AT IX-1, 144

OBIECTION NEVFIÉME.

Car il est certain que les Idées qui me representent des substances, sont quelque chose de plus, et, pour ainsi dire, ont plus de realité obiectiue, que celles qui me representent seulement des modes, ou accidens ; et Camusat – Le Petit, p. 240
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derechef celle par laquelle ie conçoy vn Dieu souuerain, eternel, infiny, tout connoissant, tout puissant, et createur vniuersel de toutes les choses qui sont hors de luy, a sans doute en soy plus de realité obiectiue, que celles par qui les substances finies me sont representées.

I’ay desia plusieurs-fois remarqué cy-deuant que nous n’auons aucune jdée de Dieu, ny de l’ame ; i’adioute maintenant ny de la substance ; car i’auouë bien que la substance, en tant qu’elle est vne matiere capable de receuoir diuers accidens, et qui est sujette à leurs changemens, est aperceuë, et prouuée par le raisonnement, mais neantmoins elle n’est point conceuë, ou nous n’en auons aucune jdée. Si cela est vray, comment peut on dire que les jdées qui nous representent des substances, sont quelque chose de plus, et ont plus de realité obiectiue, que celles qui nous representent des accidens ? D’auantage que Monsieur Des-Cartes considere derechef ce qu’il veut dire par ces mots, Ont plus de realite. La realité reçoit-elle le plus et le moins ? ou s’il pense qu’vne chose soit plus chose qu’vne autre, qu’il considere comment il est possible que cela puisse estre expliqué auec toute la clarté, et l’euidence qui est requise en vne démonstration, et auec laquelle il a plusieurs-fois traitté d’autres matieres.

Camusat – Le Petit, p. 241
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Réponse.

I’ay plusieurs-fois dit que i’apelois du nom d’jdée cela mesme que la raison nous fait connoistre, comme aussi toutes les autres choses que nous conceuons, de quelque façon que nous les conceuions. Et i’ay sufisamment expliqué comment la realité reçoit le plus et le moins, en disant que la substance est quelque chose de plus que le mode, et que s’il y a des qualités réelles, ou des substances incompletes, elles sont aussi quelque chose de plus que les modes, mais quelque chose de moins que les substances completes ; et enfin que s’il y a vne substance infinie, et independante, cette substance est plus chose, ou a plus de realité, c’est à dire participe plus de l’estre ou de la chose, que la substance finie, et dépendante. Ce qui est de soy si manifeste, qu’il n’est pas besoin d’y aporter vne plus ample explication.