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AT VI, (369)


LA GEOMETRIE.
LIVRE PREMIER.
Des problesmes qu’on peut construire sans y employer que des cercles et des lignes droites.

Tous les Problesmes de Geometrie se peuuent facilement reduire à tels termes, qu’il n’est besoin par aprés que de connoistre la longeur de quelques lignes droites, pour les construire.

Commẽt le calcul d’Arithmetique se rapporte aux operations de Geometrie.Et comme toute l’Arithmetique n’est composée, que de quatre ou cinq operations, qui sont l’Addition, la Soustraction, la Multiplication, la Diuision, et l’Extraction des racines, qu’on peut prendre pour vne espece de Diuision : Ainsi n’a-t-on autre chose à faire en Geometrie touchant les lignes qu’on cherche, pour les preparer à estre connuës, que leur en adiouster d’autres, ou en oster ; Ou bien en ayant vne, AT VI, 370 que ie nommeray l’vnité pour la rapporter d’autant mieux aux nombres, et qui peut ordinairement estre prise à discretion, puis en ayant encore deux autres, en trouuer vne quatriesme, qui soit à l’vne de ces deux, comme l’autre est à l’vnité, ce qui est le mesme que la Multiplication ; ou bien en trouuer vne quatriesme, qui soit à l’vne de ces deux, comme l’vnité Maire, p. 298
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est à l’autre, ce qui est le mesme que la Diuision ; ou enfin trouuer vne, ou deux, ou plusieurs moyennes proportionnelles entre l’vnité, et quelque autre ligne ; ce qui est le mesme que tirer la racine quarrée, onu cubique, etc. Et ie ne craindray pas d’introduire ces termes d’Arithmetique en la Geometrie, affin de me rendre plus intelligible.

La Multiplication.Soit par exemple AB l’vnité, et qu’il faille multiplier BD par BC, ie n’ay qu’a ioindre les poins A et C, puis tirer DE parallele à CA, et BE est le produit de cete Multiplication.

La Diuision.Ou bien s’il faut diuiser BE par BD, ayant ioint les poins E et D, ie tire AC parallele à DE, et BC est le produit de cete diuision.

L’Extraction de la racine quarrée.Ou s’il faut tirer la racine quarrée de GH, ie luy adiouste en ligne droite FG, qui est l’vnité, et diuisant FH en deux parties esgales au point K, du centre K ie tire le cercle FIH, puis esleuant du point G vne ligne droite iusques à I, à angles droits sur FH, c’est AT VI, 371 GI la racine cherchée. Ie ne dis rien icy de la racine cubique, ni des autres, à cause que i’en parleray plus commodement cy aprés.

Commét on peut vser de chiffres en Geometrie.Mais souuent on n’a pas besoin de tracer ainsi ces lignes Maire, p. 299
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sur le papier, et il suffist de les designer par quelques lettres, chascune par vne seule. Comme pour adiouster la ligne BD à GH, ie nomme l’vne $a$ et l’autre $b$, et escris $a+b$ ; Et $a-b$, pour soustraire $b$ d’$a$ ; Et $ab$, pour les multiplier l’vne par l’autre ; Et $\frac{a}{b}$, pour diuiser $a$ par $b$ ; Et $aa$ ou $a^2$ pour multiplier $a$ par soy mesme ; Et $a^3$, pour le multiplier encore vne fois par $a$, et ainsi à l’infini ; Et $\sqrt{a^2+b^2}$, pour tirer la racine quarrée de $a^2+b^2$ ; Et $\sqrt{\textnormal{C}.a^3-b^3+abb}$, pour tirer la racine cubique d’$a^3-b^3+abb$, et ainsi des autres.

Où il est à remarquer que par $a^2$ ou $b^3$ ou semblables, ie ne conçoy ordinairement que des lignes toutes simples, encore que pour me seruir des noms vsités en l’Algebre, ie les nomme des quarrés ou des cubes, etc.

Il est aussy à remarquer que toutes les parties d’vne mesme ligne, se doiuent ordinairement exprimer par autant de dimensions l’vne que l’autre, lorsque l’vnité n’est point déterminée en la question, comme icy $a^3$ en contient autant qu’$abb$ ou $b^3$ dont se compose la ligne que i’ay nommée $\sqrt{\textnormal{C}.a^3-b^3+abb}$ : mais que ce n’est pas de mesme lorsque l’vnité est déterminée, à cause qu’elle peut estre sousentendue par tout où il y a trop ou trop peu de dimensions : comme s’il faut tirer la racine cubique de $aabb-b$, il faut penser que la quantité $aabb$ est diuisée vne fois par l’vnité, et que AT VI, 372 l’autre quantité $b$ est multipliée deux fois par la mesme.

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Au reste affin de ne pas manquer à se souuenir des noms de ces lignes, il en faut tousiours faire vn registre separé, à mesure qu’on les pose ou qu’on les change, escriuant par exemple.
AB $\!\!\ad1$, c’est à dire, AB esgal à $1$.
GH $\!\!\ad a $ BD $\!\!\ad b$, etc.

Commẽt il faut venir aux Equatiõs qui seruent à resoudre les problesmes.Ainsi voulant resoudre quelque problesme, on doit d’abord le considerer comme desia fait, et donner des noms à toutes les lignes, qui semblent necessaires pour le construire, aussy bien à celles qui sont inconnuës, qu’aux autres. Puis sans considerer aucune difference entre ces lignes connuës, et inconnuës, on doit par courirparcourir la difficulté, selon l’ordre qui monstre le plus naturellement de tous en qu’ellequelle sorte elles dependent mutuellement les vnes des autres, iusques à ce qu’on ait trouué moyen d’exprimer vne mesme quantité en deux façons : ce qui se nomme vne Equation ; car les termes de l’vne de ces deux façons sont esgaux à ceux de l’autre. Et on doit trouuer autant de telles Equations, qu’on a supposé de lignes, qui estoient inconnuës. Ou bien s’il ne s’en trouue pas tant, et que nonobstant on n’omette rien de ce qui est desiré en la question, cela tesmoigne qu’elle n’est pas entierement determinée. Et lors on peut prendre à discretion des AT VI, 373 lignes connuës, pour toutes les inconnuës ausqu’ausquelles ne correspond aucune Equation. Aprés cela s’il en reste encore plusieurs, il se faut seruir par ordre de chascune des Equations qui restent aussy, soit en la considerant toute seule, soit en la comparant auec les autres, pour expliquer chascune de ces lignes inconnuës ; et faire Maire, p. 301
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ainsi en les demeslant, qu’il n’en demeure qu’vne seule, esgale à quelque autre, qui soit connuë, ou bien dont le quarré, ou le cube, ou le quarré de quarré, ou le sursolide, ou le quarré de cube, etc. soit esgal à ce, qui se produist par l’addition, ou soustraction de deux ou plusieurs autres quantités, dont l’vne soit connuë, et les autres soient composées de quelques moyennes proportionnelles entre l’vnité, et ce quarré, ou cube, ou quarré de quarré, etc. multipliées par d’autres connuës. Ce que i’escris en cete sorte.
$z\,\,\,\ad b$ ou
$z^2\ad-az+bb$ ou
$z^3\ad+az^2+bbz-c^3$ ou
$z^4\ad az^3-c^3z+d^4$ etc.
C’est à dire, $z$, que ie prens pour la quantité inconnuë, est esgale à $b$, ou le quarré de $z$ est esgal au quarré de $b$ moins $a$ multiplié par $z$ ou le cube de $z$ est esgal à $a$ multiplié par le quarre de $z$ plus le quarré de $b$ multiplié par $z$ moins le cube de $c$ et ainsi des autres.

Et on peut tousiours reduire ainsi toutes les quantités AT VI, 374 inconnuës à vne seule, lorsque le Problesme se peut construire par des cercles et des lignes droites, ou aussy par des sections coniques, ou mesme par quelque autre ligne qui ne soit que d’vn ou deux degrés plus composée. Mais ie ne m’areste point à expliquer cecy plus en detail, à cause que ie vous osterois le plaisir de l’apprendre de vous mesme, et l’vtilité de cultiuer vostre esprit en vous y exerceant, qui est à mon auis la principale, qu’on puisse Maire, p. 302
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tirer de cete science. Aussy que ie n’y remarque rien de si difficile, que ceux qui seront vn peu versés en la Geometrie commune, et en l’Algebre, et qui prendront garde à tout ce qui est en ce traité, ne puissent trouuer.

C’est pourquoy ie me contenteray icy de vous auertir, que pourvû qu’en demeslant ces Equations on ne manque point à se seruir de toutes les diuisions, qui seront possibles, on aura infalliblement les plus simples termes, ausquels la question puisse estre reduite.

Quels sont les problesmes plans.Et que si elle peut estre resolue par la Geometrie ordinaire, c’est à dire, en ne se seruant que de lignes droites et circulaires tracées sur vne superficie plate, lorsque la derniere Equation aura esté entierement démeslée, il n’y restera tout au plus qu’vn quarré inconnu, esgal à ce qui se produist de l’Addition, ou soustraction de sa racine multipliée par quelque quantité connue, et de quelque autre quantité aussy connue.

Comment ils se resoluent.Et lors cete racine, ou ligne inconnue se trouue aysement. Car si i’ay par exemple AT VI, 375 $z^3\ad az+bb$ ie fais le triangle rectangle NLM, dont le costé LM est esgal à $b$, racine quarrée de la quantité connue $bb$, et l’autre LN est $\frac{1}{2}\,a$, la moitié de l’autre quantité connue, qui estoit multipliée par $z$ que ie suppose estre la ligne inconnue. puis prolongeant MN la baze de ce triangle, Maire, p. 303
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iusques à O, en sorte qu’NO soit esgale à NL, la toute OM est $z$ la ligne cherchée. Et elle s’exprime en cete sorte $z\ad\frac{1}{2}\,a+\sqrt{\frac{1}{4}\,aa+bb}$.

Que si iay $yy\ad -ay+bb$, et qu’$y$ soit la quantité qu’il faut trouuer, ie fais le mesme triangle rectangle NLM, et de sa baze MN i’oste NP esgale à NL, et le reste PM est $y$ la racine cherchée. De façon que iay $y\ad-\frac{1}{2}\,a+\sqrt{\frac{1}{4}\,aa+bb}$. Et tout de mesme si i’auois $x^4\ad-ax^2+b^2$. PM seroit $x^2$. Et i’aurois $x\ad\sqrt{-\frac{1}{2}\,a+\sqrt{\frac{1}{4}\,aa+bb}}$ : et ainsi des autres.

AT VI, 376 Enfin si i’ay $z^2\ad az-bb$ : ie fais NL esgale à $\frac{1}{2}\,a$, et LM esgale à $b$ cõme deuãt, puis, au lieu de ioindre les poins MN, ie tire MQR parallele à LN. Et du centre N par L ayant descrit vn cercle qui la couppe aux poins Q et R, la ligne cherchée $z$ est MQ, oubiẽ MR, car en ce cas elle s’exprime en deux façons, à sçauoir $z\ad\frac{1}{2}\,a+\sqrt{\frac{1}{4}\,aa-bb}$, et $z\ad\frac{1}{2}\,a-\sqrt{\frac{1}{4}\,aa-bb}$.

Et si le cercle, qui ayant son centre au point N, passe par le point L, ne couppe ny ne touche la ligne droite MQR, il n’y a aucune racine en l’Equation, de façon qu’on peut assurer que la construction du problesme proposé est impossible.

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Au reste ces mesmes racines se peuuent trouuer par vne infinité d’autres moyens, et i’ay seulement voulu mettre ceux cy, comme fort simples, affin de faire voir qu’on peut construire tous les Problesmes de la Geometrie ordinaire, sans faire autre chose que le peu qui est compris dans les quatre figures que i’ay expliquées. Ce que ie ne croy pas que les anciens ayent remarqué. car autrement ils n’eussent pas pris la peine d’en escrire tant de gros liures, où le seul ordre de leurs propositions nous fait connoistre qu’ils n’ont point eu la vraye methode pour les trouuer toutes, mais qu’ils ont seulement ramassé celles qu’ils ont rencontrées.

AT VI, 377 Exemple tiré de Pappus. Et on le peut voir aussy fort clairement de ce que Pappus a mis au commencement de son septiesme liure, ou aprés s’estre aresté quelque tems à denombrer tout ce qui auoit esté escrit en Geometrie par ceux qui l’auoient precedé, il parle enfin d’vne question, qu’il dit que ny Euclide, ny Apollonius, ny aucun autre n’auoient sceu entierement resoudre. Et voycy ses mots.

Ie cite plutost la version latine que le texte grec affin que chascun l’entende plus aysement.Quem autem dicit (Apollonius) in tertio libro locum ad tres, et quatuor lineas ab Euclide perfectum non esse, neque ipse perficere poterat, neque aliquis alius : sed neque paululum quid addere iis, quae Euclides scripsit, per ea tantum conica, quae usque ad Euclidis tempora praemonstrata sunt, etc.

Et vn peu aprés il explique ainsi qu’ellequelle est cete question.

At locus adtres, et quatuor lineas, in quo (Apollonius) magnifice se iactat, et ostentat, nulla habita gratia ei, qui prius scripserat, est hujusmodi. Si positione datis tribus Maire, p. 305
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rectis lineis ab uno et eodem puncto, ad tres lineas in datis angulis rectae lineae ducantur, et data sit proportio rectanguli contenti duabus ductis ad quadratum reliquae : punctum contingit positione datum solidum locum, hoc est unam ex tribus conicis sectionibus. Et si ad quatuor rectas AT VI, 378 lineas positione datas in datis angulis lineae ducantur ; et rectanguli duabus ductis contenti ad contentum duabus reliquis proportio data sit : similiter punctum datuam coni sectionem positione continget. Si quidem igitur ad duas tantum locus planus ostensus est. Quod si ad plures quam quatuor, punctum continget locos non adhuc cognitos, sed lineas tantum dictas ; quales autem sint, vel quam habeant proprietatem, non constat : earum unam, neque primam, et quae manifestissima videtur, composuerunt ostendentes utilem esse. propositiones autem ipsarum hae sunt.

Si ab aliquo puncto ad positione datas rectas lineas quinque ducantur rectae lineae in datis angulis, et data sit proportio solidi parallelepipedi rectanguli, quod tribus ductis lineis continetur ad solidum parallelepipedum rectangulum, quod continetur reliquis duabus, et data quapiam linea, punctum positione datam lineam continget. Si autem ad sex, et data sit proportio solidi tribus lineis contenti ad solidum, quod tribus reliquis continetur ; rursus punctum continget positione datam lineam. Quod si ad plures quam sex, non adhuc habent dicere, an data sit proportio cuiuspiã contenti quatuor lineis ad id quod reliquis continetur, quoniam non est aliquid contentum pluribus quam tribus dimensionibus.

Ou ie vous prie de remarquer en passant, que le scrupule, que faisoient les anciens d’vser des termes de l’Arithmetique en la Geometrie, qui ne pouuoit proceder, Maire, p. 306
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que de ce qu’ils ne voyoient pas assés clairement leur rapport, causoit beaucoup d’obscurité, et d’embaras, en la façon dont ils s’expliquoient. car Pappus poursuit en cete sorte.

acquiescunt autem his, qui paulo ante talia interpretati AT VI, 379 sunt. neque unum aliquo pacto comprehensibile significantes quod his continetur. Licebit autẽ per coniunctas proportiones haec, et dicere, et demonstrare uniuerse in dictis proportionibus, atque his in hunc modum. Si ab aliquo puncto ad positione datas rectas lineas ducantur rectae lineae in datis angulis, et data sit proportio coniuncta ex ea, quam habet una ductarum ad unam, et altera ad alteram, et alia ad aliam, et reliqua ad datam lineam, si sint septem ; si vero octo, et reliqua ad reliquam : punctum continget positione datas lineas. Et similiter quotcumque sint impares vel pares multitudine, cum haec, ut dixi, loco ad quatuor lineas respondeant, nullum igitur posuerunt ita ut linea nota sit, etc.

La question donc qui auoit esté commencée à resoudre par Euclide, et poursuiuie par Apollonius, sans auoir esté acheuée par personne, estoit telle. Ayant trois ou quatre ou plus grand nombre de lignes droites données par position ; premierement on demande vn point, duquel on puisse tirer autant d’autres lignes droites, vne sur chascune des données, qui façent auec elles des angles donnés, et que le rectangle contenu en deux de celles, qui seront ainsi tirées d’vn mesme point, ait la proportion donnée auec le quarré de la troisiesme, s’il n’y en a que trois ; ou bien auec le rectangle des deux autres, s’il y en a quatre ; ou bien, s’il y en a cinq, que le parallelepipede composé de trois ait la proportion donnée auec le parallelepipede Maire, p. 307
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composé des deux qui restent, et d’vne autre ligne donnée. Ou s’il y en a six, que le parallelepipede cõposé de trois ait la proportion donnée AT VI, 380 auec le parallelepipede des trois autres. Ou s’il y en a sept, que ce qui se produist lorsqu’on en multiplie quatre l’vne par l’autre, ait la raison donnée auec ce qui se produist par la multiplication des trois autres, et encore d’vne autre ligne donnée ; Ou s’il y en a huit, que le produit de la multiplication de quatre ait la proportion donnée auec le produit des quatre autres. Et ainsi cete question se peut estendre à tout autre nombre de lignes. Puis à cause qu’il y a tousiours vne infinité de diuers poins qui peuuent satisfaire à ce qui est icy demandé, il est aussy requis de connoistre, et de tracer la ligne, dans laquelle ils doiuent tous se trouuer. Et Pappus dit que lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données, c’est en vne des trois sections coniques. mais il n’entreprend point de la determiner, ny de la descrire. non plus que d’expliquer celles ou tous ces poins se doiuent trouuer, lorsque la question est proposée en vn plus grand nombre de lignes. Seulement il aiouste que les anciens en auoient imaginé vne qu’ils monstroient y estre vtile, mais qui sembloit la plus manifeste, et qui n’estoit pas toutefois la premiere. Ce qui m’a donné occasion d’essayer si par la methode dont ie me sers on peut aller aussy loin qu’ils ont esté.

Response à la question de Pappus.Et premierement i’ay connu que cete question n’estant proposée qu’en trois, ou quatre, ou cinq lignes, on peut tousiours trouuer les poins cherchés par la Geometrie simple ; c’est à dire en ne se seruant que de la reigle et du Maire, p. 308
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compas, ny ne faisant autre chose, que ce qui a desia esté dit ; excepté seulement lorsqu’il y a cinq lignes données, si elles sont toutes AT VI, 381 paralleles. Auquel cas, comme aussy lorsque la question est proposée en six, ou 7, ou 8, ou 9 lignes, on peut tousiours trouuer les poins cherchés par la Geometrie des solides ; c’est à dire en y employant quelqu’vne des trois sections coniques. Excepté seulement lorsqu’il y a neuf lignes données, si elles sont toutes paralleles. Auquel cas derechef, et encore en 10, 11, 12, ou 13 lignes on peut trouuer les poins cherchés par le moyen d’vne ligne courbe qui soit d’vn degré plus composée que les sections coniques. Excepté en treize si elles sont toutes paralleles, auquel cas, et en quatorze, 15, 16, et 17 il y faudra employer vne ligne courbe encore d’vn degré plus composée que la precedente. et ainsi à l’infini.

Puis iay trouué aussy, que lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes données, les poins cherchés se rencontrent tous, non seulement en l’vne des trois sections coniques, mais quelquefois aussy en la circonference d’vn cercle, ou en vne ligne droite. Et que lorsqu’il y en a cinq, ou six, ou sept, ou huit, tous ces poins se rencontrent en quelque vne des lignes, qui sont d’vn degré plus composées que les sections coniques, et il est impossible d’en imaginer aucune qui ne soit vtile à cete question ; mais ils peuuent aussy derechef se rencontrer en vne section conique, ou en vn cercle, ou en vne ligne droite. Et s’il y en a neuf, ou 10, ou 11, ou 12, ces poins se rencontrent en vne ligne, qui ne peut estre que d’vn degré plus composée que les precedentes ; mais toutes celles Maire, p. 309
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qui sont d’vn degré plus composées y peuuent seruir, et ainsi à l’infini.

Au reste la premiere, et la plus simple de toutes AT VI, 382 aprés les sections coniques, est celle qu’on peut descrire par l’intersection d’vne Parabole, et d’vne ligne droite, en la façon qui sera tantost expliquée. En sorte que ie pense auoir entierement satisfait à ce que Pappus nous dit auoir esté cherché en cecy par les anciens. Et ie tascheray d’en mettre la demonstration en peu de mots. car il m’ennuie desia d’en tant escrire.

Soient AB, AD, EF, GH, etc. plusieurs lignes donnees par position, et qu’il faille trouuer vn point, comme C, duquel ayant tiré d’autres lignes droites sur les données, comme CB, CD, CF, et CH, en sorte que les angles CBA, CDA, CFE, CHG, etc. soient donnés, Maire, p. 310
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et que ce qui est produit par la multiplication d’vne partie de ces lignes, soit esgal à ce qui est produit par la multiplication des autres, ou bien qu’ils ayent quelque autre proportion donnée, car cela ne rend point la question plus difficile.

Commẽt on doit poser les termes pour venir à l’Equation en cet exemple.Premierement ie suppose la chose comme desia faite, et pour me demesler de la cõfusion de toutes AT VI, 383 ces lignes, ie considere l’vne des données, et l’vne de celles qu’il faut trouuer, par exemple AB, et CB, comme les principales, et ausquelles ie tasche de rapporter ainsi toutes les autres. Que le segment de la ligne AB, qui est entre les poins A et B, soit nommé $x$. Et que BC soit nommé $y$. Et que toutes les autres lignes données soient prolongées, iusques à ce qu’elles couppent ces deux, aussy prolongées s’il est besoin, et si elles ne leur sont point paralleles. comme vous voyes icy qu’elles couppent la ligne AB aux poins A, E, G, et BC aux poins R, S, T. Puis à cause que tous les angles du triangle ARB sont donnés, la proportion, qui est entre les costés AB, et BR, est aussy donnée, et ie la pose comme de $z$ à $b$, de façon que AB estant $x$, RB sera $\frac{bx}{z}$, et la toute CR sera $y+\frac{bx}{z}$, à cause que le point B tombe entre C et R ; car si R tomboit entre C et B, CR seroit $y-\frac{bx}{z}$ ; et si C tomboit entre B et R, CR seroit $-y+\frac{bx}{z}$. Tout de mesme les trois angles du triangle DRC sont donnés, et par consequent aussy la proportion qui est entre les costés CR, et CD, que ie pose comme de $z$ à $c$ : de façon que CR estant $y+\frac{bx}{z}$, Maire, p. 311
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CD sera $\frac{cy}{z}+\frac{bcx}{zz}$. Aprés cela pource que les lignes AB, AD, et EF sont données par position, la distance qui est entre les poins A et E est aussy donnée, et si on la nomme $k$, on aura EB esgal à $k+x$ ; mais ce seroit $k-x$, si le point B tomboit entre E et A ; et $-k+x$, si E tomboit entre A et B. Et pource que les angles du triangle ESB sont tous donnés, la proportion de BE à BS est aussy donnée, et ie la pose comme $z$ à $d$, si bien que BS est $\frac{dk+dx}{z}$, et la toute CS est $\frac{zy+dk+dx}{z}$ ; mais ce seroit $\frac{zy-dk-dx}{z}$, si le point S AT VI, 384 tomboit entre B et C ; et ce seroit $\frac{-zy+dk+dx}{z}$, si C tomboit entre B et S. De plus les trois angles du triangle FSC sont donnés, et en suite la Maire, p. 312
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proportion de CS à CF, qui soit comme de $z$ à $e$, et la toute CF sera $\frac{ezy+dek+dex}{zz}$. En mesme façon AG que ie nomme $\ell$ est donnée, et BG est $\ell-x$, et à cause du triangle BGT la proportion de BG à BT est aussy donnée, qui soit comme de $z$ à $f$. et BT sera $\frac{f\ell-fx}{z}$, et CT $\!\!\ad\frac{zy+f\ell-fx}{z}$. Puis derechef la proportion de TC à CH est donnée, à cause du triangle TCH, et la posant comme de $z$ à $g$, on aura CH $\!\!\ad\frac{+gzy+fg\ell-fgx}{zz}$.

Et ainsi vous voyés, qu’en tel nombre de lignes données par position qu’on puisse auoir, toutes les lignes tirées dessus du point C à angles donnés suiuant la teneur de la question, se peuuent tousiours exprimer chascune par trois termes ; dont l’vn est composé de la quantité inconnue $y$, multipliée, ou diuisee par quelque autre connue ; et l’autre de la quantité inconnue $x$, aussy multipliée ou diuisée par quelque autre AT VI, 385 connuë ; et le trosiesme d’vne quantité toute connuë. Excepté seulement si elles sont paralleles ; ou bien à la ligne AB, auquel cas le terme composé de la quantité $x$ sera nul ; ou bien à la ligne CB, auquel cas celuy qui est composé de la quantité $y$ sera nul ; ainsi qu’il est trop manifeste pour que ie m’areste à l’expliquer. Et pour les signes $+$, et $-$, qui se ioignent à ces termes, ils peuuent estre changés en toutes les façons imaginables.

Puis vous voyés aussy, que multipliant plusieurs de ces lignes l’vne par l’autre, les quantités $x$ et $y$, qui se trouuent dans le produit, n’y peuuent auoir que chascune autant de dimensions, qu’il y a eu de lignes, à l’explication Maire, p. 313
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desquelles elles seruent, qui ont esté ainsi multipliées : en sorte qu’elles n’auront iamais plus de deux dimensions, en ce qui ne sera produit que par la multiplication de deux lignes ; ny plus de trois, en ce qui ne sera produit que par la multiplication de trois, et ainsi à l’infini.

Commẽt on trouue que ce problesme est plan, lorsqu’il n’est point proposé en plus de 5 lignes.De plus, à cause que pour determiner le point C, il n’y a qu’vne seule condition qui soit requise, à sçauoir que ce qui est produit par la multiplication d’vn certain nombre de ces lignes soit esgal, ou (ce qui n’est de rien plus malaysé) ait la proportion donnée, à ce qui est produit par la multiplication des autres ; on peut prendre à discretion l’vne des deux quantités inconnues $x$ ou $y$, et chercher l’autre par cete Equation. en laquelle il est euident que lorsque la question n’est point proposée en plus de cinq lignes, la quantité $x$ qui ne sert point à l’expression de la premiere peut touiours n’y auoir que deux dimensions. de façon AT VI, 386 que prenant vne quantité connuë pour $y$, il ne restera que $xx\ad+$ ou $-ax+$ ou $-bb$. Et ainsi on pourra trouuer la quantité $x$ auec la reigle et le compas, en la façon tantost expliquée. Mesme prenant successiuement infinies diuerses grandeurs pour la ligne $y$, on en trounuuera aussy infinies pour la ligne $x$, et ainsi on aura vne infinité de diuers poins, tels que celuy qui est marqué C, par le moyen desquels on descrira la ligne courbe demandée.

Il se peut faire aussy, la question estant proposée en six, ou plus grand nombre de lignes ; s’il y en a entre les données, qui soient paralleles à BA, ou BC, que l’vne des deux quantités $x$ ou $y$ n’ait que deux dimensions en Maire, p. 314
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l’Equation, et ainsi qu’on puisse trouuer le point C auec la reigle et le compas. Mais au contraire si elles sont toutes paralleles, encore que la question ne soit proposée qu’en cinq lignes, ce point C ne pourra ainsi estre trouué, à cause que la quantité $x$ ne se trouuant point en toute l’Equation, il ne sera plus permis de prendre vne quantité connuë pour celle qui est nommée $y$, mais ce sera elle qu’il faudra chercher. Et pource quellequ’elle aura trois dimensions, on ne la pourra trouuer qu’en tirant la racine d’vne Equation cubique. ce qui ne se peut generalement faire sans qu’on y employe pour le moins vne section conique. Et encore qu’il y ait iusques à neuf lignes données, pourvû qu’elles ne soient point toutes paralleles, on peut tousiours faire que l’Equation ne monte AT VI, 387 que iusques au quarré de quarré. au moyen de quoy on la peut aussy tousiours resoudre par les sections coniques, en la façon que i’expliqueray cy aprés. Et encore qu’il y en ait iusques à treize, on peut tousiours faire qu’elle ne monte que iusques au quarré de cube. en suite de quoy on la peut resoudre par le moyen d’vne ligne, qui n’est que d’vn degré plus composée que les sections coniques, en la façon que i’expliqueray aussy cy aprés. Et cecy est la premiere partie de ce que i’auois icy à demonstrer ; mais auant que ie passe à la seconde il est besoin que ie die quelque chose en general de la nature des lignes courbes.