C’est une installation qui ne passe pas inaperçue sur le campus 2. Sa taille hors norme, déjà : 8,5m de haut par 8,5m au sol. L’originalité du dispositif, aussi, qui s’appuie sur le principe d’une soufflerie aérodynamique. Mais surtout son ambition, à la croisée des arts et des sciences. Rencontre avec Guillaume Cousin, auteur de l’œuvre Soudain Toujours.
Quelle est l’origine de l’œuvre Soudain Toujours ?
J’ai exercé les métiers d’éclairagiste et de scénographe durant près de vingt ans. Dans le spectacle vivant, il faut toujours imaginer et inventer de nouveaux systèmes et de nouveaux décors. C’est sur ce parcours, à la fois de technicien et d’artiste, que j’ai fondé les bases de mon travail de plasticien. L’envie de créer des œuvres en dehors de la scène s’est imposée à moi-même. L’axe principal de mon travail, que je développe depuis 2018, est l’exploration de la réalité. Qu’est-ce que la réalité ? Comment la définit-on ? Y a-t-il une seule ou plusieurs réalités ? Ce qui m’amène à m’interroger sur nos sens — quels sont-ils et qu’y-a-t-il à la marge de nos sens ? — mais aussi sur les apports de la science, et de la physique quantique en particulier.
Pourquoi travailler sur l’air ?
Nous avons un rapport très intime à l’air : nous effectuons environ 20 000 respirations par jour. Et pourtant… nous continuons de considérer que l’air, c’est du vide ! J’ai donc choisi l’air comme média de sculpture, pour mieux le révéler. Révéler l’air, c’est aussi redonner accès à une mémoire collective, universelle et très inconsciente que nous avons toutes et tous — car nous vivons bien toutes et tous, précisément, dans l’air. Soudain Toujours rend visible le mouvement de l’air, ce qui plonge notre cerveau dans un état méditatif et contemplatif — comme on plongerait le regard dans un feu de cheminée ou dans l’écoulement d’un ruisseau.
Vous parliez de physique quantique.
Oui, la physique quantique me passionne particulièrement ! Les particules quantiques sont le composant d’absolument TOUTE matière, y compris celle qui nous constitue dans notre intimité… mais dans des règles et à des échelles qui nous échappent. Soudain Toujours révèle cette relation intime et inconsciente à la matière invisible.
Soudain Toujours propose donc une synthèse de deux disciplines ?
Soudain Toujours est une œuvre alliant art et science. D’un point de vue ingénierie, un travail a été mené sur la physique et la mécanique des fluides aux côtés de Sylvain Aguinaga du Centre scientifique et technique du bâtiment de Nantes, pour construire une soufflerie digne d’une soufflerie aérodynamique industrielle et ainsi créer un mouvement d’air tel une partition de nuages. Ce mouvement d’air, c’est l’histoire du Big Bang : il illustre l’entropie de notre univers, c’est-à-dire le désordre croissant et irréversible de la matière. Les scientifiques, faute de temps, parlent peu de l’aspect poétique et philosophique de leurs recherches — or le point de vue de découvreur est un point de vue d’artiste. Cette œuvre, installée sur le campus 2 à l’occasion de la Fête de la science 2023, est donc l’occasion de parler de la relation entre artistes et scientifiques. Les apports sont mutuels et fructueux : chacun apporte sa pierre pour trouver de nouvelles pistes de réflexion et rendre le savoir accessible au plus grand nombre.