ARTICLE CXXXVII.
De l’usage des cinq Passions icy expliquées,
en tant qu’elles se rapportent
au corps.
Apres avoir donné les definitions de l’Amour, de la Haine, du Desir, de la Ioye, de la Tristesse ; et traité de tous les mouvemens corporels qui les causent ou les accompagnent, nous n’avons plus icy à considérer AT XI, 430 que leur usage. Touchant quoy il est à remarquer, Le Gras, p. 182
Image haute résolution sur Gallica que selon l’institution de la Nature elles se rapportent toutes au corps, et ne sont données à l’ame qu’entant qu’elle est jointe avec luy : en sorte que leur usage naturel est d’inciter l’ame à consentir et contribuer aux actions qui peuvent servir à conserver le corps, ou à le rendre en quelque façon plus parfait. Et en ce sens la Tristesse et la Ioye sont les deux premieres qui sont employées. Car l’ame n’est immediatement avertie des choses qui nuisent au corps, que par le sentiment qu’elle a de la douleur, lequel produit en elle premierement la passion de la Tristesse, puis en suite la Haine de ce qui cause cette douleur, et en troisiesme lieu le Desir de s’en delivrer. Comme aussi l’ame n’est immediatement avertie des choses utiles au corps, que par quelque sorte de chatoüillement, qui excitant en elle de la Ioye, fait en suite Le Gras, p. 183
Image haute résolution sur Gallica naistre l’amour de ce qu’on croit en estre la cause, et en fin le desir d’acquerir ce qui peut faire qu’on continuë en cette Ioye, ou bien qu’on jouïsse encore apres d’une semblable. Ce qui fait voir qu’elles sont toutes cinq tres-utiles au regard du corps ; et mesme que la Tristesse est en quelque façon premiere et plus necessaire que la Ioye, et la Haine que l’Amour : à cause qu’il importe davantage de repousser les choses qui nuisent et peuvent destruire, que d’acquerir celles qui adjoustent quelque perfection sans laquelle on peut subsister.