ARTICLE CXXXVI.
D’où vienent les effets des Passions qui
sont particuliers à certains
hommes.

Av reste affin de supleer icy en peu de mots, à tout ce qui pourroit y estre adjousté touchant les divers effets, ou les diverses causes des passions, je me contenteray de repeter le principe sur lequel tout ce que j’en ay escrit est appuyé : à sçavoir qu’il y a telle liaison entre nostre ame et nostre corps, que lors que nous avons une fois joint quelque action corporelle avec quelque pensée, l’une des deux ne se presente point à nous par apres, que l’autre ne s’y Le Gras, p. 180
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presente aussi ; et que ce ne sont pas toujours les mesmes actions qu’on joint aux mesmes pensées. Car cela suffit pour rendre AT XI, 429 raison de tout ce qu’un chacun peut remarquer de particulier, en soy ou en d’autres, touchant cette matiere, qui n’a point esté icy expliqué. Et, pour exemple, il est aysé de penser, que les estranges aversions de quelques uns, qui les empeschent de souffrir l’odeur des roses, ou la presence d’un chat, ou choses semblables, ne vienent que de ce qu’au commencement de leur vie ils ont esté fort offensez par quelques pareils objets, ou bien qu’ils ont compati au sentiment de leur mere qui en a esté offensée estant grosse. Car il est certain qu’il y a du rapport entre tous les mouvemens de la mere, et ceux de l’enfant qui est en son ventre, en sorte que ce qui est contraire à l’un nuit à l’autre. Et l’odeur des Le Gras, p. 181
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roses peut avoir causé un grand mal de teste à un enfant, lors qu’il estoit encore au berceau ; ou bien un chat le peut avoir fort espouvanté, sans que personne y ait pris garde, ny qu’il en ait eu apres aucune memoire ; bien que l’idée de l’Aversion qu’il avoit alors pour ces roses, ou pour ce chat, demeure imprimée en son cerveau jusques à la fin de sa vie.