AT IV, 429

A MONSIEUR ***
RéposeRéponse à la precedente.

LETTRE LXXXVIII.

MONSIEUR,
Ie vous remercie tres-humblement de la faveur qu’il vous a plû me faire de m’envoyer les objections de Monsieur de Roberval ; et pour ce qu’il n’y a rien au monde que ie souhaitte tant que d’estre instruit et averty de mes fautes, ie suis tousiours bien-aise de voir les écrits de ceux qui ont dessein de me reprendre. Ie vous remercie aussi de ce qu’il vous plaist me permettre de n’y répondre qu’à mon loisir, mais ie ne voy pas qu’il m’ait donné de la matiere pour m’occuper beaucoup de temps ; Car il n’y a que l’explication de sa figure qui rende son écrit un peu long, il eust pû en épargner les deux tiers, et rendre son discours AT IV, 430 plus clair et plus facile, sans rien diminuer de la force de ses raisons, si au lieu du secteur de cylindre, il eust seulement proposé que le secteur de cercle ILNM. Sa premiere objection, qui est que mon raisonnement doit estre defectueux, puisque i’en tire une autre conclusion Clerselier III, 506 qu’il ne fait du sien, lequel il veut que ie reçoive pour tres-certain, sans toutesfois me dire quel il est, ne prouve à mon égard autre chose, sinon qu’il veut que ie defere davantage à son authorité, qu’à mes raisons.

Sa seconde et derniere objection est, que ie considere l’agitation seule des parties du corps agité, oubliant la direction de l’agitation de chacune de ses parties, laquelle il dit devoir estre considerée pour deux chefs ; Le premier, qu’à l’égard de la perpendiculaire IN ilils tirent ou poussent par des points differens ; Le second, que leurs lignes de direction font des angles inégaux avec cette perpendiculaire. A quoy ie répons facilement, en niant qu’il faille icy considerer que cette diverse direction se rapporte à une certaine perpendiculaire, et les deux raisons dont il use pour le prouver, n’étant fondée que sur la determination de cette perpendiculaire, n’ont aucune force, et s’évanouïssent avec elle. Car bien que la perpendiculaire AT IV, 431 de l’espace dans lequel se font les Vibrations, c’est à dire, la ligne tirée du point par lequel le mobile est suspendu vers le centre de la terre, et aussi celle de ce mobile tirée du mesme point vers le point où est son centre de gravité, lors qu’il n’est attaché à rien, doivent estre considerées pour examiner la quantité de ses Vibrations, ou l’empeschement que celles de ses parties qui sont en équilibre font au mouvement de celles qui n’y sont pas, ou choses semblables. Toutesfois, il est evident qu’au regard de son agitation, il n’y a en luy aucune perpendiculaire plus considerable que toutes les autres lignes menées du point I dans le plan ILNM, et que Monsieur de Roberval semble avoir desia reconnu cette verité, quand il a mis sur la fin de son écrit, que (veu que toutes celles de ses parties qui sont dans une mesme superficie, également distantes de l’aissieu sur lequel il tourne se meuvent également viste, et sont par Clerselier III, 507 consequent également agitées) dans toute autre ligne que IN on peut assigner un centre de percussion, en quoy ie suis d’accord avec luy ; Et la raison est que tous les points de ce plan, qui sont également distans du point I, sont également agitez, et le lieu dans lequel sont tous ces centres est la circonference d’un cercle. C’est pourquoy estant amateur de la verité, il doit avoüer qu’il s’est mépris, si dans sa prétenduë demonstration, pour AT IV, 432 mesurer l’agitation des divers points d’une mesme superficie cylindrique, il les a rapportez à quelque perpendiculaire determinée, au regard de laquelle cette agitation fust inégale. Comme aussi ie trouve qu’il s’est mépris où il a pensé que le centre de gravité du mobile, contribuast quelqu’autre chose à la mesure de ses Vibrations, que ce qu’y contribuë le centre d’agitation : Car le mot de centre de gravité est relatif aux corps qui se meuvent librement en l’air, ou bien qui sont appuyez sur quelqu’autre corps sans se mouvoir ; De façon que ceux qui sont suspendus à quelque aissieu, autour duquel ils se meuvent, n’ont aucun centre de gravité au regard de cette position et de ce mouvement, mais seulement un centre d’agitation. C’est pourquoy au lieu de dire que le centre de gravité est cause de la reciprocation de droite à gauche, il devoit seulement dire que c’est la gravité ou pesanteur du mobile qui en est cause, sans parler du centre de cette gravité, lequel n’est rien en ce cas qu’une chimere ; Et ce qu’il dit passer sous silence ne fait rien contre moy ; Car par la définition du centre d’agitation, que i’ay donnée, et de laquelle il dit convenir avec moy, tous les corps dans qui ce centre est également distant de l’aissieu, autour duquel ils se meuvent, sont leurs Vibrations en temps égal. Maintenant, Monsieur, ie vous supplie de vouloir AT IV, 433 iuger auquel des deux raisonnemens ie dois plustost donner creance, ou bien au mien propre qui me semble tres-evident et tres-vray, et qui a esté veu et examiné par Monsieur de Roberval, sans qu’il y ait rien pû trouver à redire, en quoy ie ne voye tres-clairement qu’il s’est mépris ; Ou bien au sien, lequel ie n’ay Clerselier III, 508 point veu, et dans lequel neantmoins par ce peu qu’il en a declaré, ie remarque deux fautes bien signalées ; l’une qu’il imagine une perpendiculaire, à laquelle il rapporte differemment l’agitation des diverses parties du mobile qui sont dans une mesme superficie cylindrique, laquelle agitation neantmoins est égale en toutes, à cause qu’elles se meuvent également viste, et que c’est en cette seule vitesse que consiste leur agitation ; l’autre qu’il imagine aussi un centre de gravité où il n’y en a point, pour ce qu’il est changé en celuy d’agitation.
Ie suis,