Le Gras, p. 142
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ARTICLE CVII.
Quelle est la cause de ces mouvemens
en l’Amour.

Et je deduis les raisons de tout cecy, de ce qui a esté dit cy dessus, qu’il y a telle liaison entre notre ame et nostre corps, que lors que nous avons une fois joint quelque action corporelle avec quelque pensée, l’une des deux ne se presente point à nous par apres, que l’autre ne s’y presente aussi. Comme on voit en ceux qui ont pris avec grande aversion quelque breuvage estans malades, qu’ils ne peuvent rien boire ou manger par apres, qui en approche du goust, sans avoir derechef la mesme aversion ; Et pareillement qu’ils ne peuvent penser à l’aversion qu’on a des medecines, que le mesme goust ne leur reviene en la pensée. Car il me semble que les premieres Le Gras, p. 143
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passions que nostre ame a euës, lors qu’elle a commencé d’estre jointe à nostre corps, ont deu estre, que quelquefois le sang, ou autre suc qui entrait dans le cœur, estoit un aliment plus convenable que l’ordinaire, pour y entretenir la chaleur qui est le principe de la vie ; ce qui estoit cause que l’ame joignoit à soy de volonté cet aliment, c’est à dire, l’aymoit ; et en mesme temps les AT XI, 408 esprits couloient du cerveau vers les muscles, qui pouvoient presser ou agiter les parties d’où il estoit venu vers le cœur, pour faire qu’elles luy en envoyassent d’avantage ; et ces parties étoient l’estomac et les intestins, dont l’agitation augmente l’appetit, ou bien aussi le foye et le poulmon, que les muscles du diaphragme peuvent presser. C’est pourquoy ce mesme mouvement des esprits, a tousjours accompagné depuis la passion d’Amour.