Mon Reverend Pere,
Les Lettres que i’ay eu l’honneur de recevoir de la part de vostre Reverence m’ont extrémement obligé, et i’auray soin d’empescher autant qu’il sera en mon pouvoir, qu’aucun de mes amis ne fasse rien contre les bons conseils que i’y trouve. Ce m’est beaucoup qu’elles m’apprennent, que vous ne trouverez point mauvais, si sans attaquer personne en particulier, on dit son sentiment en general de la Philosophie qui s’enseigne communement partout. C’est un sujet auquel il est mal-aisé de s’abstenir de tomber ; mais AT IV, 588 pource que ce qui avoit été commencé par un de mes amis, ne m’a pas satisfait, ie l’ay prié de ne point continuer ; et afin de pouvoir mieux user de toute la circonspection et retenuë qui sera requise pour faire que cela n’offense personne, ie pense que ie prendray moy-mesme la plume, non point pour en écrire un long discours, mais pour mettre seulement par occasion dans une preface les choses dont il me semble que ma conscience m’oblige d’avertir le public. Car ie puis dire en verité, que si ie n’avois suivy que mon inclination, ie n’aurois iamais rien fait imprimer, et que ie n’ay point d’autre soin que de m’acquitter de mon devoir, ny d’autre passion que celle qui est excitée par le souvenir des obligations que ie vous ay, et qui me fait estre
Mon R. P.
De V. R. Le tres-humble et tres-obeïssant
serviteur, Descartes.