Camusat – Le Petit, p. 397
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CINQVIÉMES OBIECTIONS FAITES PAR MONSIEVR GASSENDY. Gassendi, Pierre

Monsieur GassendyGassendi, Pierre à Monsieur Des-Cartes.

MONSIEVR,
Le Reuerend Pere MersenneMersenne, Marin m’a beaucoup obligé de me faire participant de ces sublimes Meditations que vous auez écrites touchant la premiere Philosophie : Car certainement la grandeur du sujet, la force des pensées, et la pureté de la diction m’ont pleu extraordinairement. Aussi à vray dire est-ce auec plaisir que ie vous voy auec tant d’esprit et de courage trauailler si heureusement à l’auencement des sciences, et que vous commencez à nous découurir des choses, qui ont esté inconnuës à tous les siecles passez. Vne seule chose m’a fasché, qu’il a desiré de moy que si aprés la lecture de vos Meditations il me restoit quelques doutes ou scrupules en l’esprit, ie vous en écriuisse. Car i’ay bien iugé que ie ne ferois paroistre autre chose que le défaut de mon esprit, si ie n’acquiesçois Camusat – Le Petit, p. 398
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pas à vos raisons, ou plutost ma temerité, si i’osois proposer la moindre chose à l’encontre. Neantmoins ie ne l’ay pû refuser aux sollicitations de mon amy, ayant pensé que vous prendrez en bonne part vn dessein qui vient plutost de luy que de moy, et sçachant d’ailleurs que vous estes si humain, que vous croirez facilement que ie n’ay point eu d’autre pensée que celle de vous proposer nuëment mes doutes, et mes difficultez. Et certes ce sera bien assez si vous prenez la patience de les lire d’vn bout à l’autre. Car de penser qu’elles vous doiuent émouuoir, et vous donner la moindre défiance de vos raisonnemens, ou vous obliger à perdre le temps à leur répondre, que vous deuez mieux employer, i’en suis fort esloigné, et ne vous le conseillerois pas. Ie n’oserois pas mesme vous les proposer sans rougir, estant assuré qu’il n’y en a pas vne qui ne vous ait plusieurs fois passé dans l’esprit, et que vous n’ayez ou expressement méprisée, ou iugé deuoir estre dissimulée. Ie les propose donc, mais sans autre dessein que celuy d’vne simple proposition, laquelle ie fais, non contre les choses que vous traitez, et dont vous auez entrepris la demonstration, mais seulement contre la Methode et les raisons dont vous vsez pour les demontrer. Car de vray ie fais profession de croire qu’il y a vn Dieu, et que nos ames sont immortelles : et ie n’ay de la difficulté, qu’à comprendre la force et l’energie du raisonnement que vous employez pour la preuue de ces verités Metaphysiques, et des autres questions que vous inserez dans vostre ouurage.