ARTICLE CXLIV.
Des Desirs dont l’evenement ne depend
que de nous.

Mais pource que ces Passions ne nous peuvent porter à aucune action, que par l’entremise du Desir qu’elles excitent, c’est particulierement ce Desir que nous devons avoir soin de regler, et c’est en cela que consiste la principale utilité de la Morale. Or comme j’ay tantost dit, qu’il est tousjours bon lors qu’il suit une vraye connoissance, ainsi il ne peut manquer d’estre mauvais, lors qu’il est fondé sur quelque erreur. Et il me semble que l’erreur qu’on commet le plus ordinairement touchant Le Gras, p. 194
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les Desirs, est qu’on ne distingue pas assez les choses qui dependent entierement de nous, de celles qui n’en dependent point. Car pour celles qui ne dependent que de nous, c’est à dire de nostre libre arbitre, il suffit de sçavoir qu’elles sont bonnes, pour ne les pouvoir desirer avec trop AT XI, 437 d’ardeur ; à cause que c’est suivre la vertu, que de faire les choses bonnes qui dependent de nous, et il est certain qu’on ne sçauroit avoir un Desir trop ardent pour la vertu. outre que ce que nous desirons en cette façon ne pouvant manquer de nous reüssir, puis que c’est de nous seuls qu’il depend, nous en recevons tousjours toute la satisfaction que nous en avons attenduë. Mais la faute qu’on a coustume de commettre en cecy, n’est jamais qu’on desire trop, c’est seulement qu’on desire trop peu. Et le souverain remede contre cela, est de se delivrer l’esprit, Le Gras, p. 195
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autant qu’il se peut, de toutes sortes d’autres Desirs moins utiles, puis de tascher de connoistre bien clairement, et de considerer avec attention, la bonté de ce qui est à desirer.