Definitions.
I. Par le nom de pensée, ie comprens tout ce qui est tellement en nous, que nous en sommes immédiatement connoissans. Ainsi toutes les operations de la volonté, de l’entendement, de l’imagination, et des sens sont des pensées. Mais i’ay adjousté immediatement pour exclure les choses qui suiuent et dépendent de nos pensées, par exemple, le mouuement volontaire a bien à la verité la volonté pour son principe, mais luy-mesme neantmoins n’est pas vne pensée.
II. Par le nom d’Idée, i’entens cette forme de chacune de nos pensées, par la perception immediate de laquelle nous auons connoissance de ces mesmes pensées. En telle sorte que ie ne puis rien exprimer par Camusat – Le Petit, p. 206
Image haute résolution sur Gallica des paroles, lorsque i’entens ce que ie dis, que de cela mesme il ne soit certain que i’ay en moy l’idée de la chose qui est signifiée par mes paroles. Et ainsi ie n’apelle pas du nom d’idée les seules images qui sont dépeintes en la fantaisie : au contraire ie ne les appelle point icy de ce nom, en tant qu’elles sont en la fantaisie corporelle, c’est à dire en tant qu’elles sont dépeintes en quelques parties du cerueau, mais seulement en tant qu’elles informent l’esprit mesme, qui s’aplique à cette partie du cerueau.
III. Par la realité objectiue d’vne Idée, i’entens l’entité ou l’estre de la chose representée par l’idée, en tant que cette entité est dans l’idée : et de la mesme façon on peut dire vne perfection objectiue, ou vn artifice objectif etc. Car tout ce que nous conceuons comme estant dans les objets des idées, tout cela est objectiuement, ou par representation, dans les idées mesmes.
AT IX-1, 125 IV. Les mesmes choses sont dites estre formellement dans les objets des idées, quand elles sont en eux telles que nous les conceuons ; et elles font dites y estre eminemment quand elles n’y sont pas à la verité telles, mais qu’elles sont si grandes, qu’elles peuuent supléer à ce defaut par leur excellence.
V. Toute chose, dans laquelle reside immediatement, comme dans son sujet, ou par laquelle existe quelque chose que nous conceuons, c’est à dire quelque proprieté, qualité, ou attribut, dont nous auons en nous vne réelle idée, s’appelle Substance. Car nous Camusat – Le Petit, p. 207
Image haute résolution sur Gallica n’auons point d’autre idée de la substance precisément prise, sinon qu’elle est vne chose dans laquelle existe formellement, ou eminemment, ce que nous conceuons, ou ce qui est objectiuement dans quelqu’vne de nos idées ; d’autant que la lumiere naturelle nous enseigne que le neant ne peut auoir aucun attribut réel.
VI. La substance, dans laquelle reside immediatement la pensée, est icy apellée Esprit. Et toutesfois ce nom est équiuoque, en ce qu’on l’attribuë aussi quelquesfois au vent, et aux liqueurs fort subtiles : mais ie n’en sçache point de plus propre.
VII. La substance, qui est le sujet immediat de l’extension, et des accidens qui presuposent l’extension, comme de la figure, de la situation, du mouuement local, etc. s’apelle Corps : Mais de sçauoir si la substance qui est apellée Esprit, est la mesme que celle que nous apellons Corps, ou bien si elles sont deux substances diuerses, et separées, c’est ce qui sera examiné cy aprés.
VIII. La substance, que nous entendons estre souuerainement parfaite, et dans laquelle nous ne conceuons rien qui enferme quelque defaut, oùou limitation de perfection, s’apelle Dieu.
IX. Quand nous disons que quelque attribut est contenu dans la nature, ou dans le concept d’vne chose, c’est de mesme que si nous disions que cét attribut est vray de cette chose, et qu’on peut assurer qu’il est en elle.
X. Deux substances sont dites estre distinguées réellement, quand chacune d’elles peut exister sans l’autre.