AT IX-1, 149

OBIECTION TREIZIÉME.

Par exemple, examinant ces iours passez si quelque chose existoit dans le monde, et prenant garde que de cela seul que i’examinois cette quection ; il suiuoit Camusat – Le Petit, p. 249
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tres-euidemment que i’existois moy-mesme, ie ne pouuois pas m’empescher de iuger qu’vne chose que ie conceuois si clairement estoit vraye, non que ie m’y trouuasse forcé par aucune cause extérieure, mais seulement parce que d’vne grande clarté qui estoit en mon entendement, a suiui vne grande inclination en ma volonté, et ainsi ie me suis porté à croire auec d’autant plus de liberté, que ie me suis trouué auec moins d’indifference.

Cette façon de parler, vne grande clarté dans l’entendement est metaphorique, et partant n’est pas propre à entrer dans vn argument : Or celuy qui n’a aucun doute, pretend auoir vne semblable clarté, et sa volonté n’a pas vne moindre inclination pour affirmer ce dont il n’a aucun doute, que celui qui a vne parfaite science. Cette clarté peut donc bien est re la cause pourquoy quelqu’vn aura et deffendra auec opiniâtreté quelque opinion, mais elle ne luy peut pas faire connoistre auec certitude qu’elle est vraye.

De plus, non seulement sçauoir qu’vne chose est vraye, mais aussi la croire, ou luy donner son adueu et confentement, ce sont choses qui ne dépendent point de la volonté ; car les choses qui nous sont prouuées par de bons argumens, ou racontées comme croyables, soit que nous le veuillions ou non, nous sommes contraints de les croire. Il est bien vray qu’affirmer ou nier, soutenir ou refuter des propostions, ce sont des actes de la volonté, mais il ne s’ensuit pas que le Camusat – Le Petit, p. 250
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consentement et l’adueu interieur depende de la volonté.

Et partant la conclusion qui suit n’est pas sufisamment démontrée : Et c’est dans ce mauuais vsage de nostre liberté, que consiste cette priuation qui constituë la forme de l’erreur.

Réponse.

Il importe peu que cette façon de parler vne grande clarté soit propre, ou non, à entrer dans vn argument, pourueu qu’elle soit propre pour expliquer nettement nostre pensée, comme elle est en effect. Car il n’y a personne qui ne sçache que par ce mot, vne clarté dans l’entendement, on entend vne clarté ou perspicuité de connoissance, que tous ceux-là n’ont peut-estre pas qui pensent l’auoir, mais cela n’empesche pas qu’elle ne differe beaucoup d’vne AT IX-1, 150 opinion obstinée, qui a esté conceuë sans vne euidente perception.

Or quand il est dit icy que soit que nous voulions, ou que nous ne voulions pas, nous donnons nostre creance aux choses que nous conceuons clairement, c’est de mesme que si on disoit, que soit que nous voulions, ou que nous ne voulions pas, nous voulons et desirons les choses bonnes quand elles nous sont clairement connuës : Car cette façon de parler, soit que nous ne voulions pas, n’a point de lieu en telles occasions, parce qu’il Camusat – Le Petit, p. 251
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y a de la contradiction à vouloir, et ne vouloir pas vne mesme chose.