ARTICLE CXC.
De la Satisfaction de soy mesme.

La Satisfaction, qu’ont tousjours ceux qui suivent constamment la vertu, est une habitude en leur ame, qui se nomme tranquillité et repos de conscience. Mais celle qu’on acquiert de nouveau, lors qu’on a fraischement fait quelque action qu’on pense bonne, est une Passion, à sçavoir une espece de Ioye, laquelle je croy estre la plus douce de toutes, pource que sa cause ne depend que de nous mesmes. Toutefois lors que cette cause n’est pas juste, c’est à dire lors que les actions dont on tire beaucoup de satisfaction, ne sont pas de grande importance, ou mesme qu’elles sont vicieuses, Le Gras, p. 256
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AT XI, 472 elle est ridicule, et ne sert qu’à produire un orgueil et une arrogance impertinente. Ce qu’on peut particulierement remarquer en ceux qui, croyant estre Devots, sont seulement Bigots et superstitieux, c’est à dire qui sous ombre qu’ils vont souvent à l’Eglise, qu’ils recitent force prieres, qu’ils portent les cheveux courts, qu’ils jeusnent, qu’ils donnent l’aumosne, pensent estre entierement parfaits, et s’imaginent qu’ils sont si grans amis de Dieu, qu’ils ne sçauroient rien faire qui luy deplaise, et que tout ce que leur dicte leur Passion est un bon zele ; bien qu’elle leur dicte quelquefois les plus grans crimes qui puissent estre commis par des hommes, comme de trahir des villes, de tuër des Princes, d’exterminer des peuples entiers, pour cela seul qu’ils ne suivent pas leurs opinions.