OBIECTION DOVZIÉME.
SVR LA QVATRIEME MEDITATION.
Du vray et du faux.

Et ainsi ie connois que l’erreur en tant que telle, n’est pas quelque chose de réel qui dépende de Dieu, mais que c’est seulement vn défaut, et partant que ie n’ay pas besoin pour errer de quelque puissance qui m’ait esté donnée de Dieu particulierement pour cet effect.

Camusat – Le Petit, p. 247
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AT IX-1, 148 Il est certain que l’ignorance est seulement vn défaut, et qu’il n’est pas besoin d’aucune faculté positiue pour ignorer ; mais quant à l’erreur, la chose n’est pas si manifeste : Car il semble que si les pierres, et les autres choses inanimées ne peuuent errer, c’est seulement parce qu’elles n’ont pas la faculté de raisonner, ny d’imaginer ; Et partant il faut conclure que pour errer il est besoin d’vn entendement, ou du moins d’vne imagination, qui sont des facultez toutes deux positiues, accordéeaccordées à tous ceux qui errent, mais aussi à eux seuls.

Dauantage Monsieur Des Cartes adioute : I’aperçoy que mes erreurs dépendent du concours de deux causes, àsçauoir de la faculté de connoistre qui est en moy, et de la faculté d’élire, ou du libre arbitre. Ce qui semble auoir de la contradiction auec les choses qui ont esté dites auparauant. Où il faut aussi remarquer que la liberté du franc-arbitre est suposée sans estre prouuée, quoy que cette suposition soit contraire à l’opinion des Caluinistes.

Réponse.

Encore que pour errer il soit besoin de la faculté de raisonner (ou plutost de iuger, ou bien d’affirmer, ou de nier) d’autant que c’en est le défaut, il ne s’ensuit pas pour cela que ce défaut soit réel, non plus que l’aueuglement n’est pas apelé réel, quoy que les pierres ne soyent pas Camusat – Le Petit, p. 248
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dites aueugles, pource seulement qu’elles ne sont pas capables de voir ; Et ie suis étonné de n’auoir encore peu rencontrer dans toutes ces obiections aucune consequence, qui me semblast estre bien déduite de ses principes.

Ie n’ay rien suposé, ou auancé touchant la liberté, que ce que nous ressentons tous les jours en nous mesmes, et qui est tres-connu par la lumière naturelle ; Et ie ne puis comprendre pourquoy il est dit icy que cela repugne, ou a de la contradiction auec ce qui a esté dit auparauant.

Mais encore que peut-estre il y en ait plusieurs, qui, lorsqu’ils considerent la préordination de Dieu, ne peuuent pas comprendre comment nostre liberté peut subsister et s’accorder auec elle, il n’y a neantmoins personne, qui se regardant seulement, soy-mesme, ne ressente, et n’experimente que la volonté et la liberté ne sont qu’vne mesme chose, ou plutost qu’il n’y a point de difference entre ce qui est volontaire, et ce qui est libre. Et ce n’est pas icy le lieu d’examiner quelle est en cela l’opinion des Caluinistes.