AT IV, 420

OBSERVATION DE MR DE ROBERVAL,
sur le sujet de la precedente Lettre de Monsieur
Descartes à Monsieur Cavendische, où il
marque ses fautes.

LETTRE LXXXVII.

Nous convenons de définition Monsieur Descartes et moy touchant le point qu’il appelle le centre d’agitation, lequel nous nommons icy le centre de percussion, mais sa conclusion est entierement differente de la mienne, de laquelle pourtant i’ay la demonstration absoluë ; Il y a donc quelque défaut en son raisonnement. C’est ce que ie pretens icy vous faire paroistre. A cét effet, entre plusieurs figures que ie pouvois choisir, ie me suis arresté à un secteur d’un cylindre droit, dans lequel i’espere vous faire voir si clairement ce défaut, qu’il vous sera facile de connoistre qu’il a lieu dans toutes les autres figures solides ; mesme dans toutes les figures planes, desquelles l’aissieu du mouvement n’est pas dans le plan d’icelles, mais perpendiculaire ou oblique à ce plan ; Et ie croy M. Descartes trop amateur de la verité, AT IV, 421 pour ne le pas avoüer, s’il prend la peine de considerer mes raisons.

Clerselier III, 499 Soit donc un secteur de cylindre droit ABCDEFGH, duquel l’aissieu, tant du cylindre que de l’agitation du secteur, soit la ligne droite AB ; ce secteur estant compris des deux parallelogrammes rectangles AD, AF, qui ont pour costé commun l’aissieu AB ; des deux secteurs de cercles ACGE, BDHF retranchez des bases du cylindre ; et de la portion de la superficie cylindrique CGE, FHD retranchée par ces parallelogrammes et secteurs de cercles ; et ayant divisé en deux également l’aissieu AB au point I, AT I, 422 soit mené par ce point un plan parallele aux bases du cylindre, Clerselier III, 500 lequel plan couppera le secteur du cylindre, et la section sera un secteur de cercle, comme ILNM, égal et parallele aux precedens ACGE et BDHF ; De ce secteur ILNM soient les demy diametres IL, IM, et l’arc LNM, lequel soit couppé en deux également au point N, auquel soit mené le demy diametre IN, et prolongé en dehors vers N, autant qu’il en est besoin. Entendons aussi que cette ligne IN soit perpendiculaire à l’horison, et que AB soit de niveau. Davantage soit IP les trois quarts de IN, et ayant mené LM, corde de l’arc LNM, soit entendu que comme l’arc LNM est à sa corde LM, ainsi les deux tiers du demy diametre IN soit à IO, portion du mesme demy diametre. Nous avons demonstré que ce point O est le centre de gravité, tant du secteur de cylindre AH, que du secteur de cercle ILNM. Que si au contraire, on entend que comme la corde LM est à son arc LNM, ainsi soit IP (trois quarts de IN) à IQ portion de IN, nous avons aussi demonstré que le point Q sera le centre de percussion ou d’agitation tant du secteur de cylindre AH, que du secteur de cercle ILNM.

Toutesfois suivant le raisonnement de Monsieur Descartes, il faudroit que ce centre de percussion ou d’agitation tant du secteur de cylindre AH, que du secteur de cercle ILNM fust au point P, qui est aux trois quarts de la ligne IN, et ce en tout secteur grand ou petit, mesme au demy cylindre et au demy cercle. Ce qui est tout contraire à nostre raisonnement, qui fait voir que le veritable centre Q est tousiours plus éloigné d’I, que P, et ce dautant AT IV, 423 plus que le secteur approchera plus prés d’un demy cercle, ou d’un demy cylindre, n’estant pas toutesfois plus grand ; iusques là, que si l’arc estoit d’un quart plus grand que sa corde, le centre de percussion seroit le point N, et l’arc estant encore plus grand, ce centre seroit hors le secteur au delà de N.

Mais nostre demonstration est trop longue pour ce lieu ; voyons donc le défaut de celle de Monsieur Descartes, ainsi Clerselier III, 501 que nous nous sommes proposez. Et pour ce faire menons des points LM, les lignes droites LS, MS, qui touchent l’arc LMN, et qui se rencontrent au point S, dans le demy diametre IN prolongé ; partant les angles ILS, IMS seront droits. De mesme ayant pris dans l’arc LNM deux autres points T, V, également éloignez de part et d’autre du point N, soient menées les touchantes TR, VR, qui s’entrecouppent au point R, dans le mesme demy diametre IN prolongé ; Et ainsi derechef ayant mené les demy diametres IT, IV, les angles ITR, IVR seront droits ; Il en sera de mesme de tous les points éloignez également de part et d’autre du point N. Enfin par les lignes AB et IN soit mené un plan ABHG, qui couppera le secteur AH en deux autres secteurs égaux, et formera le rectangle ABH G, duquel les costez AG et BH coupperont aussi en deux également les secteurs des cercles ACGE et BDHF, et par les points G, N, H soient menées des B 2208 lignes droites qui touchent les arcs CE, LM, DF, lesquelles touchantes soient ZG4, XNY, et 6H7, qui seront perpendiculaires aux demy diametres AG, IN, BH.

AT IV, 424 M. Descartes fait donc NX égale à NY ; Puis dans le demy diametre ou perpendiculaire IN, ayant pris tel autre point qu’on voudra, comme le point 3, et par ce point entendant une autre superficie cylindrique allentour de l’aissieu AB, il veut que comme la pyramide dont le sommet est I, et la base égale à la superficie cylindrique CGH F est à la pyramide dont le sommet est I, et la base égale à la superficie cylindrique passant par 3, et qui est comprise dans le secteur AH, ainsi soit l’ordonnée NX à une autre 3 – 8 qui luy soit parallele, et ainsi d’une infinité d’autres points que l’on pourra entendre estre trouvez comme ce point 8 ; Par tous lesquels points une figure platte estant décrite de part et d’autre de son diametre IN qui la couppe en deux également, il pretend que le centre de gravité de cette figure platte sera le centre d’agitation Clerselier III, 502 du secteur AH, ou de tout autre corps, pour lequel on aura suivy les regles de cette construction. Or il est clair que les pyramides dont il parle sont icy entr’elles, comme le quarré de NI au quarré de I3 ; et partant l’ordonnée XN estant à 8 3, comme ces pyramides, c’est à dire, comme le quarré NY au quarré I3, le centre de gravité de la figure platte (qui est icy un triligne aigu parabolique) sera au point, qui selon son intention seroit aussi le centre d’agitation du secteur AH.

Son raisonnement est que toutes les parties qui sont dans la superficie de quelque cylindre droit, duquel AB est l’aissieu, sont également agitées ; et que celles qui sont dans la superficie d’un autre cylindre plus grand ou plus petit, qui a aussi AB pour aissieu, sont plus ou moins AT IV, 425 agitées, à raison de ce que leur distance de l’aissieu AB est plus ou moins grande ; D’où s’ensuit qu’il y a mesme raison entre la force d’agitation qu’ont ensemble toutes les parties de ce corps, qui sont dans la superficie du premier cylindre, et celles qu’ont toutes les parties du mesme corps, qui sont dans la superficie du second cylindre, qu’il y a entre les pyramides qui ont leurs bases égales à ces superficies cylindriques, et leurs hauteurs égales aux demy diametres des mesmes cylindres ; d’où il suit evidemment, dit-il, que le centre de gravité de la figure platte décrite cy-dessus, tombe au mesme point dans la perpendiculaire IN, que le centre d’agitation demandé.

Le défaut de ce raisonnement est qu’il considere l’agitation seule des parties du corps agité, oubliant la direction de l’agitation de chacune de ces parties ; laquelle direction change, et est differente dans tous les points qui sont inégalement éloignez du plan vertical AH, quoy que ces points soient dans une mesme superficie cylindrique allentour de l’aissieu AB ; Car la direction du point L, par exemple, est la touchante LS, soit que ce point agité pousse de L vers S, ou qu’au contraire, il tire vers la partie opposée. Pareillement la direction du point M est MS, la direction Clerselier III, 503 du point T est TR, la direction du point V est VR, etc. Tellement que quoy que l’agitation de tous ces points soit égale, toutesfois la difference de leur direction change l’effet de cette agitation pour deux chefs. Le premier, qu’à l’égard de la perpendiculaire IN, ils tirent ou poussent par des points differens S, R, etc. Le second, que leurs lignes de direction font des angles inégaux avec cette perpendiculaire. En un mot AT IV, 426 de tous les points qui sont dans la superficie cylindrique CGHF, il n’y a que ceux qui sont dans la ligne GH, qui agissent et fassent leur effort par le point N sur la perpendiculaire IN, tous les autres le faisant en dehors entre N et S ; Et partant le centre d’agitation de tous ces points, c’est à dire, de cette superficie, est aussi entre N et S, et non pas au point N, comme il le faudroit pour faire que le raisonnement de Monsieur Descartes fust bon. Et de fait, pour avoir ce centre, il faut entendre que comme l’arc LM est à sa corde LM, ainsi le demy-diametre IN soit à I S, et le point S sera le centre demandé ; Que si on fait le mesme pour toutes les autres superficies cylindriques, allentour de l’aissieu AB, moindres que CGHF, et comprises dans le secteur AH, on viendra à une conclusion toute autre que celle de Monsieur Descartes.

Ie passe sous silence, que dans toute autre ligne que IN, pourveu qu’elle soit menée du point I dans le plan ILNM, on peut assigner une centre de percussion, et que tous ces centres sont dans un lieu.

Ie passe encore, que quoy que le centre de percussion ou d’agitation fust assigné comme dessus, il ne paroist pas qu’il fust la regle ou distance requise pour les Vibrations ou balancemens des corps, auquel balancement le centre de gravité contribuë quelque chose, aussi bien que le centre d’agitation. Car ce centre de gravité est la cause de la reciproquation de ce balancement de droite à gauche et de gauche à droite ; Veu que s’il n’y avoit que l’agitation, le mouvement seroit continuel d’une mesme part allentour de l’aissieu.

Clerselier III, 504 AT IV, 427 Toutesfois iusques icy, les experiences se sont accordées d’assez prés avec mes conclusions du centre d’agitation ; d’où i’ay conclu que le centre d’agitation y contribuë plus que le centre de gravité.

Le centre de percussion d’une ligne droite AB tournant circulairement autour du point fixe A, par Monsieur de Roberval en 1646.

Soit la ligne AB, indéfiniment divisée és points A, G, F, E, B, etc. Considerant la force d’agitation de chacun de ces points, il est certain que leurs forces sont entr’elles comme leurs agitations, ou comme leurs vitesses ou chemins, c’est à dire, comme les arcs semblables BCD, ELH, FMI, etc. sont entr’eux.

C’est à dire, comme les distances ou rayons du point immobile A iusques à chacun arc, telles que sont AB, AE, AF, etc. ou encore comme les soustendantes BD, EH, FI, etc. ou encore comme les lignes du triangle ABD.

Or comme lesdites lignes BD, EH, FI, etc. sont entr’elles, ainsi leurs forces de pesanteur sont entr’elles (par les elemens de Mechaniques, si on les prend pour des puissances de semblable direction) donc les forces des agitations AT IV, 428 des points B, E, F, etc. de la ligne AB, sont entr’elles comme les forces de pesanteur des lignes BD, EH, FI, etc. sont entr’elles.

Et partant le centre des forces d’agitation de la somme des points B, E, F, Clerselier III, 505 etc. (c’est à dire, de toute la ligne AB) est semblablement posé entre les points extremes A et B, que le centre de pesanteur de toutes les lignes BD, EH, FI, etc. (c’est à dire, du triangle ABD) entre la ligne extreme BD et le point A, comme a demonstré Lucas Valerius dans son traité De Centro gravitatis.

Or le centre de pesanteur du triangle ABD divise AP en Q, en sorte que AQ est double de PQ ; Donc aussi O, centre d’agitation de la droite AB divise AB en O, en sorte que AO est double de BO ; Partant est trouvé le centre d’agitation d’une droite AB, ce qu’il falloit, etc.