ARTICLE CXXVI.
Quelles sont ses principales causes.

Et je ne puis remarquer que deux causes, qui facent ainsi enfler lsubitement le poumon. La premiere est la surprise de l’Admiration, laquelle estant jointe à la joye, peut ouvrir si promptement les orifices du cœur, qu’une grande abondance de sang, entrant tout à coup en son costé droit par la vene cave, s’y rarefie, et passant de là par la vene arterieuse, enfle le poumon. L’autre est le meslange de quelque liqueur qui augmente la rarefaction du sang. Et je n’en trouve point de propre à cela, que la plus coulante partie de AT XI, 421 celuy Le Gras, p. 166
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qui vient de la rate, laquelle partie du sang estant poussée vers le cœur, par quelque legere émotion de Haine, aydée par la surprise de l’Admiration, et s’y meslant avec le sang qui vient des autres endroits du corps, lequel la joye y fait entrer en abondance, peut faire que ce sang s’y dilate beaucoup plus qu’à l’ordinaire. En mesme façon qu’on voit quantité d’autres liqueurs, s’enfler tout à coup estant sur le feu, lors qu’on jette un peu de vinaigre dans le vaisseau où elles sont. Car la plus coulante partie du sang qui vient de la rate, est de nature semblable au vinaigre. L’experience aussi nous fait voir, qu’en toutes les rencontres qui peuvent produire ce Ris esclatant, qui vient du poumon, il y a tousjours quelque petit sujet de Haine, ou du moins d’Admiration. Et ceux dont la rate n’est pas bien saine, sont sujets à Le Gras, p. 167
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estre non seulement plus tristes, mais aussi par intervalles plus gays et plus disposez à rire que les autres ; d’autant que la rate envoye deux sortes de sang vers le cœur, l’un fort épais et grossier, qui cause la Tristesse, l’autre fort fluide et subtil, qui cause la Ioye. Et souvent apres avoir beaucoup rit, on se sent naturellement enclin à la Tristesse, pource que la plus fluide partie du sang de la rate estant epuisée, l’autre plus grossiere la suit vers le cœur.