v. 2371-2528

Les dons de Richard II et de Robert le Magnifique à l’abbaye

 
Del viel Richart ne disrei plus,
 
Mais de son filz, qui fut buens dus [1]
 
Et bien governa Normendie,
 
Ne vuiel leissier qu’auques n’en die [2]  :
 2375
Plusors mostiers fist par sa terre
 
Ou en son tens n’out point de guerre [3]  ;
 
Seinte Igliese tozdis ama
 
Et Damledeu molt li donna [4]  ;
 
Del mont sis peres li preia
 2380
Et il por lui molt l’enora [5]  :
 
Plus i donna et plus i mist
 
Que ainz ne puis nus huens ne fist [6]  ;
 
La chartre en ont encor li moine
 
Qui toz ses dons lor testemoine [7]  :
 2385
Ge la lui ja et esgardei ;
 
Or vos disrai que i trovei [8]  :
 
Icen i vi que il donout
 
A saint Michiel et otriout [9],
 
Et as moines qui sunt el mont,
 2390
L’abeïe, que encore unt [10],
 
De seint Paier, en Costentin ;
 
N’i a igliese ne molin [11]
 
Ne bois, ne plaign, terre ne pré
 
Que ne lor ait trestout donné [12]  :
 2395
Des le chemin de Hochingnié
 
Des qu’a la mer, tout a donné [13]  ;
 
Neies de Tarn tresqu’en Venlee,
 
O Causé donne la contree [14].
B-f. 61v 
61vEt Chantelou encor dona  [15],
 2400
Bois, iglese et quanqu’i a ;
 
Terre Grinbaut en Briquevile,
 
Et Lenguerone et Flamevile  [16]
 
Ra il donné, et la mitei
 
De Eringartvile rotrié ;
 2405
Le feu Durant dedens Vellé ;
 
En Gersé lor a doné
 
Trestot le leu Perron Le moine :
 
La chartre en trei a testemoine ;
 
La Columbe i rajosta,
 2410
Mostier et bois et ce que i a
B-f. 62r 
62rEu terreor de la Rochele,
 
O le molin et o le pré ;
 
La terre au pere a un abbé
 
Dan Heldebert, lor a doné ;
Je n’en dirai pas plus à propos de Richard l’Ancien [1], mais je ne veux pas manquer de parler un peu de son fils qui fut un bon duc et gouverna bien la Normandie [2]. Il fonda plusieurs monastères sur sa terre [3] où, de son temps, il n’y eut pas de guerre. Il ne cessa d’aimer la Sainte Église et Notre Seigneur le combla. Son père lui recommanda le mont et, en mémoire de lui, il le tint en grand honneur. Il lui fit plus de dons et fut plus généreux que nul autre homme avant et après lui. Les moines conservent encore la charte qui leur atteste tous ses dons. Je l’ai lue et examinée et vais vous dire ce que j’y ai trouvé : j’y ai vu qu’il faisait don à saint Michel et aux moines qui sont au mont de l’abbaye de Saint-Pair dans le Cotentin [4], qui est encore en leur possession ; il n’y a pas une église, pas un moulin, un bois, une plaine, une terre ou un pré qu’il ne leur ait donnés dans leur totalité : depuis le chemin de Hocquigny [5] jusqu’à la mer, il leur a tout donné ; et même depuis le Thar jusqu’à la Venlée [6], il leur a donné la région, avec Chausey [7]. Il leur donna aussi Chanteloup, les bois, l’église et tout ce qui s’y trouve. Il y ajouta la terre de Grimbaut sur le territoire de Bricqueville, Lengronne [8] et Flamanville [9] ; il octroya aussi la moitié d’Hérenguerville, le fief de Durand à Vesly [10]. À Jersey il leur donna toute la propriété de Pierre Lemoine : j’en veux pour preuve la charte [11]. Il y ajouta La Colombe [12], l’église, le bois et tout ce qui se trouve sur le territoire de La Rochelle [13] avec le moulin et le pré ; il leur donna aussi la terre du père d’un abbé, dom Hildebert.
 2415
L’une mitei de Mundrevile,
 
Trestot Verson et Bretevile
 
Que sa mere primes dona [17],
 
Oveuc les dons confermé a ;
 
Maidré, Carré et Marrigné,
 2420
Curé, Forges et Soligné,
 
Magné, Macé et Dummanei,
 
Par le meleu tot Cramerei,
 
Peleog et Eschallié
 
Et la vile de Vergoncé
 2425
Enz eu païs d’Avrencheïn
 
A saint Michel rendit sanz fin,
 
Deu don Guillaume le marchis
 
Qui fut son aël, ce m’est vis ;
 
Desor la mer deu suen dona
 2430
Tout saint Jehan si com ui a.
B-f. 62v 
62vMesnil Reingier mist o son don,
 
Leiz Morteïn, ce releison [18].
 
Tot le tongneu de l’abeïe
 
A saint Michel done et otrie [19],
 2435
Des marcheans qui i vendront
 
Marchandise et porteront,
 
Et de trespassanz, de trestoz,
 
Si com il out et anz et jors.
 
Vne iglese a il donee
 2440
Dedens le mont, en la valee,
 
De saint Pere, par tel hennor
 
(Quer seue esteit a icel jor)
 
Que li abbes et li covenz
 
Clers i metront a lor talenz
 2445
Qui por s’ame messe diront
 
Et por ses hers, tant com vivront [20].
 
Se aucun des clers despesaument
 
Feit le servise ou ordement,
 
Li abbes le peut en desfens
 2450
Meitre, ou li moine solonc le temps ;
B-f. 63r 
63rEt se por ce ne se chatie,
 
De li oster ont la ballie [21]
 
Et de poser autre en son leu,
 
S’i a, par fei, honeste lieu [22].
En même temps que ces dons, il confirma ceux faits auparavant par sa mère : la moitié de Mondrainville, tout Verson et Bretteville [14]. Il restitua pour toujours à saint Michel Moidrey, Charcey et Marigny, Curey, Forge et Soligny, Meigné, Macey et Dameigné, tout une moitié de Cormeray, Peleog et Les Challiers, le village de Vergoncey dans le pays de l’Avranchin [15] : tout cela avait fait partie de la donation du marquis Guillaume [16], qui était, je crois, son ancêtre. Il donna, au bord de la mer, tout Saint-Jean [17], comme c’est encore le cas aujourd’hui. Il ajouta à sa donation Le Mesnil-Ranger, près de Mortain (c’est ce que nous voyons écrit) [18]. Il octroya à saint Michel tout le tonlieu [19] de l’abbaye perçu sur les marchands qui y apporteront et y vendront de la marchandise et sur ceux qui y passeront, tous sans exception, autant qu’il y avait d’années et de jours [20]. Il fit don d’une église sur le mont, dans la vallée, l’église Saint-Pierre (elle était jusqu’alors sa propriété), avec la charge pour l’abbé et la communauté 
d’y installer à leur convenance des clercs qui, pendant toute leur vie, y diraient la messe pour son âme et celle de ses héritiers. Et si l’un des clercs assure l’office de façon négligente ou infâme, l’abbé peut le frapper d’interdit, ou les moines, selon le moment ; s’il ne se corrige pas sur ce point [21], ils ont le pouvoir de le renvoyer et de mettre quelqu’un d’autre à sa place, s’il est, en bonne foi, d’origine honorable [22].
 2455
Quant qu’a evesque aparteneit
 
Et a seignor, en tot endreit [23],
 
Si com son pere le dona
 
Premierement et porchaça
A-f. 41r 
41rDe l’apostoile, et des evesques,
 2460
Del rei Lohier, des archevesques [24],
 
As moines donne et au leu
 
A tozdis meis, por amor Deu [25].
 
El borc del mont fut cis duns faiz ;
 
Encore est il tenu en paiz [26]  :
 2465
Por nul forfait ja fors del mont
 
N’irunt plaidier cil qui i sunt [27]  ;
 
Li plait sunt tuit devant l’abei,
 
Neies de la crestienté ;
 
Archediacres est del mont :
 2470
Toz justise cels qui i sunt [28]  ;
Tout ce qui était du ressort d’un évêque et d’un seigneur, dans tous les domaines, de même que son père, le premier, en avait fait la requête auprès du pape et des évêques, du roi Lothaire et des archevêques et en avait fait don aux moines, il le leur donna, ainsi qu’à l’abbaye à tout jamais, pour l’amour de Dieu. Le don qui suit fut fait dans le bourg du mont, et il est encore en vigueur sans contestation : pour tout forfait, ceux qui vivent au mont n’iront jamais en justice au-dehors ; les procès ont tous lieu devant l’abbé, même ceux qui relèvent de la juridiction ecclésiastique [23] : il est archidiacre [24] du mont et rend la justice à tous ceux qui s’y trouvent [25].
 
Ses clers, ses moines, toz mesra
 
A ordener la ou voldra [29].
 
Il meïsmes beneïçon
 
Aura emprof s’election [30]
 2475
De quel evesque que voldra :
 
De l’apostoile otreiz en a [31]  ;
 
Li dux Richarz icen donna
 
Et li evesque l’otreia [32]
 
Qui d’Avrenches teneit le sié,
 2480
Oiant barons et le clergié [33]  ;
 
Maingis out non, cen vei escrit
 
Enz en la chartre ou son seing fist [34].
 
Richart, Robert graanté l’unt,
 
Qui ambedui filz le duc sunt [35].
 2485
Neies Robert, li archevesques,
 
Otrei en fist o les evesques [36]
 
Sor qui esteit sa poestei,
 
Qui en la chartre sunt nummei.
A-f. 41v 
41vQuant el fut faite et acheveie,
 2490
A seint Michiel l’a presenteie [37]
 
Li dux Richarz honestement :
 
Desus l’autel fist le present [38]  ;
 
Je n’en ai dit ne meis la somme.
Il emmènera [26] ses clercs et ses moines là où il voudra pour qu’ils soient ordonnés. Lui-même aura, après son élection, la bénédiction de l’évêque de son choix [27]. II a sur ce point le consentement du pape [28]. Le duc Richard le lui accorda et l’évêque qui occupait le siège d’Avranches y consentit, en présence des barons et du clergé [29] ; je lis dans la charte où il a apposé sa signature qu’il se nommait Maingis [30]. Richard [31], Robert [32], qui sont tous deux les fils du duc, ont donné leur accord et même l’archevêque Robert [33] y consentit, avec les évêques sur qui s’étendait son pouvoir et qui sont nommés dans la charte. Une fois celle-ci faite, achevée, 
le duc Richard l’offrit dignement à saint Michel : il déposa ce présent sur l’autel ; je n’ai fait qu’en résumer le contenu.
 
Emprof sa mort firent si homme [39]
 2495
De son ainzné filz lor seignor :
 
Richart out non ; a grant ennor [40]
 
Vn poi de tens les governa.
 
Robert, sis freres, pois regna [41].
 
Cist Robert out un filz, Guillealme,
 2500
Qui a comquis tout le realme [42]
 
D’Engleterre, par poesté,
 
Et s’en est fait rei coroné [43].
Après sa mort, ses vassaux firent de son fils aîné, du nom de Richard, leur seigneur. Il les gouverna très dignement pendant quelque temps. Son frère Robert régna ensuite. Ce Robert eut un fils, Guillaume [34], qui, par la force armée, a conquis tout le royaume d’Angleterre et s’en est fait roi couronné [35].
 
L’une meitié de Guerrnerié
 
Qu’avun eü de ci qu’a oié [44],
 2505
Les costumes, et le melage
 
De tote l’autre, qui est large [45]  ;
 
Dragié, Tissé, et Tisseel [46],
 
Goout, Obreie, et Poterel,
 
Belevile, La Lande pois,
 2510
Si com el livre escrit le trois [47]  ;
 
Dous bocheals, Crapout, Neirum [48],
 
Tote Beveie par enson ;
 
Les costumes de tout Bevrum,
 
Togné, et terres en virum [49],
 2515
Et uit molins en la valee,
 
Et altre cinc en la contree [50]
 
De Beeissin, desus Obdun,
 
Enz en la vile de Versun [51],
A-f. 42r 
42rA seint Michiel donne en son tens
 2520
Li dux Robert, et en porpens [52]
 
Chartre en a feit, si l’unt li moine ;
 
Escrit i sunt li testemoine [53].
La moitié de Guernesey, que nous avons conservée jusqu’à ce jour, les coutumes [36]et le mêlage [37] de l’autre tout entière, ce qui est généreux [38] ; Dragey, Tissey et Tisseel, Goout, Obret et Poterel, Belleville ainsi que La Lande, comme je le trouve écrit dans le livre [39] ; deux bois, celui de Crapault et celui de Neiron, avec en outre toute la forêt de Bevais [40] ; les coutumes de tout Beuvron [41], le tonlieu et les terres qui l’entourent [42], huit moulins dans la vallée [43] et cinq autres dans la région du Bessin, sur l’Odon, dans la ville de Verson [44], voilà les donations faites, de son temps, par le duc Robert à saint Michel et après réflexion [45] il établit à ce propos une charte que détiennent les moines et où sont écrits les noms des témoins.
 
Ennoi sereit de l’escouter,
 
Se je voloie ore aconter [54]
 2525
Toutes les chartres as barons
 
Qui donnerent les riches dons [55].
 
Por ec de cest ici leirons,
 
Des miracles repalerons [56].
Il serait fastidieux d’écouter, si je voulais le faire à présent, l’énumération de toutes les chartes des barons qui accordèrent de riches dons à l’abbaye. C’est pourquoi nous laisserons ici ce sujet et parlerons à nouveau des miracles.

~

1   A : bues dus ; B : grande initiale aussi dans B : Deu viel richart ne direi plus ; Mes ; fiz ; bon dus.

2    Ne ueul lesser.

3    en sa terre Onc ; d guerre.

4    Saint yglese touz dis ; 2378 absent dans B.

5   A : sies peres ; B : Deu mont son pere le preia.

6    dona ; hons.

7   A : encore ; B : Chartre ; encor ; touz ces dons.

8    Je la leu ia ; 2386 absent dans B.

9    Ice ; A saint michel.

10    eu mont : ont.

11    saint paer ; iglese.

12   A : Ne bois . ne plaign . terre ne pre ; trestout donne ; B : Ne bois ne plain terre ne prei ; trestot donei.

13    hoquigne : a la mer lor a done.

14    Neis de tarmz tres quen valee.

15   Les v. 2399-2458, ici en italique, constituent le premier des passages qui manquent dans A et dont le texte ne peut être restitué qu’à partir de B.

16   B : et briqueuile Et en len guerone en flameuile.

17    prines.

18    se releison.

19    le cogneu.

20    se hers.

21    Et se por se.

22    Ci a.

23    Quant que.

24   A : Del rei lohier. des archeuesques ; B : De la posteile et des eueques Deu rei lohier des arceuesques.

25    Es moines done ; A toz dis mes por lamor deu.

26    Eu borc deu mont fut cest don feit : empez.

27    forfeit ; hors deu mont ; pleider ceux qui i sont.

28   2467-2470 absents dans B.

29   A : Ses clerz. ses moines ; B : Ses clers ses moines toz metra : voudra.

30    Il meimes ; apres les lection.

31    uoudra De la posteile.

32    richart ice dona Et son euesque lotria.

33    Oianz.

34    Maugis ot non ce ui ; Einz ; en son seign fist.

35   A : Richart. robert ; B : Richart robert garante lont ; fiz.

36    Neis robert li arceuesque ; o li euesque.

37    et escriuee A saint michel la presentee.

38    richart.

39    Je ne ai dit nemes ; Apres ; si home.

40    son ainz nei fiz ; ot non ; henor.

41    temps ; son frere puis.

42    Cest robert ; vn fiz guillaume ; conquis tot le reaume.

43    par sa postei ; feit rei coronei.

44   Grande initiale aussi dans B : Lune mitei de guernerei Qua uon veu de si qua hue.

45   A : Les costumes. et le melage De totei lautre ; B : Les cotumes et le treuage De tote lautre.

46   A : Dragie. tisse. et ; Goont. obreie. et ; B : Drage tysse et ; Goont obreie et.

47    Si comme eu liure escrit truis.

48    Dous bocheaus Crapout neiron (en deux vers).

49    Le cotumes de tot beuron Toigne ; enuiron

50   A : Et Vıt molins ; B : Et vııı molins ; Et autres out.

51    beessin ; oudon : uerson.

52    saint michel done ; temps Li dus ; o porpens.

53    lont.

54    En nui ; de lesconter Se ie uoleie.

55   A : donnereit ; B : es barons ; donerent.

56    Por quant ; leron De miracles re paleron.

~

1    Cf. Annales du Mont Saint-Michel, ms. Avranches, BM, 211, f. 72-77v, année 943 : Hoc anno occiditur Guillelmus, filius Rollonis. Cui successit Ricardus, filius eius, qui Vetus dicitur : « Cette année, Guillaume, fils de Rollon, est tué. Richard, son fils, que l’on appelle l’Ancien, lui succéda ».

2    Richard II, duc de Normandie de 996 à 1026, est présenté comme le bienfaiteur de l’abbaye dans la mesure où il l’a généreusement dotée de terres et de rentes. Le procédé de réécriture de l’histoire auquel se livre Guillaume de Saint-Pair apparaît clairement ici : il ne présente de ce duc que les aspects positifs.

3    Cf. Véronique Gazeau, « Abbayes bénédictines et abbés dans la Normandie ducale », p. 11 : « Des moines repeuplent les abbayes à Jumièges, à Fontenelle-Saint-Wandrille et au Mont Saint-Michel. Un second souffle est ensuite donné par le duc Richard II, qui à son tour fait venir dans la province un abbé étranger, le réformateur de Saint-Bénigne de Dijon, l’Italien Guillaume de Volpiano […]. Afin de restaurer efficacement le monachisme dans la province, Guillaume de Volpiano cumule les abbatiats de Fécamp, de Bernay, fondé en 1008-1017 et peut-être de Jumièges de 1015 à 1017 ».

4    Saint-Pair-sur-Mer, canton de Granville, arrondissement d’Avranches, Manche.

5    Le texte de la charte en latin mentionne une via puplica tendente Constantias : « une voie publique menant à Coutances » ; Guillaume de Saint-Pair, né dans cette région, précise que ce chemin, qui limite à l’est le territoire de l’abbaye, passe par Hocquigny.

6    Suivant la leçon Venleia du texte de la charte, nous avons substitué l’hydronyme Venlee à la leçon valee des deux manuscrits : les cours d’eau du Thar et de la Venlée limitent le territoire de Saint-Pair respectivement au sud et au nord : a septentrione rivulo nomine Venleia, a meridie fluviolo nomine Tarn…

7    La mer, avec les îles Chausey, est la limite ouest du territoire de l’abbaye de Saint-Pair : … ab occasu mare Oceano cum insula que dicitur Calsoi.

8    Chanteloup et Bricqueville : canton de Bréhal, arrondissement de Coutances, Manche ; Lengronne : canton de Gavray, arrondissement de Coutances, Manche.

9    Flamanville : canton des Pieux, arrondissement de Cherbourg, Manche.

10    Hérenguerville : canton de Montmartin-sur-Mer, arrondissement de Coutances, Manche ; Vesly : canton de Lessay, arrondissement de Coutances, Manche.

11    Les locutions traire / trere a testemoigne, a tesmoin, a tesmoignage, a garant, bien attestées dans les textes médiévaux signifient « invoquer le témoignage, prendre en témoignage » ; cf. FEW XIII, 1, 284 b, testimonium et TL X, 502, traire, qui donne cet exemple chez Wace, Rou, I, 448 : Les livres en trai a testemoine. Pour les v. 2371-2488, Guillaume de Saint-Pair suit scrupuleusement le texte de l’acte de donation fait par Richard II au monastère du Mont Saint-Michel.

12    La Colombe, canton de Percy, arrondissement de Coutances, Manche.

13    La Rochelle, aujourd’hui La Rochelle-Normande, canton de La Haye-Pesnel, arrondissement d’Avranches.

14    La duchesse Gonnor avait fait don au Mont en 1015 de deux alleux, Bretteville (canton de Caen-Ouest, Calvados), et Domjean (canton de Tessy-sur-Vire, arrondissement de Saint-Lô, Manche), qui faisaient partie de son douaire. Le texte de l’acte, accompagné d’un dessin à la plume représentant la remise de la charte par Gonnor à l’abbé Hildebert est reproduit dans le Cartulaire, f. 24r-25r ; Verson, canton d’Évrecy, Calvados ; Mondrainville, canton de Tilly-sur-Seulles, Calvados.

15    Moidrey, Charcey (commune des Pas) ; Curey, Les Forges, Soligny, Dameigné (communes de Curey) ; Macey, Les Challiers (commune de Macey), Cormeray, canton de Pontorson. Marigny (commune d’Argouges) ; Vergoncey, canton de Saint-James. Meigné (commune de Crollon), canton de Ducey ; tous ces villages se trouvent dans l’arrondissement d’Avranches, dans le département de la Manche. La commune de Peleog n’a pu être identifiée.

16    Richard II restitue au Mont des donations faites par Guillaume Longue Épée entre 933 et 942, et enlevées par Robert de Mortain, son demi-frère ou beau-frère (cf. Marie Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie…, p. 21, Acte 49 ; voir aussi la note de Lucien Musset dans le même ouvrage, p. 534).

17    Actuellement Saint-Jean-le-Thomas, canton de Sartilly, arrondissement d’Avranches, Manche.

18    Actuellement Le Mesnil-Adelée, canton de Juvigny, arrondissement d’Avranches, Manche.

19    Tonlieu : « droit payé par les marchands pour l’étalage des marchandises sur les marchés » (FEW XIII, 1, 165 b, teloneum, d’origine grecque, « douane »). Tongneu (v. 2433) et togné (v. 2514) sont parmi les premières attestations du mot en ancien français.

20    De trestoz Si com il out, et anz et jors : ajout de l’auteur.

21    Por marque ici la relation : « au sujet de » (cf. Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, § 335, p. 288).

22    honeste lieu : cf. FEW V, 392 b, locus : « famille, extraction, race » ; TL V, 425, lieu : « Herkunft » (« origine ») : de bon lieu, de haut lieu, d’oneste lieu… Cette clause à propos de l’origine des clercs de l’église Saint-Pierre ne figure pas dans la charte.

23    Un des sens de crestienté, attesté dans les textes médiévaux, est celui de « cour, juridiction ecclésiastique » (FEW II, 1, 654 a, christianus : « champ., norm. pic. »).

24    Archidiacre : « ecclésiastique investi par l’évêque de pouvoirs juridictionnels sur les curés de la partie du diocèse, constituée en archidiaconé, qui dépend de lui » (TLF III, 432 a, archidiacre). L’évêque d’Avranches, Jean d’Ivry, créa au Mont, en 1061, un archidiaconé dont fut chargé l’abbé Renouf. Cf. Pierre Bouet et Olivier Desbordes (éd.), Chroniques latines…, Annexe II, « Convention entre l’abbé du Mont Saint-Michel et l’évêque d’Avranches (1061) » (texte et commentaire), p. 375-378.

25    Richard II renonce aux coutumes ducales et épiscopales sur le Mont, que Richard Ier avait déjà abandonnées : la juridiction de l’abbé et des moines s’étend sur tous les hommes du bourg. Mais Guillaume de Saint-Pair omet volontairement la clause qui conclut ce paragraphe dans l’acte du duc : si l’abbé et les moines négligent leurs devoirs, l’évêque d’Avranches ou leurs voisins devront en avertir le duc, qui réglera la question en s’aidant des conseils de l’archevêque et des personnalités importantes de la province. Cette clause, comme celle qui suit, est une interpolation effectuée, selon Marie Fauroux (Recueil des actes des ducs de Normandie…, p. 162), « en 1058-1060 », à partir de la fausse bulle de Jean XIII.

26    Mesra : forme de futur de l’Ouest et de l’anglo-normand du verbe mener : dans menera, le e prétonique interne s’est amui ; le groupe secondaire nr de menra, s’est assimilé en rr qui a pu se simplifier en r. La graphie sr note l’allongement compensatoire du e, consécutif à l’amuissement du n.

27    Cf. Nicole Simon, « Le Mont Saint-Michel dans les trois premiers quarts du XIVe siècle », in Millénaire monastique du Mont Saint-Michel, t. I, p. 162 : « l’abbaye du Mont Saint-Michel n’étant pas exempte, était soumise à la juridiction de l’ordinaire, et le nouvel abbé devait être béni par l’évêque d’Avranches ». L’acte 49 spécifie la possibilité, pour l’ordination des abbés, des moines et des clercs, de faire appel à episcopo sue vicinitatis « un évêque du voisinage », ce qui accroît leur indépendance face à l’évêque d’Avranches. Mais cette partie de l’acte est, comme ce qui précède, une interpolation à partir de la bulle de Jean XIII. La formule de Guillaume de Saint-Pair est plus vague encore que celle de la charte.

28    Il s’agit de la bulle de Jean XIII.

29    Guillaume de Saint-Pair donne les noms des personnalités laïques et ecclésiastiques les plus importantes qui ont souscrit la charte. Le v. 2480 Oiant baron et le clergié évoque les souscripteurs plus modestes, et 2487 les évêques placés sous l’autorité de l’archevêque de Rouen.

30    Maugis, dans les chartes Maugisus, Mauguisus, Mangisus, Meingisus, évêque d’Avranches de 1022 à 1026.

31    Richard III, cinquième duc de Normandie en 1026-1027, fils de Richard II et de Judith de Bretagne.

32    Robert le Magnifique, duc de Normandie de 1027 à 1035, n’est mentionné dans le Roman qu’à travers deux chartes, celle-ci, qu’il a souscrite (Cartulaire, ms. Avranches, BM, 210, f. 22v) et celle qu’il a lui-même accordée à l’abbaye (ibid., f. 26r-27v) : voir les v. 2503-2528.

33    Robert, frère de Richard II, archevêque de Rouen de 996 à 1037, et comte d’Évreux.

34    Guillaume le Bâtard, duc de Normandie de 1035 à 1087, roi d’Angleterre de 1066 à 1087.

35    Un des premiers sens attestés de poesté (du latin potestas, « puissance, pouvoir ») est celui d’« armée, troupes, force, vive force, violence » dans la Chanson de Roland (Godefroy VI, 242 a, poesté), à côté de celui de « puissance, pouvoir ». La question du sens en contexte se pose ici : la victoire de Guillaume est-elle due à sa puissance ou à sa force / ses forces ? Cette évocation laconique et ambiguë de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Bâtard présente en outre son couronnement comme relevant de son unique volonté.

36    Costumes désigne ici « certaines redevances ou prérogatives seigneuriales » (Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, Paris, Fayard, 1993, s.v. coutumes, p. 320). Ce sens de « taxes, impôts habituels » est dérivé de costumes « habitudes », « manières d’agir établies par l’usage soit chez un peuple entier soit chez un individu », attesté depuis le xie s, de même que celui de « législation établie par l’usage par opposition au droit écrit », attesté depuis le XIIe s. (FEW II, 2, 1091 a-1092 b, consuetudo).

37    Godefroy (V, 221 b, melage) et TL (V, 1353, melage) glosent melage par « droit sur les pommes », le rattachant à malum « pommier », ce que conteste le FEW VI, 45 a, mespilum, en se fondant sur le fait que le latin malum n’a pas de postérité en Normandie. Le FEW le comprend comme « droit sur les nèfles », de mespilum « nèfle ». Mais le mêlage peut avoir été une redevance propre à l’île de Guernesey : cf. la Franchise de Guernerie, du XIIIe siècle (Archives de la Manche, Mont Saint-Michel), citée par Godefroy (V, 221 b, melage) : Empres il a son champart sus son fieu, e ses melages e ses polages [« droit sur la volaille »] et ses molins. Nous produisons également la note de Marie Fauroux (Recueil des actes des ducs de Normandie…, Acte 73, p. 210) qui, à propos du terme mêlage, cite la définition de John Herbert Le Patourel (The medieval administration of the Channel Islands, 1199-1399, Londres, Oxford University Press, [Oxford Historical Series], 1937, p. 77), selon lequel à Guernesey « le mêlage est la redevance d’un boisseau et de deux “denerels” d’avoine par bouvée [“mesure agraire”] ». Dans son édition dactylographiée du Roman (thèse, université d’Aberdeen, 1978), R. Graham Birrell suggère pour melage (p. LVIII) l’étymon mella « mesure de grain », attesté en latin médiéval (cf. Jan Frederik Niermeyer, Mediae Latinitatis Lexicon minus, Leyde, E. J. Brill, 1954, p. 668).

38    Nous avons considéré le pronom relatif qui comme une forme de neutre équivalent à ce qui (cf. Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, § 61, p. 79). Le premier sens de l’adjectif large est « généreux ». Robert le Magnifique est parfois appelé Robert le Libéral, du fait de sa générosité vis-à-vis de l’Église, surtout à la fin de sa vie.

39    La version du texte dans le Cartulaire cite Saint-Jean (actuellement « Saint-Jean-le-Thomas », canton de Sartilly, arrondissement d’Avranches, Manche) et fait figurer en interpolation les villages qui en dépendent. Guillaume de Saint-Pair ne cite que ces villages : Tissey, Goout, Obret et Poterel font partie de la commune de Dragey, canton de Sartilly, arrondissement d’Avranches, Manche ; Tisseel n’est pas localisable.

40    La forêt de Bevais : aujourd’hui la « lande de Bevais », canton de Sartilly. Guillaume de Saint-Pair mentionne les deux noms de villages interpolés dans le Cartulaire : Crapault, commune de Carolles, canton de Sartilly, arrondissement d’Avranches, Manche, et Neiron, commune de Champeaux, canton de Sartilly, arrondissement d’Avranches, Manche.

41    Costumes « coutumes » traduit la phrase de l’acte quicquid in eo mei juris erat : « tout ce qui était sous ma dépendance ». Beuvron, aujourd’hui Saint-James, chef-lieu de canton, arrondissement d’Avranches, Manche.

42    Interpolation présente dans le Cartulaire :cum omnibus terris que in circuitu sunt.

43    Le texte de la charte indique cum. VIII. molendinis.

44    Cf. v. 2416. Verson et Bretteville sont situés au bord de l’Odon.

45    Porpens, déverbal de porpenser « penser, réfléchir, former une résolution, songer à, méditer, projeter » (FEW VIII, 198 a, pensare). Le sens de « décision » (au terme d’une réflexion) est également attesté, ainsi que ceux de « préoccupation, inquiétude, souci ».