OBIECTION TROISIÉME.
Qvi a-t-il donc qui soit distingué de ma pensée ? Qui a-t-il que l’on puisse dire estre separé de moy-mesme ?

Quelqu’vn répondra peut-estre à cette question : Ie suis distingué de ma pensée moy-mesme qui pense ; et quoy qu’elle ne soit pas a la verité separée de moy-mesme, elle est neanmoins différente de moy : de la mesme façon que la promenade (comme il a esté dit cy-dessus) est distinguée de celuy qui se promene : que si Monsieur Des Cartes monstre que celuy qui entend et l’entendement sont vne mesme chose, nous tomberons AT IX-1, 138 dans cette façon de parler scholastique, Camusat – Le Petit, p. 229
Image haute résolution sur Gallica
l’entendement entend, la veüe void, la volonté veut ; et par vne juste analogie, la promenade, ou du moins la faculté de se promener, se promenera, toutes lesquelles choses sont obscures, impropres, et tres-indignes de la netteté ordinaire de Monsieur Des Cartes.

Réponse.

Ie ne nie pas que moy, qui pense, sois distingué de ma pensée, comme vne chose l’est de son mode : mais ou ie demande, qui a-t-il donc qui soit distingué de ma pensée, i’entens cela des diuerses façons de penser qui sont là énoncées, et non pas de ma substance ; et ou i’adioute, qui a-t-il que l’on puisse dire estre separé de soy-mesme ? Ie veux dire seulement que toutes ces manieres de penser qui sont en moy ne peuuent auoir aucune existence hors de moy : et ie ne voy pas qu’il y ait en cela aucun lieu de doute, ny pourquoy l’on me blàme icy d’obscurité.