ARTICLE LXXXV.
De l’Agréement et de l’Horreur.

Et je ne trouve qu’une seule distinction considerable, qui soit pareille en l’une et en l’autre. Elle consiste en ce que les objets tant de l’Amour que de la Haine, peuvent estre representez à l’ame par les sens exterieurs, ou bien par les interieurs et par sa propre raison. Car nous appellons communemẽt bien, ou mal, ce que nos sens interieurs ou nostre raison nous font juger convenable, ou contraire à nostre nature ; mais nous appellons beau ou laid, ce qui nous est Le Gras, p. 115
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ainsi representé par nos sens exterieurs, principalement par celuy de la veuë, lequel seul est plus consideré que AT XI, 392 tous les autres. D’où naissent deux especes d’Amour, à sçavoir, celle qu’on a pour les choses bonnes, et celle qu’on a pour les belles, à laquelle on peut donner le nom d’Agréement, affin de ne la pas confondre avec l’autre, ni aussi avec le Desir auquel on attribuë souvant le nom d’Amour. Et de là naissent en mesme façon deux especes de Haine, l’une desquelles se rapporte aux choses mauvaises, l’autre à celles qui sont laides ; et cete derniere peut estre appellée Horreur, ou Aversion, affin de la distinguer. Mais ce qu’il y a icy de plus remarquable, c’est que ces passions d’Agréement et d’Horreur, ont coustume d’estre plus violentes que les autres especes d’Amour ou de Haine, à cause que ce qui vient à l’ame par les Le Gras, p. 116
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sens, la touche plus fort que ce qui luy est representé par sa raison ; et que toutefois elles ont ordinairement moins de vérité. En sorte que de toutes les passions ce sont celles-cy qui trompent le plus, et dont on doit le plus soigneusement se garder.