MONSIEUR,
Ie vous suis tres-obligé de l’offre qu’il vous a plû me faire de l’honneur de vostre correspondance, touchant ce qui concerne les bonnes Lettres ; Et ie la reçoy comme une faveur que ie tascheray de meriter par tous les services que ie Clerselier III, 438 seray capable de vous rendre. I’avois cét advantage pendant la vie du bon Pere Mersenne, que bien que ie ne m’enquisse iamais d’aucune chose, ie ne laissois pas d’estre adverty soigneusement de tout ce qui se passoit entre les doctes ; En sorte que s’il me faisoit quelquefois des questions, il m’en payoit fort liberalement les réponses, en me donnant advis de toutes les experiences que luy ou d’autres avoient faites, de toutes les rares inventions qu’on avoit trouvées ou cherchées, de tous les Livres nouveaux qui estoient en quelque estime, et enfin de toutes les controverses qui estoient entre les sçavans. Ie craindrois de me rendre importun, si ie vous demandois toutes ces choses ensemble, mais ie me promets que vous n’aurez pas desagreable, que ie vous AT V, 366 prie de m’apprendre le succez d’une experience qu’on m’a dit que Monsieur Pascal avoit faite ou fait faire sur les montagnes d’Auvergne, pour sçavoir si le Vif-argent monte plus haut dans le tuyau estant au pied de la montagne, et de combien il monte plus haut qu’au dessus. I’aurois droit d’attendre cela de luy plustost que de vous, parce que c’est moy qui l’ay advisé il y a deux ans de faire cette experience, et qui l’ay assuré, que bien que ie ne l’eusse pas faite, ie ne doutois point du succez. Mais parce qu’il est amy de Monsieur R. qui fait profession de n’estre pas le mien, et que i’ay desia veu qu’il a tasché d’attaquer ma matiere subtile, dans un certain Imprimé de deux ou trois pages, i’ay sujet de croire qu’il suit les passions de son Amy, lequel ne fait aucunement paroistre, par ce que vous m’avez envoyé de sa part, qu’il sçache la solution de la difficulté de Monsieur de Fermat touchant les équations entre cinq ou six termes incommensurables ; Et afin que vous en puissiez voir la preuve, ie vous diray que lors qu’on a , une partie de l’équation, apres que toutes les assymmetries sont ostées, doit estre , , avec tous les termes des mesmes especes que ces huit. Comme par exemple, , , , , etc. sont Clerselier III, 439 de mesme espece que , et ainsi des autres. AT V, 367 Faites donc, s’il vous plaist, que Monsieur R. vous donne l’autre partie de cette équation, avant que de croire qu’il la puisse trouver. Mais si vous ne la pouvez avoir de luy, ie ne manqueray pas de vous l’envoyer, et de tascher en tout ce qui me sera possible, de vous témoigner que
ie suis, etc.