Axiomes ou Notions communes.

I. Il n’y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse demander quelle est la cause pourquoy elle existe. Car cela mesme se peut demander de Dieu ; non qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister, mais parce que l’immensité mesme de sa nature est la cause, ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister.

II. Le temps present ne dépend point de celuy qui l’a immediatement precedé, c’est pourquoy il n’est pas besoin d’vne moindre cause pour conseruer vne chose, que pour la produire la premiere fois.

III. Aucune chose, ny aucune perfection de cette chose actuellement existante, ne peut auoir le Neant, ou vne chose non existante, pour la cause de son existence.

Camusat – Le Petit, p. 212
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AT IX-1, 128 IV. Toute la realité, ou perfection qui est dans vne chose, se rencontre formellement, ou eminemment, dans sa cause premiere, et totale.

V. D’où il suit aussi que la realité objectiue de nos idées requiert vne cause, dans laquelle cette mesme realité soit contenuë non seulement objectiuement, mais mesme formellement, ou eminemment. Et il faut remarquer que cét Axiome doit si necessairement estre admis, que de luy seul dépend la connoissance de toutes les choses tant sensibles, qu’insensibles : Car d’où sçauons-nous, par exemple, que le Ciel existe, est-ce parce que nous le voyons ? Mais cette vision ne touche point l’esprit, sinon en tant qu’elle est vne idée : vne idée, dis-je, inherente en l’esprit mesme, et non pas vne image dépeinte en la fantaisie ; et à l’occasion de cette idée nous ne pouuons pas iuger que le ciel existe, si ce n’est que nous suposions que toute idée doit auoir vne cause de sa realité objectiue, qui soit réellement existente ; laquelle cause nous iugeons que c’est le ciel mesme, et ainsi des autres.

VI. Il y a diuers degrez de realité, ou d’entité : Car la substance a plus de realité que l’accident ou le mode, et la substance infinie que la finie ; C’est pourquoy aussi il y a plus de realité objectiue dans l’idée de la substance, que dans celle de l’accident, et dans l’idée de la substance infinie, que dans l’idée de la substance finie.

VII. La volonté se porte volontairement, et ibrement, Camusat – Le Petit, p. 213
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(car cela est de son essence) mais neantmoins infailliblement, au bien qui luy est clairement connu : C’est pourquoy si elle vient à connoistre quelques perfections qu’elle n’ait pas, elle se les donnera aussi-tost, si elles sont en sa puissance : car elle connoistra que ce luy est vn plus grand bien de les auoir, que de ne les auoir pas.

VIII. Ce qui peut faire le plus, ou le plus difficile, peut aussi faire le moins, ou le plus aisé.

IX. C’est vne chose plus grande et plus difficile de créer ou conseruer vne substance, que de créer ou conseruer ses attributs, ou proprietez ; Mais ce n’est pas vne chose plus grande, ou plus difficile, de créer vne chose que de la conseruer, ainsi qu’il a des-ja esté dit.

X. Dans l’idée, ou le concept de chaque chose, l’existence y est contenuë, parce que nous ne pouuons rien conceuoir que sous la forme d’vne chose qui existe ; mais auec cette difference, que dans le concept d’vne chose limitée, l’existence possible ou contingente est seulement contenuë, et dans le concept d’vn estre souuerainement parfait, la parfaite et necessaire y est comprise.