280. Et 30240, dont les parties font 90720. On en demande un troisiéme avec la façon de les trouver par regle ; ou bien si on ne veut pas donner la regle, ie demande sept et huit tels nombres, pour ce que i’en ay autrefois envoyé six ou sept à Paris, qui peuvent avoir esté divulguez. Et touchant les lignes courbes on pourroit proposer celle-cy.
Datâ qualibet lineâ rectâ N. Et ductis aliis duabis lineis indifinitis, ut GD, Et FE, quæ se in puncto A ita intersecent, ut angulus E AD sit 45. graduum ; Quæritur modus describendi lineam curvam ABO, quæ sit talis naturæ, ut à AT IV, 230 quocumque eius puncto ducantur tangens et ordinata ad diametrum GD, (quemadmodum hic à puncto B ductæ sunt tangens BL, et ordinata BC.) Semper sit eadem ratio istius Clerselier III, 460 ordinatæ BC, ad C L, segmentum diametri inter ipsam et tangentem intercepti, quæ est lineæ datæ N, ad BI, segmentum ordinatæ à curva ad rectam FE porrectæ.
Cette question me fut proposée il y a cinq ou six ans par Monsieur de Beaune, qui la proposa aussi aux plus celebres Mathematiciens de Paris et de Thoulouze ; Mais ie ne sçache point qu’aucun d’eux luy en ait donné la solution, ny aussi qu’il leur ait fait voir celle que ie luy ay envoyée. I’ay veu depuis deux iours Ultimam patientiam Mar. qui me semble estre fort bonne pour achever de peindre Vo. Et peut-estre qu’elle m’exemptera d’écrire beaucoup de choses à quoy i’eusse esté obligé. Au reste, ie vous assure que ie n’ay aucune envie d’aller où vous estes, si ie ne vous y pouvois rendre service, non pas que ie pense que mes ennemis m’y pussent nuire en aucune façon ; mais pour ce que n’y ayant point affaire, il sembleroit que i’irois à dessein de les braver, ce qui n’est pas convenable à mon humeur ; I’aime mieux qu’ils sçachent que ie les méprise ; et pour ce sujet ie n’ay pas aussi envie d’avoir AT IV, 231 aucunes Copies authentiques des pieces produites par Sc. il y en a assez dans ce dernier Livre.
Ie suis,