Le Gras, p. (42)
Image haute résolution sur Gallica
AT XI, 323

RESPONSE
A la lettre precedentse

MONSIEVR,

Parmi les injures et les reproches que je trouve en la grande lettre que vous avez pris la peine de m’escrire, j’y remarque tant de choses à mon avantage, que si vous la faisiez imprimer, ainsi que vous declarez vouloir faire, j’aurois peur qu’on ne s’imaginast qu’il y a plus d’intelligence entre nous qu’il n’y en a, et que je vous ay prié d’y mettre plusieurs choses que la bienseance ne permettoit pas que je fisse moy mesme sçavoir au public. C’est pourquoy je ne m’arresteray pas icy à y respondre de point en point : je vous diray seulement deux raisons qui me semblent vous devoir empescher de la publier. La premiere est, que je n’ay aucune opinion que le dessein que je juge que vous avez eu en l’escrivant puisse reüssir. La seconde, que je ne suis nullement de l’humeur que vous imaginez, que je n’ay aucune indignation, ny aucun degoust, qui m’oste le desir de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour rendre service au public, auquel je m’estime tres-obligé, de ce que les escrits que j’ay desja publiez Le Gras, p. (43)
Image haute résolution sur Gallica
ont esté favorablement receus de plusieurs. Et que je ne vous ay cy-devant refusé ce que j’avois escrit des Passions, qu’affin de n’estre point obligé de le faire voir à quelques autres qui n’en eussent pas fait leur profit. AT XI, 324 Car d’autant que je ne l’avois composé que pour estre leu par une Princesse, dont l’esprit est tellement au dessus du commun, qu’elle conçoit sans aucune peine ce qui semble estre le plus difficile à nos docteurs, je ne m’estois arresté à y expliquer que ce que je pensois estre nouveau. Et affin que vous ne doutiez pas de mon dire, je vous promets de revoir cet escrit des Passions, et d’y adjouster ce que je jugeray estre necessaire pour le rendre plus intelligible, et qu’apres cela je vous l’envoyeray pour en faire ce qu’il vous plaira. Car je suis, etc.

D’Egmont, le 4 Decembre, 1648.