LETTRE DE MONSIEUR DE FERMAT
à Monsieur Clerselier, sur la Dioptrique
de Monsieur Descartes.
A Toulouze le 3. Mars 1658.
LETTRE XLIII.
MONSIEUR,
I’ay receu vostre Lettre avec les deux Copies des écrits de Monsieur Descartes, sur le sujet de nostre ancien demélé ; Ie voudrois bien, Monsieur, vous AT II, p. satisfaire ponctuellement, en ce que vous semblez souhaitter que ie refasse mes Réponses d’Alors, qui se sont égarées ; Mais comme ie hay naturellement tout ce qui choque tant soit peu la verité ; et qu’il me seroit aussi mal-aisé de rajuster ce vieux ouvrage, qu’à un Peintre de refaire mon portrait d’Alors sur mon visage d’apresent, i’ay crû qu’il valoit mieux vous écrire tout de nouveau une Lettre qui contiendra mes raisons d’opposition, et vieilles et nouvelles, et c’est à quoy ie travailleray pour la huitaine. I’entre dans vos sentimens pour ce qui concerne l’impression ; Il y faudra changer les termes les plus choquants et les plus aigres, mais n’y faire point autrement de grand changement ; et de cela ie m’en remets à vous. Pour nostre question de Dioptrique, ie vous Clerselier III, 199 proteste sans nulle feintise, que ie souhaitte de m’estre trompé ; Mais ie ne sçaurois obtenir sur moy en façon quelconque, que le raisonnement de Monsieur Descartes soit une demonstration, et mesme qu’il en approche. Ie vous envoyeray dans huit iours la Lettre qui éclaircira mes doutes sur cette matiere. Et ie suis de tout mon cœur,
I’ay retenu cette Lettre, qui estoit preste à vous estre envoyée dés la semaine passée, parce que i’ay crû que Monsieur Digby, par la voye duquel i’ay pris la liberté de vous écrire, ne seroit pas encore de retour à Paris. Vous recevrez donc les deux conjointement ; et si la seconde est un peu longue, assurez-vous, Monsieur, que i’ay pris peine à l’accourcir, et que ie pourrois dire beaucoup plus de choses que ie n’ay fait. Ie l’adjoûteray un iour, si les Geometres de Paris soûtiennent la demonstration de Monsieur Descartes.